III- Ivresse bucolique
La nature se pare de lin d'hiver et de soie grise. Comme si la nuit l'avait conquise, elle embrasse l'étoffe obscure de l'univers. Elle empoigne le drap de suie et s'imprègne de ses larmes de pluie. Le feuillage s'abreuve du ciel et s'étouffe de sa mélancolie. Les gouttes du chagrin submergent les rameaux aux ailes vertes puis coulent le long des branches alertes. Les perles célestes inondent l'écorce des troncs et fondent sa résine. L'averse abondante répand la force des lamentations astrales jusqu'à la terminaison des racines.
Et forts du breuvage angélique, les arbres agitent leur ramage dans ce décor bucolique. Ils dansent auprès des nuées moroses, ils chantent alors que la douleur les arrose ! Les végétaux s'enivrent de ces flots de sentiments qui se mêlent à leur sang, à cette eau de vie qui les délivre. Et le bois éperdu se peint des nuages livides, les yeux en pleurs de ce déluge de maux dont la forêt toute entière est avide.
En cette sombre journée de printemps, les soupiraux des clairières ardentes s'emplissent tels des étangs. Les torrents de lierre suintent de sanglots sacrés, puis vocifèrent leur chimère sucrée. Leurs plumes d'allégresse resplendissent dans la brume épaisse. Elles paressent dans un lit de parfums ambrés, bercent la rosée et caressent l'embrun. Près de l'herbe, l'ombrage songe à des mers d'éternité. Ses brindilles, elles, crient leur mirage de lumière, et hurlent aux nuages de crépiter.
Puis le vent se lève, le temps d'une seconde, et s'affole. Les rêves, les éléments se confondent, tout s'envole. La brise souffle comme glisse son ode, le son de sa voix plisse la pointe des oiseaux d'émeraude. Les chênes se libèrent de l'emprise du sol et de leurs peines. Ils admirent s'éloigner les mares d'alcool et la monotonie de la terre.
La noble lune verdoyante de cette pénombre insipide accomplit le plus fou de ses désirs. Elle succombe à la voûte de saphir, cet océan bleu et limpide. Épouse des nébuleuses, de l'espace amoureuse, elle embrasse les étoiles. Et parfois, à l'aube hivernale, la forêt embrase les vagues boréales.
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