Je cours. Je ne pense qu'à courir. Il me faut me réfugier n'importe où. Mes yeux cherchent une lumière mais ne trouvent que la cime des arbres cinquante mètres plus haut. Les branches fouettent mon visage, m'obligeant à fermer les yeux, mes pieds s'entravent dans une racine. Mon visage heurte la terre mouillée, des larmes roulent sur mes joues. Je me relève mais l'air commence à me manquer. Malgré tout je continue à avancer. Il le faut si je veux espérer vivre. J'ai perdu toute notion du temps. Je ne sais plus si mes pas me conduisent au bout de cette interminable forêt ou m'y conduisent plus profondément encore. Plus rien ne me raccroche au monde, à la joie et à la paix que j'ai connues autrefois.

Soudain mon pied rencontre le vide et mon souffle se coupe. Au-dessous de moi, s'étendant sur des kilomètres, si profonde que je n'en voie pas la fin, une falaise à pic m'attend à l'orée de la foret. Des lourds pas se font entendre derrière moi. Je me retourne et je l'aperçois. Il était sans armes mais avec de la haine jusqu'au fond des yeux. Je sors mon épée, mais pas dans l'espoir de gagner ce combat. Je sais que je n'ai aucune chance face au géant qui se tient en face de moi. Mais je veux défendre les miens jusqu'au bout et mourir en guerrière. Soudainement la colère m'envahit. Pourquoi est-ce que je devrais mourir ? J'ai passé ma vie à me battre pour défendre ceux que j'aimais mais c'est vain. Dans un dernier regain d'espoir, je l'attaque l'arme à la main en hurlant. Mais avant que je ne l'atteigne il frappe de ses deux poings dans le sol. Celui-ci se fissure et le bord de la falaise s'effondre me précipitant dans le gouffre. Mes yeux entrevirent ce qui fut une terre hospitalière. Le bord de la falaise disparait tandis que je chute de plus en plus vite dans le brouillard qui couvre le fond du gouffre. Un immense cri se fait entendre et je me rends compte qu'il sort de ma bouche. 

Je comprends alors que c'est la fin, ma fin. Elle arrive aussi vite que le fond du gouffre qui se rapproche à une vitesse folle. Comment avais-je pu croire que je m'en sortirais là où tous les autres avaient échoués ? J'étais leur dernier espoir, le dernier pilier et je tombais ce soir. Mon propre frère était de l'ennemi. Les mages l'avaient abattu à grande peine. Malgré son statut de traitre j'étais heureuse de le retrouver ce soir. Je pourrais enfin lui assener la baffe qu'il mérite.

Ce fut ma dernière pensée puis je ressenti une grande douleur le long de mon dos comme si tous mes organes cherchaient à sortir de mon corps. Tout disparu jusqu'à ce que m'apparaisse une jeune fille d'environ quatorze ans comme moi. Elle porte une armure dorée qui fait ressortir sa peau noire, une chouette effraie est posée sur son épaule. Il émane de l'adolescente une lumière irréelle, ses cheveux semblent flotter comme pris dans un vent doux. La chouette s'envole et se pose sur mon épaule. Toutes mes douleurs s'arrêtent, j'ai l'impression de voler. Mon corps devient lumineux comme sous une forme gazeuse. La chouette reprend son envol, la douleur me reprend et  je tombe dans l'inconscience.