Je ferme les yeux, je n'ai pas envie de me voir me noyer. Mais rien, rien ne se produit, je ne sens pas d'eau. Je rouvre les yeux et je découvre que nous sommes dans une bulle d'air. J'aurais ainsi pu observer chaque caillou de la rivière si nous n'allions pas aussi vite. Soudainement un détail que je n'avais pas noté jusque-là me frappe. Il fait jour, il y a de la lumière, nous sommes donc sorties des grottes.

Le trajet se termine et la bulle d'air nous éjectent sur la rive. Astrid atterrit gracieusement sur ses pieds et moi sur les fesses. Je dois afficher une tête totalement perdue parce qu'elle se sent obligée de m'expliquer.

-Ce passage est un cadeau des dieux. Mais ils l'ont fait il y a tant de millénaires qu'ils ne s'en souviennent même plus. Du coup ils ont oublié de l'enlever en partant.

Après avoir déclaré ses mots elle éclate de rire. Pas moi, il n'y a rien de drôle à cette situation. Les dieux ont délaissé les Valkyries mais malgré cela elles se servent de ce qu'ils font. Ce sont les Grégoriens qui les nourrissent, en fait elles sont totalement dépendantes des autres. Elles n'ont aucun honneur pour accepter un chose pareil.

Le regard d'Astrid me tire de ma pensé. Elle est en train de me dévisager comme si j'étais malade.

-Ah ouais ils sont vraiment distraits ces dieux, répondit je avec peu d'entrain

-Oui franchement ils ne sont pas doués, on devrait aller poser les sacs non ?

Je me souviens alors que je porte encore à ma ceinture la nourriture offerte par les Grégoriens. Nous allons mettre nos sacs sur le tas déjà crée et nous rentrons au château.

-Lidveig m'a dit que j'allais devoir rejoindre le dortoir s'est bien ça, interrogeai-je Iduun

-Oui, nous allons te montrer ton lit et te fournir ce dont tu as besoin comme des vêtements par exemple.

-T'inquiète pas on te trouvera un lit près du notre, me rassure Astrid, même si pour cela il faudra botter les fesses d'une ou deux filles.

Nous éclatons de rire, je me demande alors depuis combien de temps cela ne m'était pas arrivé.

Le dortoir est constitué de sept lits superposés. Nous devons toute partager une armoire, et il y a une salle de bain commune. Je m'avance entre les lits en me demandant où je pourrais me mettre.

-Si tu le souhaite tu peux occuper la moitié de mon armoire.

Je tombe nez à nez avec Hilde, qui me souris timidement.

-Ça ne te dérangera pas ? Entre nous je préfère tomber avec toi qu'avec Erika ou Ingrid

- Je pense que je ne t'apprends rien en te disant que tu ne t'en sois pas faites des amies, et Erika va te mener la vie dure. Par contre Ingrid ne dort pas ici, elle est un grade plus haut !

-Des grades, comment ça des grades ? Parce qu'en plus de toujours devoir faire attention à ne pas être le plus nulle il y a aussi une histoire de hiérarchie ? m'indignai-je

-Oui et sache que passer des grades est quelque chose de très convoité car quand tu quittes le stade de novice tu n'as plus à te soucier d'être renvoyé, me lance-t-elle avec un sourire. Bon ça te dit que je te fasse visiter le château ?

Une heure plus tard je suis toujours en plein dans la découverte de ce château. Hilde m'a montré les deux étages de dortoirs, la salle des armes et les pièces où se déroulent les combats. Il y a également un grand point de rassemblement. Je repense alors à mon arrivée et au puit que j'ai vu.

-Dit moi il n'y aurait pas une pièce dans laquelle il se trouve un puit qui fait de la lumière ? demandai-je

Hilde fronça les sourcils

-Je n'ai jamais entendue parler d'une telle chose. Où as-tu vue cela ?

-Dans une pièce circulaire qui se trouve à proximité de la chambre où je suis arrivée

Soudainement tout son corps se tendit

-Je ne sais pas ce que c'est, personne ne sait me réplique-t-elle brusquement N'en parle jamais si tu l'as vue. Tu sais quoi on va dire que je ne sais pas qu'on en a parlé. Mieux encore on ne l'a jamais évoqué !

A ces mots elle partit d'un pas vif pour continuer la visite me laissant perplexe.

Le tour du château finit par se terminer. Malgré le temps que nous y avons passé je suis émerveillé par la grandeur des lieux.

-Quesque tu fait, s'exclame une voix dans mon dos

-On t'as cherché partout, renchérit une autre

Je me retourne et je réplique à Astrid et Iduun qui venait d'arriver :

-Je me trouvais surement là où vous étiez mais une minute plus tôt à chaque fois, plaisantai-je, Hilde m'a fait visiter le château.

-Le château, c'est tout ? demande Astrid

-Ça m'a pris deux heures parce qu'elle n'arrête pas de poser des questions ! proteste mon guide

-Passer deux heures à l'intérieur alors qu'il y a tant à voire dehors, s'exaspère Iduun

-Dites, moi j'ai trouvé le château super impressionnant, m'exclamai-je pour défendre Hilde

-Ne dis pas n'importe quoi le dehors est bien mieux, s'extasie Astrid

-Je croyais que tout avait été ravagé par la guerre !

-Oui c'est vrai, approuva Iduun, mais elle n'a démoli que ce qui avait été construit par les non-dieux

-Aujourd'hui la nature a repris ses droits, enchaine Astrid

-En plus nous ne sommes pas sur un terrain de bataille, les combats se déroulent bien plus loin d'ici, ajoute Hilde 

Je laisse donc les filles me conduire dehors, par une porte que je n'avais encore jamais empruntée. La beauté des lieux me coupe le souffle. Il y a des jardins luxuriants remplis de plantes exotiques. Je n'avais pas connu ça de mon vivant. Dans mon adolescence je passais constamment de village en village. Quel que soit les lieux où je suis allée la mort emplissait l'air. Les paysages étaient composés de champs brulés et saccagés par les guerres incessantes. Je me rendis alors compte, avec effroi que cette espèce d'entre monde m'étais bien plus agréable que la vie. Certes je devrais me battre pour ma place, mais ce ne serait que pour moi. Mes combats seraient pour mon honneur et pas pour l'espoir de voir le monde connaitre une certaine paix. Pourtant, bien que je ne sois plus en vie j'ai toujours le sentiment que tant que je ne serais pas dans leur enfer (les brumes du néant) je dois quelque chose au monde. J'ai le sentiment de ne pas être désistée de mes responsabilités. Je ne sais pas qui a déclaré qu'on trouvait la paix en mourant. Qu'importe qui il soit, il avait tort. Malgré toute ces pensées je n'arrive pas à me soustraire à l'attraction de cet endroit. Leur monde est peut-être en guerre mais au moins les gens ont un niveau de vie décent.

Mes pensées morbides se sont interrompues lorsque Astrid m'interpelle.

-Dis si ça ne t'intéresse pas fait au moins semblant d'écouter, c'est pour toi que j'explique

-Excuse-moi, reprends la visite, je t'écoute.

-Je te montrai les cornues, ces sont des bêtes sauvages qui ont pour habitude de se camoufler en cactus. Si par malheur tu les touches ils prennent leur véritable forme. Ils explosent et une partie de leur être se dissipe et t'entrave les jambes. Le reste du corps se change en un nuage qui vient t'envelopper. Les fumées te pénètrent, et en moins d'une minute tu fais tous ce que les cornues veulent que tu fasses.

-Comment veux-tu que les cactus est la moindre volonté ?

-Ses créatures ne se développent pas forcément seules. On peut s'en servir comme d'armes. 

-Comme d'armes ? berdouille je bêtement. Tu veux dire que n'importe quelle personne mal intentionnée pourrai s'en servir pour faire faire ce qu'il souhaite à son ennemi.

-Exactement, il faut tout de même que tu saches que ces plantes prennent deux ans à pousser et que chaque personne ne peut en cultiver qu'une à la fois. Et enfin les graines de ces plantes sont très dures à obtenir, il faut les demander à un marchand ambulant qui provient du marché noir. Elles valent très cher.

-Il y a du commerce ici je croyais que tout était démolit à cause des dieux et des guerres !

-Oui, mais le royaume des dieux, Asgard, a été fermé à tout le monde. Désormais les âmes des défunts se trouvent dans l'entre monde, et nous avons dû nous organisez. Les guerres ne se passent qu'aux frontières de l'entre monde et du Walhalla.

-Mais est-il possible de passer d'un monde à l'autre ? Je veux dire est ce qu'on pourrait passer entre le monde des dieux l'entre monde et le monde des vivants ?

Elles me lancèrent toutes des regards horrifiés

-Tu voudrais revenir à la vie ? Tu es folle, ton corps à quitter ton âme, s'épouvanta Iduun

-Cela reviendrai à être un spectre, renchérit Hilde en palissant

-Je demandais juste ne vous affolez pas, dis-je pour tenter de me rattraper

-Écoute moi bien, revenir sur terre c'est dangereux et le faire ça fait de nous des maudits qui ne sont plus acceptés dans aucun monde à part les brumes du néant, gronde Astrid. Ne l'envisage même pas.

J'opine du chef mais je ne peux m'empêcher de garder cette idée au fond de moi.

-Dites-moi il n'y a aucun moyen de se renseigner ici, m'exclamai-je, mise à part les ragots bien sûr !

-Bien sûr, il y a la bibliothèque, me répond joyeusement Hilde

Elles sont probablement trop heureuses de pouvoir changer de sujet.

Mais moi je compte bien approfondir cette idée, il doit bien être possible de réassocier son âme à son corps.