1_ Un intru dans le jardin
Cette histoire se déroule en plein centre d'une petite ville tout à fait ordinaire, un soir d'automne tout à fait banal, au coin d'une rue peu fréquentée dont le silence se voyait brisé pas les bruits de pas réguliers d'une jeune femme.
Sa tignasse noire au carré cachée au même titre que son visage dans la capuche de son sweat, deux mèches teintées de blanc encadrant ses joues rebondies et rosées par la fraicheur de la nuit, la demoiselle rentrait chez elle, sac à main sur l'épaule et boisson à la main. Du lait à la fraise, sa préférée.
Elle prenait ce trajet régulièrement en soirée, histoire de se dégourdir un peu les jambes et prendre l'air.
Car la demoiselle travaillait à la maison. Écrivaine et dessinatrice de webtoon pour jeunes adultes, elle aimait son travail, mais ne sortait que peu. Elle aimait et se contentait de sa petite vie tranquille.
Habitant dans une petite maison depuis plus de trois ans en compagnie de son petit ami, Noélie, vingt quatre ans, ne s'attendait pas à voir sa vie changer brusquement à cause d'un simple petit chaton.
Ce soir là, la pluie s'était décidée à tomber et la noiraude avait accéléré le pas. Elle n'était plus qu'à quelques pâtés de maisons lorsque elle cru déceler au loin un miaulement apeuré.
Pensant qu'il s'agissait plutôt du cri d'un jeune oiseau esquivant les gouttes d'eau, elle n'y prêta pas grande attention. Toutefois, lorsqu'elle passa le portillon de son jardinet et que le petit cri se fit plus distinct, elle s'arrêta dans son élan et se mit à chercher du regard la cause de ce tumulte imprévu.
Elle n'avait pas rêvée, c'était forcément le miaulement d'un chaton. Les lampadaires n'éclairant que trop peu sa devanture, elle se munit de la lampe de son téléphone et se hâta d'enquêter près de la haie.
- Aller boule de poils, je sais que t'es là, montre toi... marmonna-t-elle nerveusement, pressée de rentrer pour se changer.
Mais l'animal n'émettant plus aucun bruit, Noélie perdait patience, complètement trempée.
C'est lorsqu'elle se redressa dans le but de laisser tomber qu'une boule de poils blanche jaillit sur sa droite et fusa maladroitement en direction de sa porte d'entrée.
La noiraude bugga un instant, suivant du regard l'animal prendre la poudre d'escampette puis se ressaisit, secouant sa tête furtivement, filant à ses trousses.
C'est qu'il courait drôlement vite ce petit fuyard...
Le voilà entrain de plonger derrière le seau à parapluie, probablement entrain d'essayer de se cacher. Chose vaine puisque sa petite queue blanche dépassait et tremblotait.
La jeune femme soupira avant de s'accroupir en rangeant son portable.
- Viens par là toi...
Le félin eut un sursaut de panique lorsqu'il sentit les doigts de la demoiselle l'entourer avec prudence.
Nullement agressif mais totalement terrorisé, il se mit à miauler plus fort que jamais de sa petite voix aigue et criarde.
- La vache, fais moins de bruit, tu me casse les oreilles ! geint-elle en le ramenant malgré tout contre sa poitrine en même temps qu'elle se redressait pour déverrouiller sa porte.
Aussi surprenant que cela puisse paraitre, le chaton se stoppa instantanément. Plus étonnant encore, il baissait sa tête, la queue tombante au même titre que ses petites oreilles. Comme déprimé...
La jeune femme parut très étonnée mais ne releva pas et se contenta de fermer derrière elle tout en allumant la lumière.
- Je sais pas trop comment tu as atterrie sous ma haie petite chose, mais t'inquiète pas, je vais m'occuper de toi. sourit-elle chaleureusement en lui caressant le haut de sa tête du bout des doigts tandis que son autre paume le tenait aisément sous le ventre.
Le petit releva son attention dans sa direction, il semblait déjà naïvement lui faire confiance.
"Il est trop mignon..." songea-t-elle attendrie avant de se déchausser.
- Aller p'tit père, à la douche. Tu es tout crasseux. lança-t-elle en relevant sa capuche de sa main libre.
Voilà l'animal entrain de baisser la tête de nouveau, arrachant un rire franc à la jeune femme.
- Déprime pas, tu seras bien mieux après tu verras !
La demoiselle ne tarda pas à gagner la petite salle de bain en question et s'occuper du petit animal qui, très docile, se laissait manipuler gentiment. Ses petits yeux noirs détaillaient sa bienfaitrice sans bruit tandis que son museau remuait et humait l'odeur de vanille et d'amandes douces du savon dont elle se servait.
Il était si petit qu'elle fut en mesure de le laver dans l'évier. Précautionneuse et douce dans ses gestes, elle eut tôt fait d'achever la toilette du petit bonhomme.
Enroulé dans une serviette propre pour les mains, le blanc éternuait à deux reprises.
- J'espère que tu n'as pas choppé la crève... s'inquiéta-t-elle et se munissant de son sèche cheveux.
L'animal se léchait la patte l'air de rien, calé dans le tissu cotonneux qu'il trouvait bien confortable.
- Ca risque de faire un peu de bruit.
Le félin la fixait et inclinait sa frimousse semblant l'écouter.
Lorsqu'elle alluma la machine, le blanc fit un saut de trois pommes avant de se précipiter sous la serviette pour s'y cacher, arrachant une grimace à la demoiselle qui éteignit l'appareil aussitôt.
Elle soupira :
- Bon... on va faire autrement.
À ces mots, elle s'assit sur la cuvette close des toilettes puis récupéra tout doucement l'animal et la serviette sur ses genoux pour le rassurer.
- Ça va aller... assurait-elle en caressant son dos tendrement durant plusieurs minutes, jusqu'à ce qu'il se détende.
Un peu après, elle récupérait son sèche cheveux et lui faisait sentir.
- Tu vois, c'est inoffensif, ça va rien te faire. prononça-t-elle tout bas. Je vais couvrir tes oreilles pour diminuer le bruit. "et éviter que tu choppes une saloperie..."
Le chaton se remettait à la fixer sans bouger, puis la laissa poser l'une de ses mains sur sa tête tout doucement, perpétuant de petites caresses sur sa joue du pouce.
- J'y vais... prévint-elle légèrement nerveuse à l'idée qu'il ne s'agite.
Heureusement pour elle, ça ne fut visiblement pas le cas cette fois, elle pu sereinement effacer l'humidité encore présente sur ses poils fins et le réchauffer au passage. Le souffle chaud de l'appareil semblait lui plaire tout compte fait, il levait ses pattes les unes après les autres à mesure qu'elle déplaçait le sèche cheveux. Toujours à bonne distance pour ne pas le bruler et amoindrir le bruit.
Rapidement, le chaton au poil dense finit sec et propre.
Tout l'inverse de la demoiselle qui n'avait pas encore prit le temps et la peine de se changer, elle commençait sérieusement à se les peler.
Laissant la salle de bain un peu en bazar, elle prit le petit entre ses mains et gagna sa chambre pour le déposer sur son lit.
- Patiente deux petites secondes boule de poils. sourit-elle en s'avançant vers une armoire tout en gardant un œil sur le petit.
Ce dernier attendait sagement, il reniflait l'air, les draps et zieutait la pièce.
Après s'être rapidement changée en jetant ses vêtements mouillés sur le dossier de sa chaise de bureau, elle fit volte face dans le but de rejoindre le félin. Or ses yeux s'arrondirent brusquement lorsqu'elle constata le lit déserté.
- Merde, où est-ce qu'il est passé !? paniqua-t-elle en regardant partout. C'est pas vrai... Il va chier partout c'est sûr... chouina-t-elle en s'agenouillant pour regarder sous le lit. "Tient, faudrait que je fasse la poussière par ici..." songea-t-elle brièvement en récupérant une chaussette qui trainait là. "C'est là que tu te cachais toi, dire que j'ai accusé Luke de me l'avoir perdu en pliant les affaires l'autre jour..." remarqua-t-elle avant de se reconcentrer. Aller petite chose, montre toi ! Je plaisante pas, si tu te lâches dans un coin, j'te jure... pesta-t-elle avant d'entendre gratter à l'intérieur de l'armoire précédemment refermée.
Il y eut un moment de flottement durant lequel la noiraude se demandait à quel moment il avait pu se faufiler là dedans en douce. Puis elle souffla du nez, sourire amusé aux lèvres et s'affaira à le libérer.
- Qu'est ce que tu fous là dedans idiot ? rit-elle, amusée par la situation avant de le voir sortir, de dos.
Le blanc s'activait à tirer ce qui ressemblait fort à une peluche en forme de renne vêtu d'une chemise bleue, d'un chapeau rose et dont les yeux, cousu à la main, étaient faits en boutons noirs.
Replaçant une mèche blanche derrière son oreille, la demoiselle s'accroupie devant l'animal, la mine nostalgique :
- Ah, ce n'est pas bien de fouiner dans les affaires des gens. gronda-t-elle avant de le voir sursauter, lâcher la peluche, puis se mettre en boule, assis tête baissée à côté.
Il parvint à lui arracher un furtif sourire attendri.
- Fait pas cette tête voyons, c'est quoi cette manie de déprimer à chaque chose qu'on te dit ?
Elle le vit s'aplatir d'autant plus mollement sur le parquet.
- Aller c'est pas grave. assura-t-elle en lui caressant la tête affectueusement. Je te le donne si tu veux, de toute façon il prenait la poussière dans le carton... ajouta-t-elle tristement.
Soudainement plus joyeux, le chaton sauta sur la peluche, jouant avec, tout content.
La noiraude rit de plus belle :
- On dirait qu'il te plait ! Je suis heureuse qu'au moins une personne l'apprécie. souffla-t-elle en s'asseyant par terre en tailleur, face au félin. Luke le trouvait flippant... avoua-t-elle, plus maussade et déçue.
Remarquant son changement soudain de comportement, le petit cessa tous jeux pour venir poser sa petite patte sur la jambe de sa nouvelle amie.
- Tu es vraiment adorable... émit-elle touchée.
Rêveuse dans l'âme, la noiraude croyait en bien des choses, celle que les animaux comprenaient le langage des humains et ressentaient leurs émotions en faisait partie.
"J'aimerais tant pouvoir le garder... Mais Luke est allergique aux poils de chats..." soupira-t-elle intérieurement. "Il voudra jamais de toute façon."
Elle finit par se lever, observant la boule de poils câliner le renne mesurant deux fois sa petite taille.
- Bon c'est pas tout ça mais j'ai les crocs moi ! lança-t-elle en s'étirant vers le haut. Tu me suis ?
Le chaton semblait hésiter, fixant la peluche avec incertitude. Il finit par niaquer dans son épaule pour la tirer, faisant ricaner la demoiselle qui lui vint en aide, les portant tous les deux dans ses bras jusqu'à gagner la cuisine.
- Alors dis moi... Tu m'as l'air déjà capable de grailler comme les grands, qu'est ce qu'il te ferait plaisir ? J'ai des restes de poulets... questionna-t-elle en tournant sa tête pour jeter un œil par dessus son épaule afin d'observer le petit bonhomme calé dans la capuche de sa veste.
Comme il ne semblait pas réagir, elle sortit ses restes du frigo ainsi qu'une bouteille de lait de chèvres. Oui, elle préférait le lait de chèvres en raison de ses difficultés à digérer le lait de vaches, celui-ci étant plus lourd.
Le tout posé sur le plan de travail devant les deux grands tabourets.
Lorsqu'elle glissa un morceau de poulet dans sa direction, le blanc ne sembla pas réagir, il le renifla à peine, le lécha un peu, puis le laissa tomber, désintéressé.
"Je vois, j'ai affaire à un difficile..." nota-t-elle en le revoyant disparaitre avec l'ours en peluche. "Dans ce cas, essayons autre chose..."
C'est effectivement en sentant l'odeur des sardines que le petit chat pointa le bout de son nez de nouveau, délaissant la peluche pour venir grimper sur l'épaule de la jeune femme, tout de suite plus intéressé.
Rictus aux lèvres elle pointa sous son museau un morceau de poisson, sans aromates ni huile, qu'il eut tôt fait d'engloutir.
- Eh tu pourrais au moins apprécier petit goinfre ! rit-elle en s'asseyant sur l'un des tabourets.
Mais l'animal se léchait les babines et humait déjà l'air à la recherche de plus de poissons, descendant activement de son bras pour gagner la table où elle remplissait deux coupelles creuses sur la table, d'eau et de lait.
- Hé la ! Doucement ! grimaça-t-elle en manquant de renverser le lait pour éloigner les sardines.
Voilà le chaton entrain de miauler de vive voix, levant sa frimousse en direction de la boite de sardine.
Elle pouffa :
- Ça va, ça va, j'arrive ! Y'en a trop, tu pourras jamais tout manger, laisse moi te mettre ça à part !
Le félin n'en démordait pas, il miaulait sans s'arrêter, la suivant en passant sur le plan de travail, lui courant après en évitant les obstacles, la faisant rire aux éclats, jusqu'à enfin, obtenir gain de cause.
- Tiens ! Espèce de vorace ! lança-t-elle entre deux rires après avoir posé une petite assiette à côté de ses restes. Bon ap p'tite chose ! s'exclama-t-elle joyeusement.
Hormis l'entendre mâchouiller, Noélie n'entendait plus un bruit de la part de son petit protégé, preuve qu'il se régalait. Elle le trouvait vraiment adorable. Totalement sous le charme, elle mangea à ses côtés, divertie de le voir manger comme si sa vie en dépendait. Elle se faisait à la réflexion qu'il allait finir par s'étouffer lorsqu'une drôle de silhouette devant son portail l'interpella.
La nuit était là, la pluie ne cessait de tomber, certes peu virulente, pourtant elle était persuadée d'avoir aperçue quelque chose passer devant son petit portillon.
- C'est... quand même pas un sanglier ? déglutit-elle en reposant sa fourchette, intriguée. Bouge pas p'tite chose, je vais voir. lança-t-elle en se levant pour aller à sa fenêtre.
Pas de doute, il y avait bien un truc qui rodait dans le coin.
Mais...
N'était-ce pas... Un homme !??
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