Suzanne, Auriane

Suzanne entre et s'approche du lit pour le remettre comme il faut.

AURIANE, d'un ton de reproche amical – Suzanne, mon lit n'a pas besoin d'être refait.

SUZANNE – Mademoiselle, je suis déjà horrifiée que vous ayez reçu ce beau jeune homme dans un tel désordre, laissez-moi ranger quelque peu.

Auriane soupire et s'assoit à son bureau.

SUZANNE – Comment trouvez-vous ce Monsieur de Guise ?

AURIANE – Affable, ennuyeux et... gentil. Il sait être très attentionné, et amusant.

SUZANNE – Je pense qu'il ferait un très bon mari.

AURIANE – Oui, sans doute.

SUZANNE – Ne voudriez-vous pas d'un tel époux ?

AURIANE – Moi ? Non. J'ai besoin d'action, de voyages, de rêve. Monsieur de Guise ne m'offrirait qu'un bel appartement à tenir et une vie de courtisane.

SUZANNE – Cela n'est-il pas déjà plus que suffisant ?

AURIANE – Non... non.

SUZANNE – Vous vous plaigniez sans cesse alors que le peuple donnerait tout pour être à votre place. Vous êtes belle, intelligente, noble. Que désirez-vous de plus ?

AURIANE – Mais... je veux vivre ! Tous ces privilèges ne m'intéressent pas. Je voudrais, comme dans les livres, laisser mes pas me guider à travers les campagnes et les villes, découvrir le monde de mes propres yeux, essayer toutes les danses, lire tous les livres, faire des expériences, prendre la mer, rien que pour sentir l'air du large... Et avant tout, je voudrais - je commence à me demander si cela est possible - je voudrais trouver l'amour. Le vrai.

SUZANNE – Mademoiselle, je crois que vous en demandez trop. Si j'étais à votre place, je n'hésiterais pas.

AURIANE – Tu n'hésiterais pas... ?

SUZANNE – Mais enfin ! Monsieur de Guise est jeune, beau, fortuné et il vous aime de tout son cœur ! Pourquoi ne pas l'épouser ?

AURIANE, étonnée – C'est vrai ? Il m'aime ?

SUZANNE – Ai-je l'habitude de mentir ?

AURIANE – Non, mais je n'avais pas remarqué.

SUZANNE – Vous laissez la douleur vous ronger et vous ne remarquez même pas les gens qui tiennent à vous.

AURIANE – Tu as raison. Il faut que je me ressaisisse.

SUZANNE – Votre mère va être contente !

AURIANE – Suzanne, tu va trop loin. Je vais, certes, essayer de refaire surface mais jamais, au grand jamais, je n'épouserais Monsieur de Guise !

SUZANNE – C'est pourtant un très bon parti !

AURIANE – Et je l'apprécie beaucoup, comme ami.

SUZANNE – Mademoiselle, je ne connais personne de plus entêtée que vous !

AURIANE – J'en suis fière ! Écoute, pour te prouver que je vais me reprendre en mains, je vais organiser un dîner ici même, dans ma demeure, auquel je vais inviter une grande partie de la Cour.

SUZANNE – C'est une très bonne résolution Mademoiselle.