Auriane, Marguerite, Agnès et son mari, Madelaine, Catherine et son mari, Antoine, André, des gentilshommes, foule de nobles, un garde.

UN GARDE – Le roi !

Le roi se fraye un passage dans le foule, accompagné de Mme de Maintenon et de Monsieur de Nemours. La foule se courbe au fur et à mesure et le roi salue certains sujets de la tête. Monsieur de Nemours lui glisse un mot à l'oreille et le roi s'arrête devant Mademoiselle de Florelle.

LE ROI – Veuillez vous redresser Mademoiselle.

Auriane se relève la tête.

LE ROI – Beaucoup de personnes m'ont parlé de vous, de votre esprit et de votre amabilité. C'est un plaisir d'enfin vous rencontrer.

AURIANE – Je ne mérite pas l'honneur que vous me faites et je ne dois cette renommée fugace qu'à la bonté de Madame de Vertou qui m'a humblement invitée dans son salon.

LE ROI – Je vois que les qualités que l'on m'a vanté chez vous sont bien réelles. Je vous serais gré, Mademoiselle, de vous joindre à la cour quand vous le désirez.

AURIANE – C'est une faveur que je ne peux guère accepter.

LE ROI – Alors, je vous l'ordonne.

AURIANE– Je serais là lorsque vous le désirez.

LE ROI – Pour sceller cette entente, je vous offre un cavalier pour la prochaine danse, un de mes plus fidèles amis, Monsieur de Nemours.

Auriane fait une révérence au roi, qui continue sa marche.

ANDRÉ, courbé – Voudriez-vous m'accorder cette danse ?

AURIANE– Il n'est pas en mon pouvoir de vous la refuser.

La musique reprend. Ils commencent à danser.

ANDRÉ– Aucune des jeunes filles de ce bal n'est votre égale Mademoiselle. Vous êtes d'une beauté sans pareille ce soir.

AURIANE – Sans doute ne suis-je pas la première à qui vous le dites.

ANDRÉ – Vous persistez donc à me croire libertin et volage.

AURIANE – Vos nombreuses conquêtes le montrent.

ANDRÉ – Certes, certes... Mais les apparences sont souvent trompeuses. Je ne serais pas surpris de voir que de nombreux maris sont plus infidèles que je ne le suis.

AURIANE – Mais vous enchaînez les amantes alors que, du moins en apparence, les autres hommes n'aiment qu'une femme.

ANDRÉ – Ce débat est vain. Vous comprendrez de vous-même qui je suis. Il marque une pause. Qu'avez-vous pensé de mon discours de ce matin ?

AURIANE – Je doit avouer que je l'ai trouvé plein d'esprit. Vous avez une éloquence assez invraisemblable.

ANDRÉ – Merci. C'est votre lecture qui m'a inspiré.

Auriane trébuche, André la soutient.

AURIANE – Un peu plus et je devenais la raillerie de la cour. Merci.

ANDRÉ – Qu'importe ce que peuvent penser les autres. Tout le monde fait des erreurs, non ?

AURIANE – Oui, mais elles sont peu acceptées en présence du roi.

ANDRÉ – Voulez-vous sortir un peu ?

AURIANE – Oui, cela me ferait le plus grand bien.

André et Auriane sortent de la salle de bal et vont dans les jardins. Ils s'assoient côte à côte sur un banc.

AURIANE – Il fait déjà nuit.

ANDRÉ – Oui.

AURIANE, songeuse – J'ai toujours rêvé d'apprendre le nom des étoiles et des constellations. Mais je ne connais personne d'assez savant et d'assez patient pour me les enseigner.

ANDRÉ – Je peux y remédier si vous le voulez.

AURIANE – Oh oui ! Avec plaisir !

La musique se fait plus forte. On les voit parler, montrer les étoiles du doigt puis rire. Ils se regardent de temps à autre. Le temps semble suspendu.

AURIANE – Il va falloir que je rentre maintenant. Mais je veux absolument la suite de cette leçon ! J'ai passé une soirée formidable ! Merci beaucoup !

ANDRÉ – Je suis à votre service. Mais j'ai juste une petite faveur à demander.

AURIANE – Allez-y, je vous en prie.

ANDRÉ – Puis-je avoir le privilège de vous écrire, puisque je connais votre maison depuis hier soir ?

AURIANE – Si ce n'est que cela, j'accepte de tout cœur !

ANDRÉ – Merci, merci. Je vous reconduis chez vous ?

AURIANE – Si vous y tenez.

Il lui prend le bras et tous deux partent vers le carrosse d'Auriane.