8. The way you used to do - Queens of The Stone Age
Rose écarquilla les yeux.
- Quoi ?
- Quoi ? répéta Scorpius, visiblement aussi surpris qu'elle.
Les mots s'étaient échappés d'entre ses lèvres avant même qu'il n'ait pu les formuler dans son esprit. Il secoua la tête et passa une main dans ses cheveux, sans se rendre compte qu'il les maculait de terre.
- Je veux dire... pourquoi pas après tout ? tenta-t-il de se rattraper, haussant les épaules d'un air qui se voulait nonchalant. Histoire de... repartir sur de bonnes bases ?
- J'ai déjà un cavalier, dit-elle d'une voix presque atone, trop abasourdie pour formuler une meilleure réponse.
Le sourire de Scorpius se fana légèrement, sa mâchoire se contracta.
- Oh. Cool. Pas de soucis.
Rose sentit que quelque clochait dans son ton, sa posture. Elle savait qu'elle devait reprendre la parole, mais elle peinait encore à s'extirper de sa torpeur.
- On a besoin de vous ici ! rugit soudainement la voix d'Albus alors qu'elle ouvrait la bouche.
Scorpius ne se le fit pas dire deux fois. Il sauta sur l'occasion pour s'éclipser, laissant une Rose trop déconcertée pour chasser la petite tentacula qui mordillait à nouveau le cuir de son gant affectueusement.
***
Sérieusement, Scorpius ? T'as rien trouvé de mieux ?
Il se morigénait tout seul depuis qu'il avait proposé à Rose de l'accompagner. Il ne savait même pas d'où sortait cette question. À quel moment, au juste, l'idée s'était-elle formée pour jaillir ensuite inopinément ? Elle devait le prendre pour un fou. Ils commençaient tout juste à s'apprivoiser et lui, il faisait quoi ? Il l'invitait au bal.
Le reste des élèves étaient indifférents à ses états d'âme. Ils étaient enfin en vacances et pour leur plus grand plaisir, la soirée dansante approchait à grands pas. La neige avait commencé à tomber en Écosse, recouvrant l'écrin qui abritait Poudlard d'un délicat manteau blanc. Fidèles à leurs habitudes, les fantômes qui peuplaient le château chantaient des cantiques de Noël à tout va. Des branches de gui et de houx étaient installés à intervalles réguliers dans les couloirs et il n'était pas rare de voir des étudiants s'attarder sous les premières. Nombre de fées déambulaient également, virevoltant librement au-dessus des têtes. Dans la Grande Salle, les douze sapins traditionnels montaient la garde le long des murs, mais ce n'était rien en comparaison de la décoration qu'elle allait revêtir le soir de Noël.
- Tu as quoi ?
- J'ai invité Rose à m'accompagner...
Albus délaissa le nœud de son papillon pour regarder Scorpius, un sourcil haussé. C'était le grand soir.
- En tout bien, tout honneur, ajouta le blond précipitamment en levant les mains dans un geste presque défensif. De toute façon, elle m'a dit qu'elle avait déjà un cavalier.
Il avait tant bien que mal essayé de chasser l'amertume de sa voix. Mais Albus esquissa tout de même un sourire en coin.
- Et donc... puisque ma cousine ne vient pas avec toi, tu as décidé de jouer les martyrs en refusant toutes les autres propositions ?
Scorpius donna un coup du plat de la main à l'arrière de la tête de son ami. Celui-ci s'esclaffa.
- Non, abruti. C'est sorti tout seul, je sais pas pourquoi. De toute façon, c'était une catastrophe la dernière fois, j'ai pas envie de réitérer l'expérience.
Albus rit plus franchement. Ils avaient déjà participé au Bal du Souvenir, quatre ans plus tôt, lors de leur deuxième année. Scorpius y était allé avec Céleste, la fille de Pansy Parkinson. Mal lui en avait pris. Il avait passé une soirée atroce et encore aujourd'hui, il évitait la jeune fille comme la dragoncelle.
- Ça ne pourra pas être pire, affirma Albus.
- En même temps, tu as eu le cran d'inviter une fille cette fois, et non pas supplier Lucy de ne pas te laisser tout seul. Ta cousine avait eu pitié de toi.
- La pitié a de nombreuses vertus, rétorqua-t-il avec sagesse.
Désabusé mais souriant, Scorpius secoua la tête et finit d'enfiler sa tenue de soirée.
***
Plus loin dans le château, les dortoirs des filles de Gryffondor étaient sans dessus-dessous. Les lits étaient pris d'assaut par les trousses de maquillage et des soutiens gorges abandonnés côtoyaient des épingles à cheveux à même le sol. Ici et là, on pouvait dénicher des foulards de toutes les couleurs ou une boucle d'oreille perdue. Depuis plus d'une heure, les filles s'interpelaient d'un dortoir à l'autre, échangeaient entre elles avec des voix rendues aigues par l'excitation.
- Quelqu'un peut me donner un coup de main, s'il vous plaît ? lança Thelma à la cantonade.
Sa voix tira Rose de sa transe et occulta le visage d'un certain Serpentard de son esprit. Elle hésita, mais se leva et s'approcha timidement d'elle. La batteuse se tenait devant un grand miroir et se débattait avec les attaches de sa robe. Quand elle vit Rose à travers le reflet, elle pinça les lèvres mais la laissa l'aider.
- Thelma... je voulais te dire... je suis vraiment désolée pour ce que je vous ai fait subir ces dernières semaines. Je... Je n'aurais pas dû défouler mes nerfs sur vous...
Les mains de Rose tremblaient faiblement. Son amie ne répondant rien, elle commença à se détourner pour regagner piteusement son coin.
- Tu veux que je m'occupe de tes cheveux ? entendit-elle alors dans son dos.
Elle se retourna et découvrit un petit sourire sur les lèvres de sa coéquipière.
N'ayant aucun amant pour lequel se préparer, Rose quitta le dortoir avant la plupart de ses camarades. Lorsqu'elle arriva dans la salle commune, elle eut néanmoins la surprise d'y trouver toute son équipe de Quidditch et elle soupçonna Thelma de ne pas y être étrangère. Certains avaient la mine fermée. Gemma, au bras de James, la toisa franchement. Elle sentit son assurance flancher.
- Rien d'insurmontable ? tenta-t-elle.
Son cousin et Daveen sourirent tandis que Thelma lui fit un signe de tête encourageant.
- Ecoutez... C'est vrai que j'ai joué les tyrans et je m'excuse. Sincèrement. On est censé être une équipe, mais je n'ai fait que vous enfoncer. Je vous jure que ce n'était pas à cause de notre défaite. Enfin... si, ça m'a énervé, mais parce que c'était Malefoy qui avait gagné, et enfin, vous savez, quoi...
À mesure qu'elle parlait, l'irritation s'envola de certains pour laisser place à l'amusement. Oh oui, ils savaient on ne peut mieux combien elle se faisait un devoir de détruire Scorpius au Quidditch.
- Bref. J'ai beaucoup de chance de jouer avec vous et mes petits problèmes persos n'avaient pas à s'immiscer entre nous.
Malgré elle, elle sentit ses yeux s'embuer. L'expression d'agacement de Gemma, qui avait déjà commencé à se fendiller, finit d'imploser. Elle s'avança vers Rose et lui prit la main pour la serrer. Bientôt, ils furent tous réunis autour des deux jeunes filles et une douce chaleur se répandit dans la poitrine de l'aînée Weasley.
L'équipe de Gryffondor était reformée et prête à en découdre.
- Bon allez, fini les conneries ! Tout le monde dehors ! intervint James au bout de quelques instants.
Rose ravala ses larmes et éclata de rire avec les autres.
Hugo l'attendait une fois de plus devant le portrait de la Grosse Dame. Il était vêtu d'une robe de sorcier bien plus élégante que ne l'avait été celle de leur père à son époque. Il lui sourit, mais Rose décelait toujours la tristesse au fond de ses yeux. Elle ignorait quel autre mal le rongeait, mais elle se promit d'être une meilleure grande sœur pour le soutenir.
- Tu es ravissante, la complimenta-t-il galamment.
- Pas autant que toi !
Elle ébouriffa ses cheveux et il accepta le compliment avec un sourire avant de lui offrir solennellement son bras. Encore sous l'émotion des retrouvailles avec ses coéquipiers, elle rit et plaça son bras au-dessus du sien. Ils prirent la direction de la Grande Salle, accompagnés de Lily et de son cavalier, un Gryffondor de son année.
Une petite boule se forma dans son ventre. Depuis l'épisode des serres, elle n'avait pas beaucoup vu Scorpius. Aurait-elle dû lui répondre d'une autre manière ? Lui dire que son cavalier n'était autre que son petit frère ? Elle avait été tellement surprise qu'elle n'avait, comme bien souvent, pas su contrôler le timbre de sa voix.
- Ce soir, on ne pense qu'à nous, lui glissa Hugo.
Elle échangea un regard avec lui et acquiesça. Le frère et la sœur pénétrèrent dans la Grande Salle en se concentrant sur la présence de l'autre pour chasser tous leurs tracas.
***
Albus était fier comme un coq avec Kathryn à son bras. Planté à côté d'eux, une main dans la poche, l'autre tenant une coupe, Scorpius avait l'air boudeur de l'enfant contraint de se conduire convenablement pendant une ennuyeuse soirée d'adulte. Régulièrement, il portait son verre à ses lèvres tout en fouillant du regard la foule qui l'entourait. Les délégations de Beauxbâtons et Durmstrang étaient arrivés. Certains de ses camarades retrouvaient des étudiants étrangers avec des cris de ravissement. Depuis le début des années 2000, les trois écoles étaient plus proches que jamais. Outre le besoin de resserrer les liens après la mort de Cédric Diggory et la guerre, un programme d'échange et de correspondance avait été mis en place. La compétition qui régissait naguère les institutions ne s'était bien évidemment pas évanouie, mais elle avait revêtu un caractère plus sain et solidaire.
Scorpius entendit son meilleur ami étouffer un rire, interrompant le fil de ses pensées, et il leva les yeux au ciel, grognon. Rose apparut soudainement dans son champ de vision. Sa gorge se serra étrangement tandis qu'il la contemplait. Ses épaisses boucles rousses étaient ramenées en une queue haute et élégante, simple tout en étant plus sophistiquée que celle qu'elle faisait habituellement. Elle était habillée d'une longue robe droite sans manche, à coupe empire et au col en V, dont le tissu d'un bleu nuit profond faisait ressortir sa peau laiteuse. Hormis ses petites boucles d'oreilles, elle ne s'était parée d'aucun autres ornements.
Elle avait l'allure d'une déesse de l'Antiquité grecque.
Et elle tenait le bras de... son frère. Son frère ?
- Dis, Albus, loyal et merveilleux meilleur ami, ça fait longtemps que tu sais qu'elle viendrait avec son frère ? dit-il entre ses dents.
Le jeune Potter partit d'un grand rire. L'humeur de Scorpius s'était étonnamment relâchée et il avait perdu son expression renfrognée. Lorsqu'il regarda à nouveau dans la direction de Rose, elle était en train d'admirer la Grande Salle, elle aussi nanti de ses plus beaux atours. Elle semblait plus détendue qu'elle ne l'avait été depuis début novembre.
Après le dîner et un discours prônant les valeurs de la fraternité et de l'amour, les directeurs des trois écoles ouvrirent le bal, représentants de l'amitié qui liait plus profondément les établissements magiques depuis 1994. Minerva McGonagall, accompagné de Panacius Eyre, valsait d'un côté de la piste. De l'autre, l'ancien attrapeur bulgare Viktor Krum conduisait habilement les pas d'une femme aux traits slaves marqués, et enfin, le directeur de Beauxbâtons, Mathias Millefeuille, se déplaçait harmonieusement avec sa compagne aux cheveux blonds.
La piste de danse se remplit petit à petit. Hugo avait entraîné sa sœur, apparemment décidé à ce qu'ils profitent de leur soirée. Scorpius fut content de les voir resserrer leurs liens. Albus avait suivi le mouvement, le laissant seul. Il en profita pour les regarder évoluer un moment. Le Serpentard vit son esprit dériver et lui rappeler les soirées mondaines qui avaient parfois été organisées au manoir Malefoy. L'ambiance qui y avait régné avait été plus cérémonieuse. Plus hypocrite, également. Les rires sonnaient faux et tout le monde se jugeait du coin de l'œil. Il se souvenait d'y avoir surpris certaines discussions murmurées. Des regrets formulés par des nostalgiques du glorieux passé des sang-purs. Son père, en s'apercevant de la teneur des conversations, était entré dans la même colère noire que lorsqu'il avait compris que Lucius avait embrumé le cerveau de Scorpius. Il avait mis à la porte les insolents qui avaient osé évoquer ce passé et, depuis ce coup d'éclat, les Malefoy avaient cessé de donner des réceptions. Scorpius avait néanmoins continué d'être éduqué selon certaines manières de noblesse par sa mère et sa grand-mère et était à présent rompu aux danses mondaines.
***
Rose se sentait à nouveau vivre. Les danses de couple alternaient avec des musiques plus rock'n'roll. Elle était entourée par une famille et des amis, dans ce foyer qu'était Poudlard. Elle eut rapidement fait d'oublier la légère maladresse que provoquait ses talons, pourtant petits, pour ne plus se focaliser que sur la joie qu'elle ressentait.
À bout de souffle, les deux Weasley finirent par s'éloigner de la piste de danse pour se désaltérer à grands renforts de jus de citrouille. Rose descendit sa coupe en moins de temps qu'il ne faut pour le dire puis contempla les personnes qui continuaient de se trémousser. Elle sentit alors un regard sur elle. Tournant la tête, elle découvrit Viktor Krum. Les épaules voutées, il se tenait non loin d'elle. Ses épais sourcils noirs lui donnaient un air bourru. Elle esquissa un sourire gêné, puis essaya de se concentrer de nouveau sur son environnement. Pourtant, elle devina qu'il la dévisageait toujours.
- Bonsoirrr. Je suis désolé de vous dérrrranger, mais vous me faites penser à quelqu'un que j'ai connu ici même.
Il avait un accent particulièrement prononcé et paraissait avoir toutes les difficultés du monde à parler anglais.
- Vous connaissez Herrrmioneuh Grrrranger ?
La surprise se peigna sur le visage de Rose.
- Je... oui, bien sûr. C'est ma mère.
- Vous lui rrressemblez beaucoup.
- Ah euh... merci ..?
D'ordinaire, elle adorait qu'on lui fasse remarquer leur ressemblance, mais là, tout ce qu'elle trouva à penser c'était que sa mère connaissait l'ancien attrapeur bulgare. Par Merlin, pourquoi n'avait-elle jamais fait jouer ses relations pour permettre à sa fille de rencontrer l'un des joueurs de Quidditch les plus doués au monde !
- D'où vous connaissez notre mère ? se pointa Hugo en toute finesse et en gobant un petit four.
Krum examina Hugo à son tour. Il fronça ses sourcils déjà bien proches et ses yeux firent la navette entre les chevelures rousses des adolescents.
- Votrrrre père s'appelle Weasty, non ? Dirrre qu'ils sont toujours ensemble... commenta-t-il pour lui-même.
Ce fut comme si une main de glace se refermait brusquement sur le cœur de Rose. Son sourire flétrit.
- Weasley, en fait. Excusez-nous, on nous appelle. Au plaisir !
Hugo attrapa d'autorité le poignet de Rose et l'emmena loin du bulgare. Sonnée, elle se laissa faire. Il la guida d'un pas sûr vers Thelma et Roxanne. Juste avant que les deux filles ne puissent la kidnapper, il plongea son regard dans le sien.
- Rose, n'oublie pas ce que je t'ai dit. Ce soir, on ne pense qu'à nous.
Il la regarda avec insistance. Elle finit par hocher la tête, juste avant d'être emportée par l'ouragan Roxanne.
Rose mit son cerveau sur pause pour appliquer au mieux la recommandation de son petit frère. Après une heure à s'user les pieds, elle décida qu'il lui fallait une nouvelle boisson. Avant de se diriger vers la table où elle avait mangé, elle s'assura que Viktor Krum n'était pas dans les parages. Elle opta pour un soda de branchiflore et, les yeux fermés, se délecta de la fraîcheur du liquide dans sa gorge.
- Bon, on l'enterre cette hache de guerre ?
Elle manqua recracher sa gorgée. Scorpius se tenait devant elle, un petit sourire aux lèvres. Depuis le début de la soirée, elle l'avait à peine entraperçu. Peut-être l'avait-elle esquivé un peu. Mais maintenant qu'il était près d'elle, elle dut reconnaître qu'il avait fière allure dans cette tenue.
Vraiment fière allure.
- Qu'est-ce que ça cache ? demanda-t-elle, un brin méfiante.
- Absolument rien, promit-il.
Il lui tendit la main.
- Oh au point où j'en suis...
Elle glissa ses doigts contre les siens et le suivit sur la piste de danse.
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