Chapitre 12.

Plus tard, on toqua à la porte de sa chambre.

— Entre, Lawrence, dit-elle sans bouger de son lit.

Elle était nerveuse, car le retour de son ami ne pouvait dire qu'une chose : sa mère était prête à commencer l'entraînement.

La porte s'entrouvrit et une jeune fille apparut dans l'entrebâillement.

— Je ne suis pas Lawrence, désolée, je m'appelle Mary, je suis sa sœur.

D'un seul coup, la ressemblance entre Lawrence et la visiteuse sauta aux yeux de Perséphone. Ils avaient le même nez et les mêmes yeux marrons. Mary avait de longs cheveux bruns qui descendaient en cascade jusqu'au milieu de son dos. Elle ressemblait beaucoup à sa mère.

— Je... entre.

La blonde s'assit sur le lit et essaya de replacer ses cheveux en désordre pour avoir l'air présentable.

— J'ai entendu dire que Lawrence était revenu avec la porteuse. J'étais impatiente de te rencontrer. Je t'ai amené une nouvelle robe, car on m'a dit que la tienne avait pris cher durant votre voyage.

Mary entra dans la chambre circule et montra à Perséphone la robe qu'elle lui avait apportée. Il s'agissait d'une tenue blanche avec beaucoup de détails en dentelle et de laçages. Le tissu semblait léger et fluide.

— Elle te plait ?

— C'est magnifique.

Mary détailla la robe déchirée de Perséphone en secouant la tête, désapprobatrice.

— Je t'en amènerai d'autres plus tard. Mon frère ne comprend pas les besoins d'une femme. Enlever une demoiselle alors qu'elle est en tenue de nuit, ce n'est pas possible !

Perséphone rougit en se souvenant que Lawrence l'avait vue dans sa légère tenue de nuit.

— Je n'ai jamais été aussi gênée de toute ma vie, avoua-t-elle timidement.

— Et avec raison ! J'hurlerais au meurtre si un homme devait me surprendre dans pareils accoutrements. Lawrence dépasse les bornes parfois !

La blonde se sentit forcée de prendre la défense de son ami d'enfance.

— C'était sans mauvaise intention. Il voulait me sauver des griffes de Marcus.

— Reste sur tes gardes : il a l'œil baladeur avec les femmes..., la prévint-elle avec humour, mais je l'aime quand même.

Perséphone n'avait jamais senti que Lawrence lui manquait de respect ou qu'il cherchait à violer son intimité d'une façon ou d'une autre. Elle lui avait toujours fait confiance.

— Je serai prudente, dit-elle tout de même.

Lawrence venait tout juste de lui confier que son rôle de Gardien l'empêchait d'éprouver quoique ce soit pour elle, alors Perséphone s'imaginait mal le garçon avoir l'œil baladeur... mais elle se trompait peut-être. Elle n'avait jamais été douée avec ces choses-là. Si, à l'orphelinat, elle avait joué avec plusieurs petits garçons, à l'adolescence, elle n'en avait fréquenté aucun autre que Lawrence et n'avait donc jamais eu le loisir d'avoir des affaires de cœur. Elle se préservait pour le mariage.

— Il faut bien se soutenir entre femmes ! Je suis si contente que tu sois arrivée à Windsor. On t'attend depuis tellement longtemps. Et tu es encore plus jolie que ce que j'imaginais !

Rougissant sous les compliments, Perséphone se fit la réflexion que Mary n'avait rien à lui envier. Elle partageait la même beauté discrète que son frère. C'est en songeant à cela que la jeune fille réalisa que Mary était sans doute, elle aussi, bien plus vieille que son apparence le laissait présager.

— Merci. Tu es très jolie aussi. Es-tu mariée ou fiancée ?

Mary sourit en secouant la tête.

— Les femmes de ma lignée ne se marient pas, lui apprit-elle, je dois succéder à ma mère. Si j'épousais un homme, la couronne irait entre ses mains, or le pouvoir, chez les Lumos, est détenu depuis plusieurs siècles par des femmes. Nous souhaitons conserver notre indépendance. Je peux avoir des petits-amis par contre et tomber enceinte.

— Hors-mariage ?!

La blonde s'étonna. Si elle avait été enceinte sans s'être mariée d'abord, elle n'aurait pas osé affronter ses parents... elle imaginait déjà leur énorme colère en apprenant la nouvelle. C'était de loin un des pires déshonneurs.

— Nous n'entretenons pas le même lien que vous avec le mariage. Tu es la porteuse de l'esprit du printemps. C'est un rôle très important, alors tu dois être prudente en particulier avec les hommes... ils pourraient causer ta perte.

La jalousie amoureuse qui avait conduit le grand-père de Marcus à commettre un meurtre n'était jamais loin dans les esprits. Cet événement avait marqué les Lumos au fer rouge.

— ... si j'étais dans ton cas, je ne tomberais pas amoureuse, ajouta-t-elle très sérieusement. À partir de maintenant, la chose la plus importante dans ta vie devrait être la préservation de l'esprit du printemps. Il t'a choisi, alors tu ne dois pas lui faire déshonneur.

— Je devais me marier dans un mois, finit-elle par dire en baissant les yeux, si je ne m'étais pas enfuie avec Lawrence, j'en serais sans doute à l'essayage de la robe...

— À Marcus, hein ? C'est à lui que tu devais te marier, n'est-ce pas ?

Elle acquiesça.

— J'imagine que tu as bien fait de fuir dans ce cas, rajouta Mary, cet homme causera notre perte... Tu l'as vu ? On dit qu'il a une beauté qui troublerait n'importe quelle femme. Il est dangereux.

Depuis le drame, les femmes Lumos se méfiaient des hommes trop entreprenants avec elles. Perséphone se souvint du regard bleu hypnotisant de Marcus. Elle s'était sentie envoûtée et avait été incapable d'en glisser un mot à Lawrence... Un frisson courut le long de son échine.

— Il est séduisant, s'obligea-t-elle à confirmer.

— Tu ne dois surtout pas tomber dans son piège.

Mary l'avait tant mise en garde que Perséphone sentit qu'elle devait redoubler de prudence. Qu'un homme s'intéresse autant à elle que Marcus était nouveau pour elle qui n'avait jamais fréquenté de gentleman auparavant. Était-elle trop naïve ?

— Je vais te laisser, dit la sœur de Lawrence en prenant le chemin de la sortie, tu dois essayer ta nouvelle robe et on m'a donné pour mission de te dire que ma mère t'attend pour commencer les leçons, alors descend dans la grande salle lorsque tu seras prête. Nous nous reverrons toute à l'heure.