Auriane, Marguerite, Agnès, Madeleine, Louise

Les jeunes femmes sont attablées dans le jardin, autour d'un atelier de couture.

LOUISE – Parlons d'amour mes amies.

MADELEINE – Nous n'avons discuté que de cela hier soir...

LOUISE – C'est un sujet dont je ne me lasse jamais. Commençons par une question simple. Quel est l'homme parfait selon vous ? Pour moi,il doit être grand, de peau foncée - comme un aventurier - les yeux bleus, les cheveux blonds. Il doit posséder des richesses suffisantes pour que je puisse m'acheter de nouvelles toilettes souvent et être apprécié du roi. Et vous ?

MARGUERITE – Louise, l'amabilité d'un homme ne doit pas être sa seule vertu. Pour moi, l'apparence compte peu. J'aime les gens doux, qui semblent forts et insensibles au premier abord, mais qui se dévoilent peu à peu. On découvre souvent des gens très humains, qui se cachent derrière un masque qui les rends inaccessibles, mais ont beaucoup à partager et une émotivité qui les rend adorables.

MADELEINE – Je suis d'accord avec Madame de Vertou. Ce que montrent la plupart des gens n'est qu'une allure qu'ils veulent se donner.L'intérieur est très différent.

AGNÈS – Personnellement, j'attends que l'amour me surprenne. J'ai connu beaucoup de déceptions et je n'ai plus confiance en ce sentiment. Tant que l'homme en question ne ressemble pas à ceux qui m'ont fait du mal, je l'aimerai.

MARGUERITE – Je suppose que nous savons toutes qui est l'homme parfait pour Auriane.

AURIANE – Vous supposez bien. Pour l'instant, il me paraît sans défauts. J'aime tout en lui. Et même ce que les autres peuvent trouver agaçant me semble la meilleure des qualités. Mais j'ai peur d'être dans une illusion, dans un rêve, dans une bulle de bonheur qui risque d'éclater à tout moment. J'ai peur. (Elle se décompose peu à peu). J'ai peur d'aimer ce qui est inconstant, d'aimer une image qui reste sans visage... Malheureusement, je ne peux pas m'en empêcher. Je ne peux rien lui refuser ! (Elle s'enflamme). Je voudrais rester moi-même car l'amour n'a aucune valeur si l'on est aimé pour ce que l'on est pas ; mais je n'y parviens pas (Les larmes remplissent ses yeux). Je voudrais... je voudrais qu'on m'aime pour mon être, pour moi ! Mais j'ai tant besoin de plaire, tant besoin d'amour que je ferais tout, tout pour lui sembler la plus belle et la plus intéressante personne au monde. Je, ..., je ne suis plus... moi. (Elle pleure). Veuillez... m'excuser. (Elle s'enfuit vers le château).

MARGUERITE – Je crois qu'elle a compris quelque chose aujourd'hui. Nos discours sur les apparences l'ont bouleversée mais j'estime qu'il était temps qu'elle admette la réalité.

AGNÈS – Pensez-vous que nous l'ayons guérie ?

MARGUERITE – Je ne le crois pas. Elle est imprégnée de cette homme jusqu'au plus profond de son âme.

AGNÈS – Vous avez bien fait de l'éloigner de lui. Il ne peut lui faire que du mal. Je ne voudrais pas qu'elle gâche sa belle innocence avec un libertin si aimable, il est vrai, mais si faux et immoral.

MARGUERITE – J'ai vu les dégâts qu'il a pu faire autour de lui et j'espère encore tirer notre amie de ses griffes. Nous avons fait un premier pas aujourd'hui mais elle est encore loin de reconnaître qu'il n'est pas bon pour elle. Pour son bien, nous devons l'en persuader et la protéger de son influence.

MADELEINE – Elle n'est plus maîtresse d'elle-même, c'est flagrant.

MARGUERITE – Je vais aller m'assurer qu'elle va bien.

Marguerite se lève et se dirige prestement vers sa demeure.