2. Shine a little light - The Black Keys
Albus avait poussé d'autorité ses deux acolytes dans la diligence où étaient déjà Lily et Hugo. Scorpius parvint peu à peu à distinguer l'imposant château, émergeant d'entre les sapins jusqu'à enfin apparaître dans toute sa magnificence. Les murs étaient piqués de grandes fenêtres d'où se déversaient une lumière chaude, promesse de la protection d'un bon foyer. Il s'arracha cependant à cette contemplation en entendant son prénom.
- ...Scorpius l'a eu aussi.
Il remarqua que tous les regards s'étaient tournés vers lui et il manqua laisser échapper un « quoi ? » peu diplomatique.
- On parle Quidditch, le sauva Albus, Rose est devenue capitaine de l'équipe de Gryffondor, et je disais que toi aussi à Serpentard.
Ses yeux tombèrent sur le badge semblable au sien épinglé sur l'uniforme de Rose, puis rencontrèrent les iris acidulés de la jeune femme. Elle afficha un sourire assassin.
- Je me ferai une joie de t'écraser.
Albus ne put retenir un sourire en coin, que trop habitué à leurs échanges vénéneux. Déjà parfaitement exécrables entre eux en temps normal, cela pouvait virer au pugilat quand il était question de Quidditch. S'il avait d'abord pris le parti de concilier ces deux personnes si chères à ses yeux, il avait fini par abandonner en quatrième année après avoir reçu un malencontreux sortilège de Furonculose. Ils étaient aussi têtus l'un que l'autre, aussi Albus se contentait-il à présent de limiter les dégâts. Et de compter les points.
- Compte là-dessus, ricana Scorpius.
Rose pencha légèrement la tête sur le côté, comme un félin intrigué et vaguement réjoui par les piètres tentatives de fuite de sa proie. Ses lèvres étaient toujours étirées en un sourire des plus mortels. Le blond ressentit un profond agacement devant son air suffisant, et en même temps, perçut une curieuse torsion au niveau de son ventre. La diligence s'immobilisa sans qu'il n'ait le loisir de s'interroger sur cette dernière sensation et Rose en jaillit comme un tourbillon enflammé. Albus se tourna vers son ami en riant.
- Elle est en forme notre petite Rosie !
- Avoue que tu n'aurais jamais osé l'appeler comme ça devant elle.
Albus descendit à son tour en se contentant de pouffer plus fort.
La Grande Salle vibrait du brouhaha que faisaient les élèves en s'installant autour des quatre tables. De sa place, Scorpius suivait les mouvements incessants de ses camarades. On lui avait déjà demandé quatre ou cinq fois quand étaient prévus les essais pour rejoindre l'équipe. Albus lui donna soudainement un coup de coude et pointa du doigt une jolie brune qui passait devant eux pour rejoindre ses amis à la table des Serdaigle.
- Comme quoi, ça a du bon aussi la puberté... lui chuchota-t-il.
- Et ça t'évitera de devoir encore demander à ta cousine de t'accompagner au bal, se moqua Scorpius en retour.
Le jeune Potter rit en lui donnant un coup d'épaule. Ils se turent quand les premières années firent leur entrée. Ceux-ci s'émerveillaient de tout ce qui les entouraient. Leurs regards se levaient vers le plafond représentant la voûte céleste et les chandelles qui lévitaient au-dessus de leur tête, obliquaient vers les immenses murs en pierre, détaillaient les professeurs à l'autre bout de la salle et aucun ne semblait pouvoir réussir à englober et analyser l'ensemble de ce nouvel environnement. Ils remontèrent l'allée jusqu'à l'estrade où les attendait le Choixpeau. Scorpius, en les observant, n'avait aucun mal à revivre sa propre Répartition. L'antique couvre-chef n'avait pas traîné pour crier sans hésitation le nom de la maison des vert et argent, à l'instar de presque toute sa famille avant lui. Cela n'avait pas été surprenant, mais malgré tout, ce fut l'objet d'une grande fierté. En revanche, il s'était vu plus étonné lorsque le cadet des enfants Potter l'y avait rejoint peu de temps après. Il se rappelait avec la même clarté du regard déçu qu'avait eu Rose. À peine eut-il formulé cette pensée dans son esprit qu'il fouilla du regard la table des rouge et or.
***
À chaque nouvel arrivant chez les lions, Rose sifflait et applaudissait bruyamment. Elle se sentait parfaitement à l'aise. C'était son environnement, sa maison et elle se plaisait à le clamer haut et fort dès qu'un nouveau Gryffondor venait grossir sa table. Elle et ses camarades avaient tout intérêt à profiter de cette avant-dernière année, aussi se promit-elle, tandis qu'elle accueillait avec chaleur ses camarades, de se donner à fond.
Une fois la Répartition terminée, la directrice Minerva McGonagall se leva pour le traditionnel discours de début d'année. Elle énonça les règles à l'intention des premières années, sans manquer de rappeler qu'elles étaient toujours d'actualité pour les plus anciens. À ces mots, Rose lança un regard amusé en direction de son cousin. Celui-ci la regardait déjà, s'attendant visiblement à ce qu'elle se retourne vers lui, avec un large sourire qui découvrait trop ses dents pour paraître innocent. Il leva fièrement le pouce et déclencha le rire de la jeune fille. Elle posa brièvement les yeux sur Scorpius à côté de lui, avant de reporter son attention sur l'ancienne professeur de Métamorphoses. Celle-ci enchaîna en leur rappelant que le Bal du Souvenir aurait lieu le soir du 24 décembre. Depuis la fin de la deuxième guerre des sorciers, le Bal du Souvenir était organisé tous les quatre ans en l'honneur de Cedric Diggory et du Tournoi des Trois Sorciers qui l'avait vu mourir, afin que toutes les conséquences de cette tragédie ne tombent jamais dans l'oubli.
Les plats semblaient vouloir faire crouler les tables. Les couverts s'entrechoquaient sur les assiettes et des exclamations fusaient un peu partout dans la Grande Salle. Hugo, à la table des Poufsouffle, se goinfrait et Rose n'avait pas besoin d'être assise à côté de lui pour savoir qu'il argumentait à qui voulait l'écouter qu'il faisait ainsi honneur aux elfes de maison. Si Hermione avait été là, elle aurait eu une moue réprobatrice en sortant une phrase typique de parent, tel que « t'es bien le fils de ton père, toi ! ».
L'aînée Weasley elle-même se délectait de son bœuf en sauce, tout en entretenant une vive discussion sur le Club de Flaquemare avec l'une de ses coéquipières, Thelma McAvoy. Elles étaient entrées ensemble dans l'équipe de Quidditch de Gryffondor au début de leur troisième année, Rose au poste de poursuiveuse, Thelma à celui de batteuse. Rose avait beaucoup d'admiration pour sa camarade de dortoir. Lors de sa présentation aux essais pour le poste de batteuse, elle avait dû essuyer nombre de regards ironiques. Non pas que l'équipe se révélait soudainement machiste, mais Thelma n'avait pas la carrure habituelle des batteurs. Plutôt petite et mince, des lunettes surmontant son nez retroussé, beaucoup l'imaginaient déjà se faire martyriser par les cognards. Pourtant, sans dire d'avoir épaté la galerie, elle avait démontré suffisamment de talent pour rabrouer tous ces détracteurs et n'avait de cesse depuis de s'améliorer. Rose se souvenait de sa panique peu de temps avant leur tout premier match contre Serpentard et ses deux redoutables batteurs.
- Je vais me faire écraser, Rose ! On dirait Godzilla et King Kong ! Une pichenette et c'est fini pour moi ! s'était-elle affolée.
Rose venait de la trouver, en proie à l'affolement, devant le tableau de la Grosse Dame. Heureusement, grâce à la famille du côté de sa mère, elle savait qui étaient Godzilla et King Kong et n'eut pas à commettre l'indélicatesse de l'interroger. Elle s'était alors assise près d'elle.
- Tu sais, mes oncles étaient batteurs de Gryffondor à l'époque. Ils étaient loin d'être baraqué à leurs débuts. Plutôt du genre secs et nerveux. Et ils faisaient partie des meilleurs joueurs de leur génération.
- Tes... tes oncles ?
- Fred et George Weasley, avait-elle confirmé avec un orgueil évident.
- Ceux qui ont fait sauter tout un stock de feu d'artifice dans les couloirs ?
La jolie rousse avait esquissé un sourire. Cette histoire était l'une de ses péripéties préférées parmi toutes celles des jumeaux. Tous les tours et canulars qu'ils avaient orchestrés avaient fait d'eux des légendes à Poudlard. Souvent, elle regrettait de ne pas avoir connu Fred. Outre la source inépuisable de rire qu'aurait été le duo de ses oncles, elle déplorait le fantôme de ce jumeau disparu dans les yeux de George. Son père lui avait confié que la mort de sa moitié avait changé George à tout jamais. Elle aurait aimé dissiper toutes les ombres qui l'entouraient, lui, mais aussi le reste de sa famille. Et encore, elle n'était pas certaine d'être en mesure de comprendre l'étendue de la perte qu'avait subi ses proches.
- Eux-mêmes.
Elle avait marqué une pause avant de reprendre, plus sérieuse.
- On croit en toi, Thelma. Tu nous as déjà prouvé à l'entraînement de quoi tu es capable. À ton tour de te faire confiance.
Sa camarade l'avait longuement regardé à travers ses mèches lisses. Puis elle avait fini par hocher la tête.
Depuis, Rose avait appris que Thelma faisait du tennis depuis l'âge de cinq ans. Elle le lui avait confié en lui parlant de son enfance, ajoutant qu'elle avait craint en entrant dans le monde de la magie de ne plus pouvoir exercer son sport favori. Mais elle s'était finalement adaptée et avait trouvé un nouveau moyen de frapper des balles. À présent, elle était la joueuse sur laquelle elle pouvait le plus compter, par son ancienneté et son sérieux, pour la seconder dans son rôle de capitaine.
Du club de Flaquemare, elles dérivèrent sur les Canons de Chudley.
- Mais, Rose, tu ne peux pas être sérieuse !
Thelma leva les mains au ciel, exaspérée, avant de les passer dans ses cheveux d'un châtain cendré. Elle donnait le sentiment de vouloir les arracher de sa coupe garçonne fraîche de l'été et qui lui conférait une aura à la fois plus mature et sûre d'elle.
- Tu ne peux pas me faire changer d'avis. C'est l'équipe de mon cœur, affirma Rose, butée, en croisant les bras contre sa poitrine.
Ronald Weasley avait brillamment réussi à transmettre son admiration éternelle pour cette équipe à sa fille.
- Combien de fois on va avoir cette discussion... Tout est dans leur devise, nom d'un chien ! « Croisons les doigts et gardons espoir » !
En face d'elles, Gemma et Jared Williams, respectivement batteuse et poursuiveur des lions, étaient secoués d'un fou rire en les écoutant. Nés à dix minutes d'écart l'un de l'autre, le frère et la sœur étaient en cinquième année.
- Mais faites quelque chose ! s'exclama Thelma en les prenant à partie.
Au même instant, la directrice annonça l'heure de prendre le chemin des dortoirs, ce qui n'était pas pour déplaire aux Williams.
***
La veille, après le festin de rentrée, Scorpius avait rejoint avec grand plaisir la salle commune des Serpentard. Si elle semblait froide et peu accueillante de prime abord, le jeune homme y voyait un véritable royaume. Il n'avait certes pas de quoi se plaindre au vu du manoir dans lequel il vivait, demeure familiale et joyau des Malefoy. Mais malgré tous les arrangements que Drago et Astoria y avait apporté, ledit manoir peinait à se rendre chaleureux. Ces grandes pièces appelaient à la solitude, la lumière n'y était pas rare mais paraissait venue d'un ciel hivernal quelle que soit la saison et le silence était maître. Ici, bien que les couleurs soient semblables au domaine de ses ancêtres, l'atmosphère n'avait rien à voir. Les Serpentard étaient réputés pour leur malice, avides de liberté et allergiques aux règles. Alors comment espérer maintenir le calme parmi les vert et argent ?
C'était grâce à cela que Scorpius se sentait chez lui. Il goûtait à une certaine liberté entre ses murs. Il n'avait pas reçu la stricte éducation qui avait façonné ses parents, en particulier son père, pour autant, la famille Malefoy restait des aristocrates. Leur réputation prévalait sur bien des choses. Et c'était encore plus vrai depuis la chute du mage noir Voldemort. Scorpius s'apercevait chaque jour un peu plus du poids qu'il devait porter, du fardeau que représentaient les erreurs de sa famille. Drago parlait peu de cette sombre époque, mais il avait compris à travers ses non-dits la gravité des actes qu'ils avaient commis, lui et son propre père.
Le jeune homme frissonna en songeant au patriarche Malefoy. Si grand-mère Narcissa était une femme de la trempe d'Astoria, douce et prévenante, et paraissait dotée d'une puissante force mentale, grand-père Lucius le mettait mal à l'aise. Scorpius soupçonnait qu'il n'était plus que l'ombre de lui-même, mais la seule image de celui qu'il avait dû être suffisait à le troubler. Dire qu'il avait eu la bêtise de boire ses paroles pendant un temps...
Scorpius tourna la tête vers son compère, qui se prélassait dans un fauteuil de cuir noir. Le lourd passé des Malefoy le renvoyait inévitablement à la lignée dont celui-ci descendait. Il n'était pas sans savoir qui était et ce qu'avait accompli Harry Potter. Parfois, il avait du mal à croire qu'il ait pu devenir le meilleur ami d'Albus.
- Oh... dur.
Albus regardait l'emploi du temps de Scorpius par-dessus son épaule.
- En même temps, qu'est-ce qu'il t'a pris de continuer ?
- Pour appréhender le futur, comprendre le passé... marmonna-t-il.
Lors de son entretien avec son directeur de maison l'année dernière, avant les BUSES, le professeur Panacius Eyre lui avait conseillé de poursuivre l'Histoire de la Magie en ASPIC. Il avait argué l'importance de connaître les victoires et les défaites, les erreurs et les crimes, qui avait modelé le monde tel qu'ils le connaissaient. Ces savoirs n'étaient jamais de trop, surtout dans un poste à responsabilité comme il en convoitait au Département de la Coopération Magique. Scorpius lui-même avait déjà suivi ce chemin de réflexion, malgré tout, l'idée de devoir supporter encore deux longues années le professeur fantôme l'avait fait grimacer. Et plus encore maintenant qu'il apprenait que ses semaines commenceraient par cette matière, et ce pendant pas moins de deux heures le lundi matin.
- Et toi ?
Rose débarqua à cet instant, manquant faire recracher le morceau de pomme qu'il venait de croquer. Se glissant d'autorité sur le banc à côté de son cousin, qui sursauta également, elle lui arracha son emploi du temps des mains pour le comparer avec le sien. Elle avait relevé ses cheveux en une haute queue de cheval, dont quelques petites boucles rebelles lui balayèrent la joue lorsqu'elle se pencha en fronçant les sourcils.
- Bonjour à toi aussi, Rosie chérie, la salua Albus.
- Malefoy, donne ton emploi du temps, dit-elle en ignorant délibérément l'emploi du surnom.
Les deux garçons échangèrent un regard interloqué.
- T'emballe pas, je veux voir si j'aurai l'occasion de passer un peu de temps seule avec mon cousin cette année, cingla-t-elle avec un sourire faussement charmant avant de lui dérober également son parchemin.
Le jeune Malefoy leva les yeux au ciel en grommelant.
- C'est pas pour rien que chaque maison a sa table, Weasley.
- Ah-ah ! s'exclama-t-elle d'un ton triomphant sans se donner la peine de lui répondre. Potions mercredi !
Lorsqu'elle releva la tête, Scorpius vit ses yeux pétiller. Albus esquissa un sourire devant son enthousiasme. Elle bondit sur ses pieds, prête à repartir aussi vite qu'elle était arrivée.
- Bonne rentrée ! souhaita-t-elle en ébouriffant les cheveux noirs d'Albus.
Puis elle tourna les talons. Le jeune Potter secoua la tête, amusé, et porta sa coupe de jus de citrouille à ses lèvres. Scorpius la regarda s'éloigner. Il devait s'avouer légèrement vexé. Supportait-elle si peu sa présence pour guetter ainsi les moments en tête-à-tête avec son cousin ? Six ans qu'ils se côtoyaient, qu'Albus les entraînait tous deux dans des situations impossibles, et pourtant elle avait toujours aussi peu d'égards pour lui.
Lorsqu'il prit le chemin de la salle de classe du professeur Binns, il s'agaça de repenser à la façon dont ses yeux s'étaient illuminés.
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Alors! En ce qui concerne le fait que Minerva McGonagall soit toujours directrice en 2022. Honnêtement, il est probable qu'elle ait pris sa retraite, mais même si elle se contentera d'être à la périphérie du récit, j'avais trop envie de la voir encore un peu! ♥
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