Un Long Voyage
- Alors comme ça t'en as marre de fuir, c'est ça ? C'est vrai que moi les fardiens j'l'ai fait plus souvent aller dans l'autre sens !
Angelica écoutait d'une oreille distraite les paroles du vieil homme pendant qu'elle regardait le paysage défiler à travers la fenêtre de la calèche. Il était incroyablement bavard. Elle avait trouvé cela amusant au début mais après plusieurs heures de voyage, elle commençait à s'en lasser. D'autant plus qu'il radotait : déjà la cinquième fois qu'il s'exclamait qu'il n'avait pas l'habitude d'amener un fardien vers le Nord... Enfin bon, ça reste un gars bien : il aide les fardiens à passer... pensait-elle quand lui prenait l'envie de lui hurler de la fermer.
Elle voyageait avec deux autres personnes : un homme élégant aux cheveux bruns coiffés d'un chapeau haut-de-forme à qui elle donnait une quarantaine d'années, ainsi qu'un adolescent aux cheveux blonds très courts qui regardait devant lui avec un air renfrogné. L'homme au chapeau avait plusieurs fois demandé à faire un jeu de carte mais l'adolescent n'avait pas répondu et Angelica avait affirmé qu'elle ne voulait pas. En réalité on ne lui avait encore jamais proposé et elle ne voulait pas avouer qu'elle ne savait pas jouer. Alors, elle avait reprit sa morne contemplation du paysage. Qu'est-ce que ce voyage était long...
- Si j'ai bien compris, tu es fardienne et tu vas au Nord ?
Elle se retourna en sursautant, elle s'était presque endormie. C'était l'homme au chapeau qui lui avait parlé. Décidément, il devait avoir besoin de socialiser...
- C'est ça. dit-elle d'une voix sèche.
Elle espérait qu'il allait comprendre le message : elle ne voulait pas avoir de conversation. L'homme émit un petit ricanement. Un genre de petit rire provocateur et agaçant. Évidemment, elle ne put s'empêcher de réagir.
- Quoi ?!
- Oh non, rien. C'est juste... qu'est-ce que tu comptes y faire exactement ?
- Je vais aider les fardiens. Il doit bien y avoir une sorte de résistance ou bien...
- Bien sûr. coupa l'homme. Il y a une résistance, j'en fait d'ailleurs partie mais... je ne pense pas réellement que nous ayons besoin d'enfants ?
Il arborait un ignoble sourire moqueur qui exaspéra Angelica.
- Je ne suis pas une enfant !
- Avoir un fort caractère et une tête de mule ne fait pas de toi une adulte.
La remarque la vexa immédiatement. Comment avait-il pu la cerner aussi facilement ?! Était-elle si prévisible ?
- De toute façon j'm'en fiche de ce que vous pensez !
- Oh ne t'énerves pas. commença t-il avec un air condescendant. Je dis seulement ça pour t'aider mais si tu comptes aller droit au massacre vas-y, je ne te retiendrais pas.
- J'vais pas mourir ! J'avais aider puis vous allez regretter d'm'avoir sous-estimé ! Et vous allez vous excuser !
- Mais bien sûr. Moi je crois que c'est le contraire qui va arriver. C'est toi, qui va revenir t'excuser de m'avoir parler ainsi, petite insolente. Enfin, si tu es encore vivante d'ici là.
- Je suis pas petite ! Et puis j'sais me défendre ! Vous me connaissez pas ! J'ai déjà tué des gens en plus !
C'était complètement faux. Mais elle espérait être convaincante, elle n'avait pas l'habitude de mentir... Il allait falloir qu'elle si fasse.
- Bien sûr...
L'homme passa la main sur ses yeux et laissa échapper un rire moqueur... encore...
- Tu ne sais pas mentir, petite. Tu n'as jamais tué personne et tu ne dois pas souvent cacher la vérité non plus...
Angelica commençait à être a court d'arguments. Elle croisa les bras et lança d'un air renfrogné :
- Vous êtes qu'un abruti d'toute façon...
Soudain, Angelica fut projetée vers l'avant et manqua de s'affaler sur l'homme au chapeau, avec qui elle se disputait depuis un quart d'heure. La calèche avait été contrainte à freiner. Le cocher passa la tête dans leur compartiment et prévint :
- C'est un contrôle ! Tout le monde la boucle ! Vous deux, il ponta les doigts vers Angelica et l'homme en face d'elle, faites semblant d'être occupé ! Vite !
Puis il se tourna vers l'adolescent aux cheveux courts.
- Nikolaï ! Krès davìl sanav ! lança t-il en posant son doigt sur sa bouche.
Puis il disparut à l'extérieur.
Alors comme ça le jeune homme aux cheveux courts parlait une autre langue ! C'était sans doute pour cela qu'il n'avait pas dit un mot depuis le début du voyage... pensa Angelica. En face d'elle, l'homme qu'elle décida d'appeler M. Chapeau lui tendit quelques cartes, un sourire amusé sur les lèvres. "Faites semblant d'être occupé" avait dit le cocher. Finalement, elle allait bien être obligée de jouer... Elle attrapa son jeu et observa les cartes en quête d'une quelconque signification qui lui aurait permit d'en comprendre le but. Les cartes étaient magnifiques : elle représentait divers personnages d'un royaume, le roi et la reines, les paysans, le conseiller, les princes et princesses, les marchands... Le bord de chaque carte comportait une reliure dorée et le niveau de détail des dessins était impressionnant. Ce jeu devait valoir très cher. Cela lui rappela qui elle avait en face d'elle. M. Chapeau était une personne fortunée. Ce genre de gens la dégoûtaient. Du plus loin qu'Angelica se souvienne, elle et ses parents avaient toujours eu des problèmes d'argent. Elle avait au fil des années développée une haine envers les gens aisés qui n'avaient pas à se soucier de ce qu'ils mangeraient le soir et qui ne souciaient pas non plus des personnes qui n'avaient pas leurs moyens.
Le contrôleur la tira de ses pensées. Il venait d'ouvrir la porte qui laissait passer un courant d'air froid. On s'approche du Nord... pensa Angelica. M. Chapeau souleva son haut-de-forme pour saluer le contrôleur.
- Bien le bonjour, monsieur.
L'homme répondit par un hochement de tête agacé. Visiblement, son travail commençait à le lasser.
- Ouais, ouais. Bonjour tout le monde. Vous comptez vous rendre au Nord, c'est ça ?
Il n'attendait même pas la réponse et continua sa routine.
- Alors il va me falloir vos noms et la raison de ce voyage, ok ?
- Bien entendu. répondit M. Chapeau. Je m'appelle Joris Lafontaine. Je reviens d'un voyage dans le Sud et je rentre chez moi.
Le contrôleur se tourna vers Nikolaï, l'adolescent aux cheveux courts.
- Et toi ?
Il ne savait sans doute pas du tout ce qu'on venait de lui demandait. Il se contenta de secouer la tête avec un air désemparé. Le contrôleur leva un sourcil, suspicieux.
- C'est mon majordome. Jordi. Il est muet ne vous en préoccupez pas, rattrapa M. Chapeau.
Le contrôleurs retourna vers lui, l'air toujours dubitatif, mais il n'insista pas et pointa le doigt vers Angelica.
- Et elle ?
Elle n'eut même pas à répondre, M. Chapeau le fit à sa place.
- Ma nièce. Justine. Ses parents me l'avaient confiée le temps du voyage.
Le contrôleur sortit un calepin de sa poche et tourna les pages. Après quelques instants il déclara.
- Vos noms sont pas sur la liste des fardiens recherchés. Vous pouvez passer. Bienvenue à Alsundla. La capitale est à peu près à une heure au Nord, bonne route !
Aller... Plus qu'une heure et elle serait arrivée à Sunteria.
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