Chapitre 13
Chapitre 13.
En enfilant la robe blanche, Perséphone se sentit étrange. Elle avait l'impression d'enfiler la robe de mariée qu'elle aurait mise si elle avait épousé Marcus comme elle aurait dû le faire. Le blanc semblait être la couleur de Lumos. La couleur de la pureté, songea-t-elle. Toutes les femmes qu'elle avait vues portaient des robes blanches. À vrai dire, tout était blanc et lumineux, raffiné et délicat.
Elle descendit l'escalier en colimaçon en essayant de se souvenir par quel chemin ils étaient passés plus tôt, afin de le reproduire à contre-sens. Perséphone parvint à retrouver la salle du Conseil sans trop de mal. La reine l'y attendait, assise en indien au sol, sa grande robe tout autour d'elle.
— Approche et assis toi.
Perséphone obéit avec une légère perplexité.
— Le contrôle de la puissance de l'esprit du printemps passe par le contrôle de tes émotions, lui expliqua-t-elle, tu as sûrement dérapé les fois où tu as été envahie par un sentiment trop positif ou trop négatif.
Elle avait réussi à faire cesser la bataille entre Lawrence et Marcus parce qu'elle était énervée et elle avait recouvert les murs de sa chambre de lierres parce qu'elle était heureuse. Les paroles de la reine prenaient tout leur sens.
— Je vais t'apprendre à méditer. Ferme les yeux. Fais le vide autour de toi et prends de grandes inspirations.
La jeune fille fit ce que la reine lui ordonnait, essayant de se centrer sur elle-même. Or, plongée dans le silence, à la seconde où elle ferma les yeux, elle fut incapable de ne pas penser aux événements des derniers jours : aux dettes de son père, à sa rencontre avec Marcus, à sa cavale avec Lawrence et aux pouvoirs de l'esprit du printemps qui sommeillaient en elle.
— Ressaisis-toi, lui dit soudainement la mère de Lawrence d'un air sévère, tu ne maîtrises pas tes émotions.
Perséphone rouvrit les yeux et constata qu'elle avait fait pousser, sans s'en rendre compte, une pelouse verdoyante et quelques fleurs autour d'elle. C'était un échec. Elle était déçue.
— Je suis désolée.
— Ne t'excuse pas et reprends l'exercice. Je serai intransigeante, car ce pouvoir est puissant et trop important pour que l'on soit frivoles à son égard. Tu dois apprendre à le contrôler convenablement.
Un peu refroidie par le ton sec et sévère qu'usait la reine, habituée à obéir, la jeune fille s'appliqua tout de même à recommencer l'exercice sans protester. Elle sentait l'esprit du printemps bouillonner au fond d'elle, comme s'il cherchait à s'échapper. C'était très difficile de parvenir à le contenir et cela lui demandait des efforts considérables. Elle tremblait et, rapidement, son front devint humide sous l'effort. Elle parvenait mal à contrôler les pensées désordonnées qui envahissaient son crâne. Les derniers jours avaient été riches en émotions fortes. Du jour au lendemain, elle était passée d'une vie paisible dans la campagne anglaise à une vie de fugitive auréolée d'une puissante et dangereuse magie.
— C'est assez pour aujourd'hui, finit par dire la reine, nous reprendrons demain. Ce n'était pas trop mal pour une première séance.
Perséphone se releva et secoua les jupes de sa robe blanche. Cela fait, elle s'inclina devant son instructrice.
— Merci, votre Majesté.
La reine la toisa longuement d'un regard froid avant de dire :
— Tu peux m'appeler Cassiopée. Nous allons passer beaucoup de temps toutes les deux dans les prochains jours.
La blonde sourit. Elle voyait cette permission comme une petite victoire. La mère de Lawrence l'avait acceptée, elle qui avait eu si peur de lui déplaire avant de la rencontrer !
— Très bien, reine Cassiopée, à demain dans ce cas.
— Lawrence te montrera où prendre le repas.
La jeune fille tourna les talons sans savoir où elle devait se rendre, mais heureusement, tout juste à la sortie de la salle du trône, elle eut la surprise de trouver Lawrence qui l'attendait. Son bras semblait aller beaucoup mieux. Il ne portait plus d'attelle, mais un simple bandage autour du biceps. Plus tard, il lui confia avoir été soigné à l'infirmerie.
— Comment s'est passé ta première séance ?
— Je suis épuisée, lui confia-t-elle en baissant les yeux, et je ne suis pas certaine d'avoir été très douée...
Elle avait l'impression d'être vidée de sa magie.
— C'était la première fois. Tu seras meilleure demain. Ne t'inquiète pas.
Elle se retourna d'un seul coup pour faire face à Lawrence. Elle releva le menton et le fixa droit dans les yeux en fronçant les sourcils.
— Comment ne pourrais-je pas m'inquiéter alors que j'ai quitté tout ce que je connaissais pour venir jusqu'ici et que Marcus est à nos trousses ? C'est une question de temps avant qu'il ne devienne plus puissant et me retrouve, non ?
Perséphone devait devenir meilleure et vite.
— Calme-toi, tu dois gérer tes émotions mieux que ça si tu veux avoir une chance, lui conseilla Lawrence en remarquant qu'une fleur avait commencé à pousser près de la chaussure de la jeune fille.
La blonde prit une profonde inspiration, s'obligeant à reprendre le dessus sur elle-même. Elle avait encore beaucoup de progrès à faire.
— Je suis désolée. Je ne dois plus me laisser emporter de la sorte.
Le jeune homme la détailla du regard, puis haussa les épaules.
— N'en parlons plus. As-tu faim ?
— Mon ventre gargouille !
— Alors ne perdons pas davantage de temps ici ; suis-moi, je vais te montrer les cuisines. Allons manger.
Elle suivit le brun jusqu'à la somptueuse salle à manger qui était adjointe à la cuisine où s'affairait toute une équipe. La table était grande et longue, couverture d'une nape blanche ornée de dentelles. Un panier de fruits frais trônait au centre, ainsi que plusieurs chandeliers. Cela lui parut encore plus chic et luxueux que tous les soupers auxquels elle avait pu assister au manoir Wood.
— Assis-toi. Tu n'as qu'à choisir ce que tu as envie de manger et ils le prépareront pour toi, lui apprit Lawrence en lui tirant une chaise pour qu'elle y prenne place.
Perséphone s'assit et Lawrence repoussa sa chaise contre la table.
— Cela fait plusieurs jours que nous n'avons pas avaler un « vrai » repas, dit-elle, j'ai une folle envie de hachis.
Le jeune homme lui sourit. Il était craquant.
— Je vais tout de suite prévenir les chefs.
Il disparut dans les cuisines, la laissant seul. Son regard balaya le lustre de la pièce avec ses moulures somptueuses et son très haut plafond. La maison lui manquait, mais dans le faste de Windsor elle se sentait déjà un peu plus chez elle que durant leurs jours de cavale. Ils pouvaient arrêter de fuir et prendre un moment pour se poser sans craindre une attaque surprise de Marcus dans l'immédiat.
Lawrence revint et prit place au bout de la table, juste à côté d'elle.
— Le hachis de madame a été commandé, lui annonça-t-il sans perdre son sourire.
— Merci.
Les effluves délicieuses qui s'échappaient de la cuisine lui donnaient l'eau à la bouche. Enfin, un véritable repas et pas seulement une pomme ou un bout de pain dévoré au tournant d'une route de campagne ! Cela ferait du bien.
Elle remarqua que Lawrence la regardait énormément, si bien qu'elle en rougit.
— Je n'arrive toujours pas à croire que tu sois un prince, dit-elle pour masquer sa gêne. Tu es parvenu à jouer les écuyers pendant toutes ces années sans te plaindre une seule fois... alors que tu aurais pu rester ici et profiter de tout... ce luxe !
Le château, la cuisine sur demande, les serviteurs...
— Je suis peut-être un prince, mais cela ne veut pas dire que je suis incapable de me salir les mains. J'ai suffisamment profité de ce luxe pour au moins dix vies, jusqu'à l'écœurement. Et puis, je ne sais pas pourquoi, mais quelque chose me disait que je devais te rencontrer. Le destin, peut-être.
Elle fut surprise.
— Tu crois au destin ?
Elle avait toujours pensé que Lawrence était beaucoup plus terre à terre. Il lui avait toujours paru détester tout ce qui était un peu trop ésotérique ou obscure.
— Un peu, mais je ne crois pas qu'on ne puisse pas le changer. Tu es la seule maîtresse de ta destinée, Perséphone, alors tu dois avoir confiance.
— J'ai confiance parce que tu es à mes côtés.
Qu'aurait-elle fait sans Lawrence ? Marcus aurait probablement réussi son coup s'il n'avait pas été là. En ce moment même, elle serait peut-être malheureuse et prisonnière d'un sombre cachot au cœur de Tenebris où on lui pomperait toute sa magie jusqu'à l'épuisement. Lawrence lui avait tout appris de cet univers dont elle ne connaissait rien tout comme il lui avait appris les rudiment de la vie d'une lady quand elle était arrivée chez les Woods il y a dix ans. Elle lui devait beaucoup. Et plus encore, il était un ami fidèle.
— Je ne tiens que mon rôle de Gardien. C'était mon devoir.
Au même moment, des serviteurs déposèrent des assiettes devant eux, empêchant Perséphone d'ajouter quoique ce soit. Le repas avait l'air délicieux. La jeune fille sentit immédiatement son estomac gargouiller.
— Bon appétit, lui dit Lawrence.
— Ça semble très bon.
— Si tu aimes, tu penseras à offrir tes compliments au chef.
La blonde s'empara de ses ustensiles et prit une bouchée de pommes de terre et de viande hachée. C'était réconfortant. Cet met lui rappelait la maison. Ils y mangeaient souvent du haggis et du hachis.
— Je n'y manquerai pas. C'est un délice.
— Mange. Mère a insisté pour que je te raccompagner à la chambre ensuite. Tu dois te reposer pour être en meilleure forme demain. Une bonne nuit de sommeil sur un véritable lit te fera le plus grand bien.
Elle ne pouvait qu'acquiescer. Dormir à la belle étoile était très poétique, mais le confort d'un matelas et de quatre murs lui avaient manqué. Elle essaya de rester élégante, mais la faim fut plus forte et, malgré ses bonnes manières, tout son repas fut englouti en quelques minutes à peine. Elle n'avait rien mangé d'aussi bon depuis plusieurs jours après tout !
— Passe tes compliments au chef et je te ramène à la chambre.
Perséphone venait à peine de déposer les ustensiles. Elle ressentait une certaine presse chez Lawrence, mais elle n'en était pas sûre...
— Je... oui, deux minutes.
Elle tenait vraiment à féliciter les cuisiniers qui avaient travaillé pour elle. Une fois que ce fut fait, elle revint auprès de son ami qui s'était déjà levé et se tenait près de la sortie.
— Tu sembles tendu, lui fit-elle remarquer.
— Je vais bien, l'assura-t-il, mais je dois assurer une partie de la garde ce soir, voilà tout. Je serai certain que tu seras en sécurité une fois que tu seras dans ta chambre.
Ils devaient protéger la cité, encore plus maintenant que Perséphone était entre ses murs. Rien ne devait lui arriver avant qu'elle ne puisse les débarrasser pour de bon de Marcus. Il avait cru que son rôle de Gardien prendrait fin une fois qu'il aurait ramené la jeune fille à Lumos, mais il se trompait, tout ne faisait que commencer...
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro