Auriane, seule

Auriane entre en trombe chez elle et court dans les escaliers sans même adresser un mot à Suzanne, qui préfère la laisser seule. Auriane entre dans sa chambre, ferme la porte, s'appuie contre elle, retenant ses larmes. Puis, elle avance un peu et se laisse glisser à terre. Elle pleure.

AURIANE, relevant la tête – Pourquoi ? Pourquoi ? Je lui ai tout donné, mon cœur, mon âme. Nous avons vécu heureux, quelques mois. Et je pars ! Je pars seulement deux semaines. Deux ridicules semaines ! A mon retour, je ne suis plus rien. Celle qui était la plus belle, la plus intelligente, la plus courageuse est réduite à tout le monde. Je suis tout le monde, je ne suis personne. Ah ! On me l'a dit : « Fais attention, il est inconstant », « Ne te laisse pas emmener, il est volage », « Oublie-le, tu n'es pour lui qu'une femme de passage ». Et je le savais ! Je le savais... Au fond de mon cœur, c'était écrit, tu ne seras jamais rien qu'un instant, aussi vite apparu qu'oublié. Mais je voulais y croire, je voulais espérer que j'étais celle qui allait le fixer, celle qu'il aimerait toujours... Oui, je voulais être différente des autres. (elle baisse la tête et reste silencieuse quelques instants)Je m'y suis tant attachée, à cet homme. J'aurai été prête à faire n'importe quoi, je l'aurai suivi partout, je l'aurai aimé comme il n'a jamais été aimé. D'ailleurs, il m'a déjà fait faire des folies, oui ! Cette cicatrice que j'ai au doigt... Elle sera pour toujours, le témoin de mon amour fou. Et où est-elle ? Sur le doigt réservé à l'alliance ! J'y ai vu un signe, naïve que je suis ! Je me suis dit, avec une telle marque, c'est forcément lui, lui qui me passera l'alliance au doigt. Quelle idiote ! Mais, cette cicatrice, au moins, à la chance d'avoir pu se refermer... Pour mon cœur, c'est autre chose. J'ai l'impression qu'il est fendu, qu'il déverse tout son flot d'émotions et que quand il sera vide, je serais vide aussi. Vide d'émotions, de sentiments, incapable d'aimer, de chérir... Ma vie est finie. Terminée ! Jamais amour aussi puissant n'a pris fin si brutalement. J'aurais du mal à oublier. Je ne pourrais pas. La "moi" joyeuse va laisser place à une autre "moi", ayant le cœur brisé. Et les traces, je les porterais pour la vie. André ! Pourquoi ne l'as-tu pas dit ? Pourquoi ne pas avouer que tu m'aimais ? Ou peut-être ne m'aimais-tu pas ? Je n'étais qu'une amie, c'est ça ? Une confidente ? Mais moi, je t'aime ! Je t'aime... (elle sanglote) Et oui, je t'aime alors que tu m'as jetée hors de ta vie. Je t'aime alors que tous me poussent à t'oublier, je t'aime alors que ma réputation me l'interdit, ... J'aurais tout bravé pour toi ! J'aurais laissé ma vie de noble, j'aurais accepté de passer pour une femme sans sens moral, j'aurais donné ma fortune, mes titres, j'aurais laissé mes amies pour le simple bonheur d'être avec toi. Mais tu n'as pas compris. Tu n'as pas imaginé qu'on puisse se sacrifier pour toi, qu'on puisse t'aimer pour ce que tu es ! Je n'étais qu'une proie facile, je sais. Mais ne m'as-tu pas donné, ne serait-ce qu'un petit peu de ton cœur ? Ne m'as-tu pas aimée un seul instant ? Cela m'aurait suffi. Habiter un recoin sombre de ton cœur. M'as-tu réellement oubliée si vite ? Je ne peux le croire. Écris-moi ! Justifies-toi ! Et je serais de nouveau à toi. Oui, je sais que de ma vie je ne pourrais te remplacer. Si tu reviens, ... je te laisserais envahir à nouveau mon existence. Je le sais. Je sais que ça ne marchera pas. D'aucune manière. Mais je ne peux pas m'empêcher, d'espérer ton retour.