J'ai vraiment sous-estimé la taille de l'épreuve qui m'attends. Au-dessus de moi s'étend une montagne avec des côtes à la verticale. Je contemple les cordes qui gravissent cette étape impossible en nous montrant le chemin. Elles seront notre seule sécurité, j'espère qu'elles tiennent bien.

-Comme d'habitude vous gravissez la pente et vous prenez les sacs qui se trouvent au sommet. Vous les descendez et le tour est joué, nous explique joyeusement notre professeur

Le ton qu'elle venait d'employer ne s'accorde pas du tout avec la tâche à réaliser.

Je me retourne vers Astrid et Iduun avec un regard paniqué

-Mais comment sommes-nous censés grimper tout ce mur, paniquai-je, c'est irréalisable !

-Alors tu devras faire en sorte que ça le devienne, répondit amèrement Astrid, parce que sinon personne ne mangera ce soir.

-Je ne comprends pas en quoi ma défaite empêchera le repas de ce dérouler

-Je t'explique, les sacs que nous devons descendre nous viennent des grégoriens. Dedans il y a la nourriture de toute la semaine, seulement ces sacs sont protégés par un sortilège. Si tous les sacs ne sont pas réunis on ne peut en ouvrir aucun, et chaque personne ne peut en porter qu'un.

-Donc cet exercice ne sert pas qu'à nous entrainer, dis-je sombrement, il est aussi indispensable.

-Exactement, je suppose donc que je ne te surprendrais pas en disant que celles qui n'arrivent pas à descendre leur sac ne jouissent pas d'une grande popularité.

C'était logique en soi, si une personne empêchait un château complet de se nourrir, on ne peut s'empêcher de le haïr.

J'espère de toutes mes forces que je n'échouerai pas. Je n'ai pas vraiment besoin de ça pour l'instant.

Des gouttes de sueur perlent sur mon front. Je m'accroche encore et encore. Mes avant-bras me font mal et je sens mon cœur battre jusque dans mes tempes. La roche s'effrite sous mes doigts manquant de me faire tomber à chaque instant. Mes mains saignent et ma respiration est saccadée. Cela doit faire plusieurs heures que je grimpe, mon corps tout en entier me hurle d'arrêter tant j'ai mal. Ma volonté me domine mais je ne sais pas pour combien de temps. A côté de moi Astrid trahit moins de signes de faiblesse mais je sens bien qu'elle est à bout de force. Quant à Iduun elle est à quelques mètres en dessous de moi. Elle m'a l'air vraiment mal en point, son visage saigne à cause des pierres qui tombent à chaque fois que je me décale. Ses joues sont rouges et les veines de ses mains sont saillantes. Je me concentre et recommence à monter.Prise après prise une main après l'autre.                                                                                                                                                     

-Pousse toi, s'écrie une voix

En me retournant je me rends compte qu'elle appartient à Ingrid.

Celle-ci se trouve à quelques mètres en contrebas, en dessous de Iddun. Elle ne parait pas essoufflée le moins du monde. Elle attrape le poignet de Hilde, qui est encore plus mal en point que Iddun. Le temps que je comprenne ce qui se passe, une aura bleue entoure Ingrid. Ses cheveux se détachent et se mettent à flotter au vent. 

L'espace d'un instant j'ai l'impression que le temps s'arrête. Puis soudain, elle ramène ses bras près de son corps, ses pieds se détachent de la roche. C'est alors que sans prévenir, elle s'envole vers le haut de la falaise à une vitesse folle. N'ayant pas eu le temps de me décaler elle me percuta en plein fouet. Toute sa magie se stoppe et elle se retrouve une main accrochée à une corde guide. Hilde, qui est toujours tenue par Ingrid, pend désormais dans le vide.

La noire se re-concentre, une aura bleue l'entoure mais celle-ci disparait au bout de quelques secondes. Elle poussa un cri de déception et Hilde un cri de désespoir.

-Mais pourquoi tu ne t'es pas poussée, s'emporta Ingrid

-Je..., ne trouvant rien à lui répondre je m'écrie, attends je vais t'aider

Lorsque je prononce ces mots la corde émet un craquement et l'une de ses fixations tombe, précipitant les deux filles encore un peu plus bas. Hilde se met à hurler et des filles commencent à tenter de nous donner des conseils de tous les cotés.

-Stop, crie Ingrid, il faut que je réfléchisse pour nous sortir de là.

Elle tire alors sur son bras de façon à remonter sur la corde. Mais Hilde a beau être légère, dans cette situation elle est trop lourde. Ingrid n'arrivera pas à grimper avec elle au bout de son bras. Elle me parait déjà à bout de force. Soudain j'aperçois une corniche qui nous était invisible jusqu'ici. A. partir de là-bas l'ascension me parait beaucoup plus simple. Seulement elle est loin. Je me mets à réfléchir de plus en plus vite. Ça y est j'ai trouvé.

-Ingrid, tu vois la plateforme là-bas ? Il faut que tu y envoies Hilde. Sers-toi de ton bras comme d'un balancier de façon à ce que Astrid puisse attraper l'autre main de Hilde. Après la plateforme sera juste en dessous.

Ingrid évalua la distance qui la séparait d'Astrid puis celle qui séparait Astrid de la plateforme

-Ça peut marcher, s'écrie-t-elle, Astrid tu es prête ?L'intéressée lui jette un regard haineux, puis elle évalue leur situation. Elle soupire, mais je n'aurai su dire si c'était d'agacement ou d'épuisement.

-Oui c'est bon vas-y, réponds-t-elle en tendant un bras pour rattraper Hilde

Ingrid commence à balancer son bras en rassemblant tout l'énergie qu'il lui restait. Au dernier moment Hilde lâche le bras d'Ingrid et s'accroche à celui d'Astrid. Celle-ci gémit sous l'effort mais tient bon.

-Accroche toi à mon pied et laisse-toi tomber, halète Astrid

Hilde recommence à se balancer doucement et s'agrippe au pied d'Astrid et se laisse glisser doucement sur la plateforme.

Pourtant ce n'est que lorsqu'elle est debout sur la corniche que je me remets à respirer. Mes yeux ne peuvent s'empêcher de regarder en contrebas et d'imaginer ce qui se serait produit si Hilde avait lâché la main d'Ingrid au mauvais moment.  Le sol se trouve a des dizaines de mètres et il est parsemé de cailloux.

Une fois arrivée en haut je me sens comme pleine de vie. Un panorama incroyable nous est offert. Je tente de me remettre de l'activité et des émotions que je viens de traverser. Autour de moi la plupart des filles me paraissent extenuées. En fait tout le monde l'est sauf Ingrid. Il faut que j'aille la voir, au fond c'est de ma faute. Si je m'étais décalée elle aurait atteint le haut sans aucun effort. Elle doit m'en vouloir et le minimum serait de lui présenter des excuses. Mais j'aurais l'air de quoi ? Une nouvelle qui a failli tuer une personne et qui vient minablement présenter de petites excuses comme si cela allait tout réparer. C'est hors de question. Je décide alors d'aller m'assoir pour profiter de la vue et respirer de l'air frais.

-Alors comme ça on a sauvé quelqu'un, plaisanta Iduun dans mon dos

-Bah je n'ai pas fait grand-chose, répliqua mollement Astrid

-Et moi j'ai fait encore moins de choses

-Ah et en plus elles sont modestes, intervint Hilde dans mon dos

-Je sais que c'est dur à dire, mais tout le mérite revint Ingrid, marmonne Astrid à contrecœur.

-Tu veux rire ou quoi tout est de sa faute, je ne lui avais rien demandé. Elle n'avait pas à m'attraper par le bras comme si j'étais une gamine incapable de grimper cette petite colline, protesta Hilde

-Si tu le dis, soupira Iduun

Astrid ricana, mais ne dit rien.

Hilde a probablement raison mais je ne pus m'empêcher de me sentir coupable.

-Bon allez, on arrête de trainer. Chacune d'entre vous prend un des sacs et l'accroche à sa taille.

Je m'approche du tas et je m'en saisi d'un. Dessus il y a écrit viande. Super je suis donc chargée d'acheminer le cochon en bas de la montagne. La seule idée de descendre ce que nous venons de monter me fait frissonner.

-Il va vraiment falloir qu'on repasse par-là, m'exclame ai-je avec du désespoir dans la voix

Astrid et Iduun éclatèrent de rire. Je jette un regard d'incompréhension à mes deux amies en train de se tordre de rire.

-Laisse, me lance Hilde, elles ont fait pareil quand j'ai posé la question. C'est par là qu'on descend.

Elle prononce ses mots en désignant du menton une petite grotte à l'autre bout de la plateforme.

La caverne sent humide, et elle est éclairée par des torches accrochées sur les parois. Un bruit d'eau se fait entendre, je constate alors que j'ai mis les pieds dans une rivière souterraine.

-Là je sèche. Comment sommes-nous censés descendre ?

-Je vais te montrer, me répondit Iduun

A ma grande surprise celle-ci se jeta dans l'eau et disparue dans la noirceur de la caverne. Une trainée de bulles me désigne le chemin emprunté par mon amie

-Alors toi ça se voit que tu n'as rien pigé, se moque Astrid

-Non, sans blague une fille se jette dans l'eau disparait et laisse pour tout indice des bulles.

Astrid ne me laissa pas le temps de railler et elle m'attrape par la main. Ensuite elle plonge dans la rivière en m'obligeant à prendre sa suite.