Auriane, Suzanne, Antoine

Auriane rentre chez elle, monte dans sa chambre et se met à son bureau pour écrire. Les larmes coulent le long de ses joues, faisant baver l'encre de ses écrits.

SUZANNE, frappe à la porte et entre – Mademoiselle ? Un certain Monsieur de Guise voudrait avoir un entretien avec vous.

AURIANE, ne daignant pas lever la tête – Dis-lui que je ne peux pas le recevoir.

SUZANNE – Pour quelle raison s'il vous plaît ?

AURIANE – Je n'ai pas à me justifier. Dis... dis que je suis indisposée.

SUZANNE – Je crois que cela ne suffira point.

AURIANE – Et pourquoi je te prie ? Je suis maîtresse de ma maison il me semble. J'y accepte qui je désire rencontrer.

SUZANNE – Mademoiselle... Votre chagrin ne doit pas vous forcer à vous enfermer. Je sais bien que vous êtes triste et peut-être même désespérée mais...

AURIANE – Qui t'a dit cela ? Je me sens tout à fait bien. Et aucune peine ne m'accable. Je vais le recevoir.

Suzanne sort, souriant de la réussite de sa 'ruse'. Auriane recompose son visage devant son miroir. Suzanne, après avoir frappé, introduit Antoine dans la chambre d'Auriane.

ANTOINE – Excusez ma hardiesse Mademoiselle, mais, je n'ai pu résister à l'envie de vous voir un peu plus. Nous nous connaissons peu, seulement de vue et, après votre intervention de ce matin, qui m'a bouleversée, j'ai voulu vous rencontrer un peu plus longuement.

AURIANE – Monsieur, vous êtes toujours le bienvenu chez moi. C'est un plaisir que de vous recevoir.

ANTOINE – Merci. Je voulais tout d'abord vous dire, une fois de plus, que votre poème de ce matin était... vrai. Il semblait que toutes les émotions contraires que chacun de nous ressent étaient traduites par des mots. Des mots d'une justesse absolue. Des mots simples mais forts de sens.

Il s'approche d'Auriane, qui recule.

AURIANE – Il ne faut pas dire de telles choses. C'est mentir que de complimenter autant une personne.

ANTOINE – Peut-être ne vous a-t-on pas assez félicitée dans votre vie, pour que vous me trouviez trop cavalier.

Auriane reste silencieuse.

ANTOINE – Vous êtes triste Auriane. Je ne vous reconnais pas.

AURIANE – Vous ne pouvez guère reconnaître quelqu'un que vous ne connaissez pas.

ANTOINE – Je vous sais joyeuse et chaleureuse. Or, vous êtes froide et distante. Ma présence vous opportune-t-elle ?

AURIANE – Non, bien sûr que non...

ANTOINE – Je sais ce qu'est le désespoir amoureux. Je l'ai connu et si je ne vous reconnais, vous, je sais voir quand quelqu'un souffre de cette détresse.

Auriane se décompose peu à peu mais reste silencieuse.

ANTOINE – Je le lis dans vos yeux comme je l'ai compris dans vos vers. Vous pouvez vous confier à moi si vous le désirez. Je ne révélerais jamais une chose qui pourrait vous compromettre, fut-elle vraie.

Auriane fond en larmes.

ANTOINE – Excusez-moi, je suis vraiment désolé... je ne voulais pas en arriver là !

Il s'approche doucement d'Auriane et l'entoure de ses bras. Elle se calme peu à peu et sèche ses larmes.

AURIANE – Veuillez me pardonner ma conduite Monsieur. Votre gentillesse m'émeut. Personne ne m'a parlé ainsi et, je ne sais maîtriser les tourments de mon âme.

ANTOINE – Désirez-vous les partager ?

AURIANE – Non, vous en seriez trop affecté. Mon histoire n'a rien de drôle.

ANTOINE – Je m'en doute.

Auriane lui adresse un vague sourire.

ANTOINE – Vous savez que je ne vous ferai jamais le moindre mal.

AURIANE – Oui, on m'a dit que vous étiez très dévoué à vos amis. Je vous remercie de votre sollicitude.

Antoine incline la tête.

ANTOINE – Je vais me retirer. C'était un plaisir de vous être un réconfort.

AURIANE – Repassez quand vous le désirez.

Antoine sort.