4. Bad decisions - The Strokes
Pendant une semaine, à chaque fois que Scorpius croisa l'aînée Weasley, il l'interpella d'un « Salut, Rose » faussement charmeur. Et à chaque fois, elle avait senti le rouge lui monter aux joues, l'image du jeune homme torse nu surgissant inévitablement dans son esprit. Il avait trouvé un moyen imparable de couper court au mordant de la jeune fille. Elle était trop occupée à être mortifiée d'avoir manqué de peu de se retrouver en petite tenue devant lui pour faire autre chose que fuir.
Roxanne, Hugo et Lily s'esclaffèrent sans vergogne. Scorpius venait encore de faire son petit numéro alors qu'il passait près de la table où ils étaient assis à la bibliothèque. Rose, après force insistance de sa famille, avait fini par céder et leur raconter toute la scène.
- Heureusement qu'il est sorti à ce moment-là ! T'imagines à dix secondes près ?
- Non ! Non, j'imagine pas, non ! se récria-t-elle en virant d'office à l'écarlate.
Leurs rires redoublèrent et Rose se maudit d'avoir été si faible. Elle n'avait pas fini d'en entendre parler... Pourvu que l'histoire ne remonte pas aux oreilles de son père.
- Et... il est comment ? questionna Roxanne.
Hugo regarda sa cousine avec des yeux ronds.
- Oh ça va, on se pose tous la question ! J'en connais qui aurait été ravi d'être à la place de Rose !
- Dont toi ? demanda Lily, moqueuse.
- Je vais pas nier qu'il est beau garçon, répondit-elle avec une désinvolture sincère, mais je suis pas intéressée.
Rose avait toujours apprécié le franc-parler et l'aplomb de Roxanne. Avec Lily, elle faisait partie des cousines dont elle se sentait le plus proche. Lors des repas qui réunissaient toute la famille Weasley, il n'était pas rare de voir des groupes distincts parmi les cousins. Ils s'entendaient tous bien, mais Rose avait nettement moins d'affinités avec Victoire, Dominique ou Lucy. Roxanne n'hésitait pas à mettre les pieds dans le plat et défendait avec ferveur ses opinions. Elle avait la fougue de sa mère, Angelina.
- Alors ? revint-elle à la charge.
- Mais j'en sais rien ! J'ai pas réfléchi à ça ! C'est de Scorpius Malefoy qu'on parle, là ! Et je vous signale que j'étais venue pour travailler mon arithmancie, se défila Rose.
Ses trois compagnons échangèrent des regards entendus qu'elle feint de ne pas voir et plongea le nez dans sa Numérologie et grammaire. Mais les nombres s'entrelacèrent rapidement sous ses yeux, incapable de se focaliser dessus alors qu'elle revoyait la haute et athlétique stature de Scorpius. Efflanqué à son entrée à Poudlard, il avait à présent acquis des épaules larges et des muscles ciselés de gardien de Quidditch. Rose comprenait qu'il fasse tourner les têtes... Se rendant compte de l'énormité de ses pensées, elle se secoua intérieurement et se força à se concentrer.
Son physique ne suffisait pas à le rendre supportable.
***
Le professeur Eyre arpentait la salle de classe en jetant des coups d'œil à l'intérieur des chaudrons. Postés l'un à côté de l'autre, Rose et Albus discutaient en préparant leur Philtre de Mort Vivante.
- Ça a l'air d'aller mieux avec Scorp. T'as mis assez de racine d'asphodèle, ajouta-t-il en retenant son geste.
Rose reposa docilement la plante. Elle était toujours impressionnée par l'instinct d'Albus en ce qui concernait les potions. Ses gestes étaient mesurés, précis, et elle ne l'avait jamais vu raté une seule décoction depuis le début de leur scolarité.
- Non ? insista-t-il en voyant qu'elle ne répondait pas.
- Mais qu'est-ce que vous avez tous avec lui, à la fin ?
- Quoi ?
- Vous me harcelez tous avec lui. Roxanne, Lily, Hugo, toi...
Quand Albus la regarda, un éclat s'était allumé dans ses yeux.
- Ça a un rapport avec le soir des sélections de Gryffondor ?
- Qu'est-ce que tu sais de ce soir-là ? contre-attaqua-t-elle.
- Rien, lui assura-t-il.
Elle le dévisagea longuement, suspicieuse, avant d'estimer qu'il disait la vérité. De toute façon, elle n'était pas certaine qu'il aurait bien réagi en apprenant que sa cousine chérie avait failli se déshabiller devant son meilleur ami, d'autant plus alors que ce dernier avait à peine été couvert par une serviette. Il était trop protecteur envers elle.
- Tu ne lui as toujours pas pardonné, hein ? reprit Albus au bout de quelques instants.
- Pourquoi je le ferais ? Tu...
Le maître des potions surgit au même moment pour se pencher au-dessus de leurs Philtres. C'était un homme d'une soixantaine d'années doté d'un charisme impressionnant. Avant de devenir professeur et directeur de Serpentard à Poudlard, on disait de Panacius Eyre qu'il avait parcouru le monde pour percer les secrets de l'alchimie, Nicolas Flamel ayant emporté son savoir dans la tombe. Rose n'avait aucun mal à croire cette rumeur. La peau de son visage était burinée comme si elle avait été tannée par le soleil et livrée à l'âpreté du vent et de la mer. Ses cheveux foncés se paraient d'argent et ses yeux étaient d'un gris étonnamment clair, dont l'un était taché d'une traînée bronze traversant sa pupille. Il avait des mains pleines de cales et une démarche assurée malgré un léger boitillement.
- Bien, miss Weasley. N'oubliez pas de mélanger dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.
- Oui, monsieur.
***
Ils entamèrent le mois d'octobre avec l'anniversaire d'Albus. La journée commença avec un oreiller dans la figure et une chasse au trésor. Les camarades de dortoir du jeune homme, Scorpius en tête, avaient eu la bonne idée de disséminer ses affaires un peu partout dans la salle commune des Serpentard. Albus, ses cheveux noirs ébouriffés en tous sens et en pyjama, dû se mettre en quête de ses vêtements sous les acclamations et huées de la quasi-totalité de la maison, selon s'il se rapprochait ou s'éloignait d'une cachette. Ils avaient fait preuve de beaucoup d'imagination, allant jusqu'à planquer quelques-uns de ses sous-vêtements dans les dortoirs des filles, grâce à la complicité de sa cousine en septième année, Lucy.
- Tu croyais quand même pas que j'allais laisser tes dix-sept ans passer inaperçu ? rit Scorpius.
Ils avaient enfin pris le chemin de la Grande Salle, où ils n'auraient droit qu'à dix minutes, montre en main, pour prendre leur petit-déjeuner avant le début des cours. Ils eurent tout juste le temps de passer les portes qu'une tornade de cheveux roux fondit sur Albus.
- JOYEUX ANNIVERSAIRE !
Il faillit tomber à la renverse sous l'assaut de Rose.
- J'ai pas le temps de rester, qu'est-ce que vous avez foutu pendant tout ce temps, il faut que j'aille en études des runes ! débita-t-elle sans reprendre son souffle.
Elle planta un baiser bruyant sur la joue de son cousin et disparut en criant à tue-tête.
- Ce soir tes cadeaux !
Les deux garçons échangèrent un regard.
- Où elle trouve toute cette énergie ?
- Me regarde pas comme ça, c'est toi qui la supportes depuis le plus longtemps.
Le soir-même, ils avaient rendez-vous chez Hagrid. Le garde-chasse de Poudlard était sensiblement resté le même depuis l'époque où Harry, Ron et Hermione lui rendaient visite pendant leurs études. De part le sang de géant qui coulait dans ses veines, il ne subissait pas les mêmes assauts du temps qu'un homme du même âge. Malgré le fait qu'il approche du centenaire, seuls quelques fils blancs striaient son abondante barbe et ses cheveux emmêlés. Plusieurs rides s'étaient également ajoutées au coin de ses yeux, marques des nombreux sourires bienveillants qu'il distribuait généreusement. Il avait toutefois cessé de donner des cours, laissant la classe de Soins aux Créatures Magiques entre les mains du professeur Paloma Oliphant.
Albus, Rose, Scorpius, James, Lily et Hugo s'entassèrent dans la modeste cabane du demi-géant. La première fois que Scorpius était venu avec son ami, il s'y était senti mal à l'aise.
- Albus m'a parlé de toi. Tu es le fils Malefoy, hm ? lui avait demandé Hagrid de but en blanc.
- Oui, monsieur.
Il avait répondu un peu piteusement, impressionné par la taille du garde-chasse, lequel l'avait jaugé de ses petits yeux noirs pendant ce qu'il lui avait paru une éternité. Au moment où Scorpius avait commencé à se dire qu'il allait se faire écraser comme un vulgaire moucheron, une lueur chaleureuse était apparue dans le regard de Hagrid. Il lui avait ensuite fait boire des litres de thé.
Cinq ans séparaient ce souvenir du moment présent, pourtant la scène avait peu changé. Un énorme gâteau d'anniversaire était posé sur la table en bois grossier et des volutes de vapeur s'échappaient de sa tasse aussi grosse qu'une chope. Scorpius avait gagné en assurance et ne craignait plus le demi-géant, toutefois, il se sentait perdu dans cette marée de Weasley et de Potter. Il avait beau être le meilleur ami d'Albus, il n'avait finalement passé que peu de temps en compagnie de son frère et sa sœur. Même s'ils restaient une fratrie unie, Lily avait toujours été plus proche de l'aîné, James, lui vouant un culte dans son enfance, et ce dernier et Albus n'étaient pas particulièrement proches.
Rose, de son côté, était parfaitement dans son élément. Elle ne lui avait même pas suggéré d'aller s'étouffer ailleurs lorsqu'un grumeau de la taille d'une dent -preuve que Hagrid n'avait pas fait de progrès en cuisine- avait manqué lui percer le palais. Au contraire, elle avait été remarquablement gentille avec lui aujourd'hui, sans doute pour faire plaisir à Albus le jour de son anniversaire. Scorpius écouta la jeune fille raconter comment James et Fred, le grand frère de Roxanne, avaient fait exploser le petit cabanon dans le jardin du Terrier et quand elle supplia Lily de refaire son imitation d'Harry vociférant après eux, il rit de concert avec les autres.
- Les cadeaux maintenant !
Une petite pile de paquets emballés atterrit devant Albus. En plus de la traditionnelle montre qu'il avait reçu de ses parents, James et Lily s'étaient cotisés pour lui offrir un parfum aux fragrances de pamplemousse marin et de bois de Gaïac. Hagrid lui avait rapporté un panier plein de ses confiseries préférées. Albus ouvrit alors une enveloppe et en fit tomber trois billets de concert. The Strokes, Londres, l'été prochain.
- Ça vient de toi, Rose ? demanda Albus, éberlué.
- Je... non... bredouilla-t-elle, aussi interloquée que lui.
Elle lui prit les tickets, comme si elle avait besoin de palper leur réalité. Albus croisa le regard de Scorpius.
- C'est toi ?
Gêné, le blond passa la main dans ses cheveux en acquiesçant.
- Vous arrêtiez pas d'en parler, tous les deux, et je me suis dit que... ben que ça pourrait être sympa d'aller les voir... euh ensemble.
Heureusement pour Scorpius, il n'était pas du genre à rougir.
- Du coup, c'est autant un cadeau pour toi que pour Rose et moi, mais bon... je trouvais ça... sympa ?
Plus il parlait, plus il s'enfonçait. Il fallait dire que toutes les têtes étaient tournées vers lui. Il n'avait jamais vu Rose aussi stupéfaite. Elle le dévisageait comme s'il lui était poussé des cornes sur le front. Lorsqu'il était allé acheter les billets dans un magasin moldu -un grand moment, par ailleurs- il avait été loin d'imaginer toutes les réactions que provoquerait ce cadeau. Lui qui avait trouvé son idée bonne... Après tout, les deux cousins adoraient ce groupe, et lui-même avait apprécié leur musique lorsqu'Albus lui avait fait écouter.
- Mais c'est génial ! se récria Albus.
Si Rose s'était attendu à ça ! Lorsqu'elle avait lu le nom de l'un de ses groupes préférés, elle n'en avait pas cru ses yeux. Mais ça avait été pire lorsqu'elle avait compris que les billets venaient de Scorpius. C'était une chose qu'il veuille faire plaisir à Albus en lui permettant de les voir en concert, mais elle ? Il aurait facilement pu ne prendre que deux billets et lui agiter sous le nez pour la faire mourir de jalousie. Mais non, il avait prévu qu'ils iraient voir The Strokes tous les trois. Depuis quand s'intéressait-il à la musique moldue ? Et depuis quand loupait-il une occasion de la faire enrager ?
Elle regarda les deux Serpentard se faire une accolade. Scorpius souriait largement maintenant qu'Albus avait exprimé sa joie. Rose baissa alors les yeux sur son paquet. Pourquoi n'avait-elle pas pensé elle-même au concert ? Son présent était pitoyable à côté de celui de Scorpius. Quand ils se rassirent, souriant tous les deux, Albus déchira le papier qui enveloppait le dernier cadeau. Il en sortit un livre épais.
- C'est l'autobiographie d'un guérisseur qui a fait le tour du monde pour apprendre différentes techniques de médecine, crut-elle bon de dire.
Merlin, il aurait mieux fait d'ouvrir l'enveloppe de Scorpius en dernier, cela lui aurait évité de se sentir humilié en passant après.
- Et puis, il y ça. Je n'ai pas eu le temps de l'emballer...
Rose avait sorti de son sac un cadre ouvragé en argent. Elle le tendit à Albus et lorsqu'il le retourna, il vit la photographie prise lors de leur troisième année. Albus s'y tenait, encadré de Rose et Scorpius. Le jeune Potter avait les bras passés sur les épaules de ses deux compères et avait dû se tenir sur la pointe des pieds pour atteindre celles de Scorpius. Ce dernier avait l'air dégingandé de celui qui a grandi trop vite. Mais Rose étant, à ce moment-là, la plus petite des trois, Albus se retrouvait dans une position aussi bancale que comique. Il avait fallu attendre l'été suivant leur quatrième année pour que leurs tailles soient rééquilibrées et qu'ils n'aient plus l'air de poupées russes quand ils étaient les uns à côté des autres. Chacun emmitouflés dans son écharpe, les trois adolescents souriaient à l'objectif malgré les quelques regards noirs échangés entre Rose et Scorpius par-dessus la tête d'Albus. On décelait encore l'appareil dentaire sur les dents de la Gryffondor et le vent faisait voleter ses mèches.
Pré-au-Lard se découpait en fond. C'était leur première visite. Ils avaient d'ailleurs bien failli ne pas pouvoir s'y rendre. Albus avait découvert la légende pas si fausse de la Chambre des Secrets quelques jours plus tôt et il ne lui avait pas fallu longtemps pour convaincre Rose de fouiller les toilettes des filles du deuxième étage pour en trouver l'entrée. En fait, il avait suffi de dire « j'ai entendu parler d'un truc trop cool » pour qu'elle soit partante. Scorpius avait en revanche freiné des quatre fers, mais s'était tout de même retrouvé à quatre pattes par terre pour sonder la tuyauterie. Ils avaient été à deux doigts de trouver le petit serpent gravé sur l'un des lavabos quand le concierge les avait surpris. Le successeur de Rusard les avait menacés de les priver de la sortie tant attendue, mais grâce au don d'éloquence de Scorpius, ils s'en étaient tirés avec une simple retenue. Scorpius avait juré qu'il ne se laisserait plus entraîner dans leurs combines. Jusqu'à la suivante...
- Non mais visez un peu ces têtes de vainqueurs ! railla James.
Scorpius devait admettre que James n'avait pas tort. Pourtant, il aimait bien cette photo. C'était d'ailleurs la seule du trio. Il se souvint que c'était l'une des cousines Weasley qui l'avait prise. Molly, la sœur aînée de Lucy, qui était en sixième année à Serdaigle à ce moment-là. Elle avait reçu un appareil photo pendant l'été et avait mitraillé à peu près tout et tout le monde. Albus l'avait interpellé alors qu'ils remontaient la rue pavée pour lui demander de les immortaliser.
Le Serpentard était toutefois un peu surpris que Rose ait opté pour ce cliché en particulier. Elle aurait facilement pu en sélectionner un où elle était seule avec Albus. Il ne doutait pas qu'il en existe à foison sur leur seule enfance, elle aurait eu l'embarras du choix.
Albus se tourna vers sa cousine avec un sourire ému. Comme sur la photo, il la crocheta par le cou pour embrasser sa joue. Il se tourna ensuite vers Scorpius pour passer également son bras autour de ses épaules.
- Vous êtes les meilleurs.
Scorpius hallucinait ou Rose avait la larme à l'œil ?
- Si seulement vous arrêtiez de me faire tourner en bourrique... ajouta-t-il sur un ton fataliste.
Ils rirent, sans remarquer qu'Hagrid les couvait d'un regard définitivement brillant.
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