Chapitre 7 Souvenirs
Île de Murano, cinq mois plus tôt.
Gecko patientait au kiosque à glaces derrière un jeune couple français. Il observa leur attitude du premier amour. Ils s'empoignaient fermement, chacun avait un sourire niais, dévorait l'autre du regard. Ils devaient probablement être en vacance en famille.
Son premier amour avait été une Harley-Davidson Softail slim 2012. Cette moto d'occasion à quatre mille euros était lourde de ses trois cent vingt kilos, avait d'incessants problèmes d'injection. Elle atteignait avec peine les cent soixante-dix kilomètres à l'heure, mais elle lui appartenait ! Il sourit en songeant à cette bécane qui lui avait finalement coûté trois fois le prix d'achat en deux ans. Nombre de personnes se moqueraient à l'allusion d'une moto pour un premier amour, mais c'était un mode de vie, une pensée profonde, une religion liant l'homme à la machine !
Il avança au départ du couple pour passer sa commande.
Le motard observa son reflet sur la vitre, blouson cuir, débardeur, l'archétype flagrant du machisme. Il fit demi-tour pour se diriger vers sa compagne portant une robe blanche, dos nu avec encolure en dentelle coûtant des centaines d'euros. Ils représentaient tous deux l'image parfaite de la belle et la bête !
Il se sentait ridicule avec les deux cornets, parfums pamplemousse, fruits de la passion, citron en main. Lorsqu'il aperçut son sourire en arrivant au pont traversant la lagune, il ressentit une douce chaleur au niveau du torse. Était-ce les prémices de l'amour ? Il avait fréquenté une multitude de femmes de tous genres, hautaines, timides, nymphomanes, prudes... Mais, il était clair que ce ne serait que des histoires d'un soir, voir une semaine. Gecko avait une seule ambition, voler aux riches, mais pas pour donner aux pauvres. Il adorait jouer avec l'adversité en minimisant le risque.
Il la dévisagea, elle était si belle, si innocente, mais possédait un tempérament dû à son rang, celui de tout planifier ! Les riches se ressemblaient en tous points, ils étaient tournés vers l'avenir. Ils s'inspiraient du passé pour rêver de l'avenir. Ils passaient une partie importante de leur temps à planifier, même si leurs objectifs ne seraient atteints que bien plus tard.
Léna avait les mêmes défauts, mais les mettait de côté pour se concentrer uniquement à Gecko. Jusqu'où irait leur histoire ? Commettrait-il une erreur ? se lasserait-elle en découvrant qui il était réellement ? Pourrait il changer pour elle ? Peu probable.
Il lui tendit la glace fondant déjà entre les doigts.
— Tiens, princesse !
— Merci.
Le sourire de son aimée devint encore plus radieux. Il savait que le surnom en était la raison, mais il était sincère, il ne l'avait jamais utilisé pour quinconce. Il lui caressa tendrement la joue. Il aperçut un changement dans le regard de Léna observant derrière lui.
— Très chère Léna.
Il se tourna pour découvrir un couple cinquantenaire démontrant leur richesse par les vêtements de haute marque, leurs bijoux, leur allure.
— Bien le bonjour, Arlette, Alfonso Di Vetena.
Gecko ressentit leurs regards hautains, leurs mépris.
— Y aurait-il un tournage sur Murano ? demanda l'homme en hochant la tête vers Gecko.
La bienfaisance imposait de demander l'identité de son compagnon sans pour autant le lui demander directement.
— Non, je ne pense pas, c'est... C'est...
— C'est de la fiente de goéland sur votre chapeau ? demanda Gecko en dévisageant Arlette.
— Oh. S'insurgea-t-elle en faisant demi-tour.
— Arlette, ne devions-nous pas nous rendre au musée ?
Le couple repartait aussi vite qu'il était arrivé. Il découvrit un sourire moqueur en détournant le regard vers sa compagne.
— Ça te fait rire ?
— Tu ne peux imaginer depuis quand ils m'ennuient avec leur comportement désavoué.
Il l'enlaça pour plonger ses doigts par l'ouverture du dos nu.
— Et ça alors, n'est-ce pas désavoué ?
La situation la dérangeait, mais elle se forçait à en faire abstraction pour profiter de l'instant présent. Elle adorait son attitude désinvolte, sa force brute, son absence d'hésitation. Il frôla bientôt le côté de son sein. Elle colla sa joue sur son torse pour retenir une exaltation peu souhaitable dans cette situation. Les doigts atteignirent l'aréole, puis le mamelon en faisant trembler les jambes de la dame.
Gecko se réveilla à cet instant. Il empoigna la lampe de chevet pour la projeter violemment contre le mur. Il s'assit sur le bord du lit pour agripper le sommet. Les souvenirs devenaient trop fréquents, trop douloureux. Il se leva pour soulever brutalement le lit afin de le basculer contre l'armoire. Il serra les poings de colère.
— Je vais te crever sale enflure de Sebastian Fortez.
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