Acte V, scène 8
Auriane, Agnès, Marguerite, Madeleine
Chez Madeleine. Autour du thé.
AURIANE – Cette après-midi est fort plaisante, ne trouvez-vous pas mes amies ?
MARGUERITE – Maintenant que votre esprit est de retour parmi nous, oui.
AGNES – Je crois en effet que, pour tenir votre résolution, il était plus prudent de nous retrouver ici, où Monsieur de Nemours ne risque pas de venir frapper.
AURIANE – Merci encore de nous recevoir Madelaine.
MADELEINE – Mais ce n'est que du plaisir.
AGNES – Dites moi Auriane, depuis combien de temps n'avez-vous pas vu... vous savez qui ?
AURIANE – Cela doit bien faire deux mois à présent.
MARGUERITE – Et comment vous en portez-vous ?
AURIANE – Je dois vous avouer que je me sens... je ne sais pas vraiment.
MARGUERITE – Comment ça ?
AURIANE – D'un côté, c'est agréable de ne plus devoir l'observer enchaîner les conquêtes ou de ne plus le voir m'ignorer comme s'il ne me connaissait pas. Mais... par ailleurs... il me manque.
MADELEINE – Auriane !
AURIANE – Oui, je sais, je me dois d'oublier et je crois commencer à y parvenir. Cependant, je ne peux empêcher mon esprit de vagabonder et quelques fois, il me rappelle les moments heureux que j'ai eu avec lui ou les moments tristes, ceux où je riais et ceux où je me torturais. (Elle s'arrête une instant et soupire). Ce manège d'émotions, qui tournait continuellement, cette impression de tourner dans le vide, de voler toujours plus haut ou de tomber toujours plus bas, tout ceci me manque. La vie me semble fade maintenant. Elle est sans saveurs, sans surprises.
AGNES – Mais, cela n'est pas définitif !
MADELEINE – Oui ! Cela ne durera que jusqu'à ce que vous trouviez quelqu'un d'autre, qui vous fera chavirer à nouveau.
MARGUERITE – L'amour peut nous tomber dessus à tout moment, j'en ai fait l'expérience.
AURIANE – Oui... Mais ce n'est pas cela qui me tracasse le plus. Je crois que ce qui me fait sombrer, c'est la perte d'espoir. Au début, j'espérais qu'il s'attache à moi et m'apprécie, ensuite j'espérais que chaque jour soit plus beau que le précédent, et il ne décevait jamais mes attentes, et finalement, j'espérais qu'il me revienne. Mais à présent, quoi ? En quoi puis-je croire ? À quoi puis-je rêver ? Qu'espérer de la vie ? Je me lève machinalement chaque matin, sans espoir, sans rêve. Alors qu'avant... Avant, chaque matin était un nouveau départ, chaque aube apportait de nouvelles promesses, le soleil illuminait mes désirs et un jour était un rêve... ou un cauchemar, mais au moins, il comportait son lot d'émotions.
MARGUERITE – Vous retrouverez cette sensation ma chère, je vous le promets.
AURIANE – Vous êtes bien optimiste.
MARGUERITE – Vous ne vous êtes laissé que deux mois de délai avant de tirer ces conclusions hâtives.
AURIANE – C'est vrai.
AGNES – Cessons donc de parler ainsi et jouons mes amies. Le moment est à la joie et non aux larmes !
Elles s'installent à table et jouent aux cartes.
MADELEINE – Je ne peux pas me contenir plus longtemps, il faut que vous sachiez.
AGNES – Quoi donc Madeleine ?
MADELEINE – Vous vous en souvenez sans doute, Océane est une connaissance de longue date. Je l'ai croisée l'autre jour et elle m'a fait des confidences. Tout d'abord, ce n'est pas elle qui souhaitait retourner avec Monsieur de Nemours, mais lui ! Il a dit vouloir tout recommencer et s'être rendu compte de ce qu'il avait perdu en la laissant. Alors, dans un élan de bonté et de douce naïveté, elle a accepté. Mais à présent, leur couple bat de l'aile. Il vient la voir chez elle mais en société, il reste à une distance de plusieurs mètres, parle avec d'autres et la regarde à peine. Océane se sent délaissée. Ce n'est pas ainsi qu'elle voyait une relation de couple. On dirait qu'il ne veut pas officialiser, ou a honte d'elle.
AGNES – Il se sert d'elle, tout simplement.
AURIANE – Je ne peux pas le croire ainsi.
MARGUERITE – Vous voyez bien que vous n'avez rien manqué.
MADELEINE – Finalement, Océane m'a dit qu'elle pensait rompre bientôt.
MARGUERITE – A ce point ! La situation doit vraiment être bancale.
AGNES – Et Cécile m'a assuré qu'elle ne comptait plus le revoir.
MARGUERITE – Oui, je suis au courant, c'est moi qui lui ai conseillé de laisser tomber Monsieur de Nemours, qui gâchait sa jeunesse.
AGNES – Et vous avez eu raison.
MARGUERITE – J'y pense, vous êtes tout ce qui lui reste Auriane. Si Cécile et Océane l'abandonnent, il va forcément revenir vers vous.
AGNES – C'est fort probable.
MARGUERITE – Ou vers vous ma chère Agnès. Mes amies, soyez sur vos gardes. Agnès, je ne t'empêche pas de le voir, puisque tu m'as assuré que c'était uniquement un ami, mais ne rentre pas dans son jeu et perce-le à jour avant qu'il ne soit trop tard. Et toi Auriane, je t'en prie, prends garde à toi. Ne le laisse pas te briser une seconde fois !
AURIANE – Je vais faire de mon mieux.
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