Chapitre IV - Une possibilité de l'infini
3 mois plus tard, en temps humain
L'Égypte, cet endroit magnifique que je ne connaissais qu'en réalité virtuelle, s'offrit à moi. Dayla lâcha ma main et ouvrit les yeux en même temps que moi, fière de l'endroit qu'elle avait choisi de me faire découvrir cette fois-ci. Et pour m'impressionner, moi qui avait découvert plus d'endroits en 3 mois que durant tout le reste de ma vie, elle avait sorti le grand jeu. Je ne m'en aperçus pas tout de suite, mais le fait qu'elle me tienne fermement le bras me fit regarder sous mes pieds. Je manquai de perdre l'équilibre en voyant où j'étais situé, et Dayla me retint par le bras.
- Ah ! dit-elle, je savais bien que tu ne t'y attendrais pas ! Ne tombe pas, ce serait bête, dans un endroit aussi merveilleux.
J'avais tout de même du mal à me détendre. Je me tenais là, en haut d'une pyramide égyptienne haute de plus de cent mètres de haut.
- C'est... très beau, dis-je en fermant les yeux, mais fais nous descendre, s'il te plaît.
Elle rit et en l'espace d'une seconde, je me retrouvai au pied de l'immense vestige antique. Je me laissai tomber sur le sable, soulagé. Mais à l'instant où ma peau effleura le sol brûlant, je hurlai et me relevai d'un bond. Cela était trop : elle partit en fou-rire et je ne pus m'empêcher de faire pareil. J'avais appris beaucoup de choses avec elle, sur l'existence de "gardiens", et de boucles temporelles, dans lesquelles elle était piégée.
Au fil des mois, j'étais devenu son meilleur ami, et le seul, me disait-elle, avec lequel elle partageait son secret. Dayla ne m'avait pas seulement enlevé de mon quotidien morose, elle m'avait aussi mis à l'écart des boucles temporelles qui l'emprisonnaient. Elle m'expliquait que mon futur, qui lui avait si longtemps été inconnu, était maintenant entre ses mains ; que les boucles temporelles n'auraient plus pour effet de me renvoyer au début de l'année 2121. En somme, que je n'étais plus un humain. Elle m'appelait "le co-gardien"
"- Eh bien, m'avait-elle dit, c'est une personne qui n'a pas de pouvoir particulier, pas d'immortalité comme un gardien, mais qui n'a pas non plus de stabilité temporelle et spatiale comme un humain. Tu es un hybride, si tu veux.
- Un hybride qui a tous les désavantages des deux espèces !
- Exactement ! Tu comprends vite."
Pourtant j'étais heureux, comme cela. J'avais cette impression incroyable d'être libre dans l'existence, de n'avoir rien qui me rattachait à ma vie d'avant. J'avais l'impression que tout ce que je faisais n'avait aucune conséquence. Et c'était merveilleux, car c'était tout simplement la vérité.
- Tu t'es bien foutue de moi, dis-je à Dayla tandis que nous approchions d'un village.
- Pourquoi ça ?
Mon air enjoué lui faisait plaisir.
- "Ce sera risqué de me suivre, ta vie sera en danger, etc." Je parie qu'en fait, tu regrettais de t'être lancée dans cette proposition. Tu voulais m'intimider, hein ? lui dis-je en riant.
- Je trouve ça très mal venu, rétorqua-t-elle, de la part de quelqu'un qui a failli mourir en tombant d'une pyramide la seconde d'avant.
Je pris un air faussement vexé et elle me bouscula d'un coup d'épaule en riant.
- Sans parler, continua-t-elle, du sable tueur auquel tu as échappé de justesse.
- Je ne savais pas qu'il était aussi brûlant, me défendis-je.
Mais c'est qu'elle allait enchaîner tous mes moments de grande solitude des derniers mois, face au monde inconnu qui s'offrait à mes yeux !
- Ah ! Et je me souviendrais toujours de la fois où on a visité le système solaire 34 de notre galaxie ! A chaque bruit tu pensais qu'un alien allait te dévorer le cerveau !
- C'est ce que font les alien en temps normal, répliquais-je fermement.
- Luigi, les habitants de chaque planète peuplée ont leurs peurs, leurs pensées, leurs croyance, et leurs mythes. Et vous, humains, pensez que votre planète est la seule qui héberge la vie. En réalité, vous n'avez qu'une connaissance très restreinte de tout ce qui vous entoure.
Elle avait raison. Tout à fait raison, même, et grâce à elle, j'avais fini par m'en rendre compte.
- Miss Dayla ! nous apostropha un homme en tenue typiquement égyptienne, et à l'accent prononcé.
Ma gardienne de l'espace se retourna, surprise qu'on puisse la connaître en un endroit pareil.
Dayla fit un signe de tête surpris en guise de réponse, ayant l'air d'oublier ma présence. L'homme arriva à son niveau et lui tendit une lettre en reprenant son souffle.
- Pour vous, articula-t-il.
Le pouvoir des gardiens rendait tous les langages compréhensibles, ce qui nous permettait de voyager sans difficulté. L'homme ne dit rien de plus, la salua et partit.
Dayla, toujours en ignorant mes regards interrogateurs, ouvrit la lettre, le visage envahit d'excitation. Un seul coup d'œil, et elle se tourna vers moi.
- Voici, mon petit Luigi, l'objet de tous les dangers dont je t'avais mis en garde.
Et elle dit cela avec un sourire satisfait, le visage illuminé de joie.
- C'est beau, hein ? me dit Gustave, satisfait.
Il disait cela chaque soir avant que je ne m'en aille au jour suivant, en contemplant d'en bas son œuvre exceptionnelle.
- Tu m'as bien aidé, Lewis ! me félicita-t-il. Tiens, tu l'as mérité.
Il fouilla dans sa poche et je le regardai, intrigué. Finalement il sortit un bout de papier légèrement froissé et me le tendit sans que je ne le prenne tout de suite.
- Ce n'est pas de moi, j'ai reçu ça ce matin, à ton attention. Je me suis dit que tu serai content.
Et, en prenant un air plus mystérieux et en baissant la voix :
- Je n'ai pas grand doute sur l'expéditeur... Ou devrais-je dire, l'expéditrice, fit-il en m'adressant un clin d'œil.
Je ne pus m'empêcher de sourire à l'évocation de cette personne imaginaire que s'était inventé mon ami à mon égard. Pourtant cette mystérieuse lettre, dont je ne connaissais pas la provenance, me laissait perplexe. Gustave me crut gêné et me dit de me retirer la lire tranquillement, me promettant qu'il ne serait pas indiscret quant au sujet de la lettre.
Je le remerciai et m'éloignai, incertain. J'ouvris l'enveloppe quelques pas plus loin, trop pressé d'en savoir plus pour attendre davantage. Immédiatement, je reconnus l'encre utilisée. Une encre spéciale, qui permettait de ne rendre visible le contenu de la lettre qu'au destinataire, assurant ainsi une parfaite discrétion. Une encre si spéciale, mise au point pour éviter tout compromis durant les missions des gardiens. Cette lettre provenait du conseil des Immortels.
Je dû retenir mes yeux impatients qui auraient voulu parcourir la lettre du regard pour en comprendre le sujet, avant même de l'avoir tout à fait lue. Je m'éloignai donc un peu plus, m'assis à l'endroit le plus calme que je puis trouver, et entamai ma lecture.
"Cher Gardien du Temps,
Nous vous écrivons aujourd'hui pour vous confier une immense responsabilité. En étudiant nos sources, nous avons constaté que vous avez toutes les brillantes facultés nécessaires à la mission que nous allons vous décerner. Vous avez donc été notre choix privilégié lorsque nous avons dû déterminer lequel des deux gardiens spatio-temporels serait responsable de cette mission.
Ainsi nous vous envoyons en l'année 2178, à Londres, dès lors. Vous êtes chargé de sauvegarder l'une des infinies lignes temporelles possibles, mais qui pourrait bien s'avérer dévastatrice sans votre action immédiate. Il y est survenu, brusquement, à la suite des évènements se passant dans le présent humain, une grave malédiction immatérielle qui prévoit de faire des milliers de morts très rapidement si vous ne faites rien.
Soyez sûr, cher gardien, de notre extrême confiance en vous. Nous espérons avoir fait le bon choix en vous désignant pour cette mission.
Infini à vous,
Moi, Immortel responsable du spatio-temporel."
Je faillis perdre l'équilibre et me retins au mur derrière moi. Le moment que j'avais attendu patiemment tout ce temps était enfin venu. On m'attribuait pour la première fois une mission importante. On me désignait, moi, m'ayant choisi en particulier pour mes compétences, plutôt que le gardien de l'espace. On m'envoyait, non seulement après la limite temporelle, mais aussi par delà la barrière spatiale qui me tenait prisonnier. On me faisait confiance, tout en me rappelant que je ne devais pas les décevoir de leur choix.
Plus rien ne m'atteignit à ce moment là. J'étais dépassé par l'émotion. Tout allait changer, et je ne pensais plus à l'exposition universelle qui approchait, ni même à ce que je devrai surmonter en accomplissant cette mission.
Je rangeai la lettre dans ma poche, et pivotai ma tête pour apercevoir Gustave qui se tenait quelques mètres plus loin du mur derrière lequel je me cachais de la vue des passants. Il ne me remarqua pas et je souris comme en signe de au revoir, puis appuyai de nouveau ma tête contre le béton dressé derrière moi. Je pris une grande inspiration avant de répéter la formule de politesse des gardiens qui me permettrait de débuter ma mission.
- Infini à vous, murmurai-je.
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