Acte V, scène 13
Auriane, Marguerite
Auriane est couchée dans son lit, avec les bras déposés par dessus les couvertures. Un bandage lui enserre l'épaule. Marguerite est à son chevet. Auriane ouvre les yeux.
MARGUERITE – Elle revient à elle !
AURIANE, souriant – Comment se fait-il que je sois toujours en vie ?
MARGUERITE – Grand Dieu ! Auriane ! Vous m'avez fait une de ces peurs ! Et si vous êtes vivante, ce n'est certainement pas grâce à vous !
AURIANE – Alors, comment ?
MARGUERITE – Disons que vous avez de fidèles amis.
AURIANE – Merci.
MARGUERITE – Je ne sais pas jusqu'où vos folies nous conduiront mais il faut croire que beaucoup de personnes tiennent à vous.
AURIANE – De grâce ! Racontez ! Ne me faites pas languir plus longtemps !
MARGUERITE, soupirant – Alors, tout a commencé hier au soir. Lorsque vous êtes rentrée chez vous, Madeleine, Agnès et moi avons discuté et, vu votre état d'esprit, nous avons craint que vous ne commettiez une bêtise. Comme nous avions raison ! Il a donc été décidé que je me rendrais chez vous à la première heure pour vous empêcher de partir.
Or, lorsque je suis arrivée ce matin, il était déjà trop tard. J'ai donc couru vers mon carrosse, laissant derrière moi une Suzanne affolée, que j'ai chargée d'avertir Monsieur de Guise. Une fois de plus, le mal était déjà fait quand je suis parvenue sur les lieux. Vous gisiez, inconsciente dans les bras d'un Monsieur de Nemours en larmes, penché sur vous. Le capitaine de Noailles était debout à côté, hébété.
Monsieur de Guise est arrivé en grande hâte et à failli s'évanouir en voyant la flaque de sang qui vous entourait tout deux. Cependant, il a repris ses esprits et est allé parler avec de Noailles et Fersen. Je n'ai pas entendu ce qu'il leur a raconté, trop concentrée sur votre état, mais visiblement il s'est montré très convaincant car j'ai vu le capitaine acquiescer et partir avec ses gens.
Ensuite, Antoine s'est approché doucement de vous. Lorsqu'il était à moins d'un mètre, André a senti sa présence et a immédiatement pointé son épée vers le cœur de De Guise. Nemours avait le visage à la fois baigné de larmes et taché de votre sang, qui dégoulinait de son menton. Alors, Antoine a levé les bras en signe de paix mais André n'était pas prêt à baisser sa garde. Il criait à qui voulait l'entendre que personne ne pourrait vous toucher sans le tuer d'abord.
Je me suis approchée et j'ai tenté de le calmer. J'ai pris votre pouls. Votre cœur battait encore. Rien n'était perdu ! J'ai expliqué calmement ma découverte à Monsieur de Nemours en lui disant que la meilleure chose à faire était de vous ramener chez vous pour qu'un médecin puisse vous examiner. André a hoché la tête et Antoine s'est approché pour vous porter dans mon carrosse. Acte inutile. André l'a une nouvelle fois menacé et vous a emmenée lui-même vers ma voiture. Je m'y suis installée à mon tour et j'ai crié au cocher de rouler le plus vite possible vers chez vous.
André vous avait installée de façon à ce que votre tête soit sur ses genoux et il n'arrêtait pas de parler ! Quel bavard ! Il se maudissait, vous bénissait, s'excusait, demandait votre pardon de toutes les manières possibles, se traitait de tous les noms. Il passait sans cesse de l'adoration de vous à la haine de lui-même. J'ai fini par perdre le fil ! Et... j'en suis étonnée, mais il était à la fois tendre et passionné. Il embrassait chaque partie de votre corps avec une détresse et un désespoir croissant, ce qui avait pour seul effet – sois dit en passant – de le couvrir encore plus de votre sang. C'était vraiment touchant. Si quelqu'un osait encore me dire qu'il ne vous aime pas, je crois que je le giflerais. Oui, Auriane. Ne me souriez pas ainsi ! C'est vrai, j'ai changé d'avis sur le compte de Nemours. Je dois l'avouer, c'est vous qui aviez raison. Il vous aime de tout son cœur.
Finalement, nous vous avons transportée ici devant une Suzanne horrifiée et le médecin, alerté par Monsieur de Guise, à qui vous devez des remerciements pour son attitude exemplaire, a fait son travail. Vous voilà de retour parmi nous !
AURIANE – Où est-il ?
MARGUERITE – Ah oui, j'oubliais ce détail. Nous avons pris des tours à votre chevet mais Monsieur de Nemours n'a pas voulu vous quitter un seul instant jusqu'à maintenant. Depuis deux nuits il veille et attend votre réveil. Il est exténué. Je viens de l'envoyer se reposer. Mais ne vous inquiétez pas, il ne tardera plus.
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