Acte IV, scène 5
Auriane, Marguerite, Agnès, Madeleine, Eugène, Jeanne, Antoine, André, Cécile et quelques gentilshommes
Au salon de Marguerite.
MARGUERITE – Je suis vraiment heureuse de voir que vous avez tous répondu à mon appel. Nous allons commencer tout de suite. Je vous rappelle les critères, il faut que le poème soit écrit en bon français et nous transmette une émotion. Qui veut nous dévoiler le fruit de sa plume en premier ?
ANTOINE, se levant – Je veux bien me risquer à cet exercice.
MARGUERITE – Nous vous écoutons.
ANTOINE – Un jour de printemps,
Où le monde fête l'amour
Une fleur d'un blanc éclatant
M'est apparue aux alentours.
Belle et pleine d'esprit,
C'est ainsi qu'on la décrit.
D'un regard, elle m'a séduit
Et j'en rêve la nuit.
Lorsque, sans le vouloir,
Je l'offensais.
Par mes histoires
Je la soignais.
Le monde sans elle
Me semble gris.
Elle est exceptionnelle
Et j'en suis épris.
Tous applaudissent. Auriane applaudit mais baisse le regard.
JEANNE – Bravo !
AGNÈS – C'est un début impressionnant !
CÉCILE – Celui ou celle qui passera après aura bien du mal à l'égaler.
EUGÈNE – Je me dévoue.
Il récite son poème et Jeanne, Agnès, Madeleine, Marguerite, Catherine et Cécile se succèdent à sa suite.
MARGUERITE – Monsieur de Nemours, il me semble que votre tour est venu.
ANDRÉ – Oui, il me semble en effet. Voici ce qui m'est venu à l'esprit comme je venais ici, accompagné de quelques gens.
Alors que la solitude,
En mon cœur s'immisçait
Et que l'inquiétude
En mon âme grandissait,
Elle est apparue,
Comme une étoile
Dans la nuit absolue,
Pour gonfler mes voiles
D'espoir et de vie.
Alors qu'abandonné,
Je me languissais
de ma bien aimée,
Et souffrais,
Elle est venue,
Telle la brise d'été
Et mon cœur fendu
Elle a refermé.
Tous applaudissent une nouvelle fois. Auriane baisse la tête.
CÉCILE – Vous avez vraiment l'art de la poésie. C'était très beau.
CATHERINE – Oui. Vous savez manier les mots.
MARGUERITE, bas à Auriane – Ils s'extasient tous mais je vous ai gardée pour la fin ma chère. Éblouissez-nous.
Auriane se lève. L'assemblée retient son souffle.
AURIANE – Une rencontre, au hasard des rues
Des lettres, des entrevues
Un bal, une ballade, un dîner
Bref, une histoire commencée
Et cependant, vient le temps
De la première absence,
Courte, soit dit en passant,
Mais à jamais immense
Pour un cœur brûlant.
Les autres n'ont pas menti
Nous sommes voués à l'échec
Une passion mortelle, bannie
Éternellement et nous avec
Et cependant je pleure,
Mon cœur t'appartient
Et sans toi je me meurs
Jet'en prie, reviens !
Je sais ce qu'on dira
Mais laisse, juste une fois
La voix de ton cœur
Te guider vers le bonheur
Auriane se rassoit, les larmes aux yeux. L'assistance, muette, se concerte du regard. André semble perdu dans ses pensées, les yeux fixés sur Auriane.
MARGUERITE, souriant – Je crois que tout est dit. Par souci d'anonymat et de justice, que chacun écrive sur le papier que voici, le nom de celui qui a, selon lui, le mieux respecté les consignes et fait vibrer son cœur.
Tous les invités votent et donnent un papier plié en quatre à Madeleine, qui les donne à Marguerite. Celle-ci fait le décompte pendant que les discussions reprennent.
MARGUERITE – Je vais annoncer les résultats. En troisième position, avec 2 votes sur quinze, Monsieur de Guise ! (Applaudissements) En deuxième position, avec 3 votes, Monsieur de Nemours.(Applaudissements) Et en première position, avec 10 votes, Mademoiselle de Florelle ! Mon amie, vous êtes sacrée reine de la poésie de ce salon. (Auriane lui adresse un faible sourire).
Les invités quittent peu à peu le salon, dans le brouhaha des conversations croisées. Tous félicitent Auriane.
JEANNE – Auriane, vous devriez devenir poétesse, vous en avez le talent !
ANTOINE – Je savais que je n'avais aucune chance contre vous.
AGNÈS – Vous avez décidément plus d'esprit que nous tous réunis.
André passe devant elle sans lui jeter un regard. Mais, arrivé à la porte de sortie, tenant Mademoiselle de Cholet par le bras, il regarde rapidement en arrière, pour croiser les yeux embués d'Auriane, toujours au milieu du salon, où elle remercie vaguement ceux qui la complimentent. Après le départ de Monsieur de Guise, il ne reste plus que Marguerite et Auriane.
MARGUERITE – Je vois que la tristesse ne vous fait pas perdre votre talent, bien au contraire, elle le déploie dans toute sa splendeur.
AURIANE – Merci. Croyez-vous qu'il ait compris ?
MARGUERITE – Vous n'auriez guère pu être plus explicite.
AURIANE – Il ne m'a rien dit. Pas un seul mot. Rien !
MARGUERITE – Croyez-moi, ne songez plus à lui. Et n'essayez pas de le ramener à vous. Vous allez découvrir que la vie mérite d'être vécue, et sera bien mieux sans un homme qui vous quitterait dès qu'une femme plus belle poserait le pied à la Cour.
AURIANE – Vous avez sans doute raison.
MARGUERITE – J'ai toujours raison.
Auriane embrasse son amie et quitte le salon.
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