18. Sitting in the sun - Rogér Fakhr
Hermione étreignit sa fille contre elle avec force. Elle avait le terrible sentiment de ne plus voir ses enfants grandir depuis leur onze ans. Ils passaient de longs mois à Poudlard, loin de la maison. Quand elle était elle-même étudiante, elle n'imaginait pas ce que pouvaient ressentir ses parents. De son côté, ils lui manquaient, bien sûr, mais il fallait dire que son temps avait été bien occupé par les cours et leurs nombreuses péripéties avec Harry et Ron. Elle n'avait pas raconté la moitié de leurs aventures à Curtis et Jean Granger, et à présent, bien que l'époque ne soit plus la même, elle savait qu'il en allait de même pour elle et qu'elle ignorait de multiples facettes de la vie de Rose et Hugo.
Toutefois, sans qu'il ne lui soit nécessaire d'avoir toutes les cartes en main, son instinct de mère lui soufflait que Rose avait désespérément besoin de parler. Sa fille mûrissait, mais Hermione parvenait toujours à retrouver en la jeune femme en devenir la petite fille qui se blottissait dans ses bras après un cauchemar.
Elle s'écarta pour prendre en coupe le visage de Rose et l'observer. Son teint de porcelaine éclaboussés de taches de rousseur n'avait pas changé, mais les rondeurs de l'enfance s'étaient doucement effacées. Elle avait les iris bleus de Ron, rehaussés d'un éclat aussi enflammé que ses cheveux. Cependant, Hermione y décela également un fantôme de doute et de détresse qui n'existait pas avant sa rentrée en sixième année. Une pointe de culpabilité s'enfonça dans son cœur. Les problèmes qu'elle rencontrait avec son mari se répercutaient sur ses enfants et la déchirait. Rose était l'aînée, mais Hermione pressentait que Hugo, avec ses trois ans de moins, gérait mieux les conflits conjugaux de ses parents. Elle avait transmis sa sensibilité aiguë à sa fille.
- Tu m'as manqué, maman.
- Oh toi aussi, ma puce... dit-elle en caressant sa joue dans un geste tout maternel.
Rose enlaça à nouveau sa mère et inspira profondément son parfum. Petite, elle adorait emmitoufler sa peluche préférée dans un de ses foulards pour en respirer la fragrance. Être avec sa mère lui donnait le sentiment que rien ne pouvait lui arriver, que tout pouvait s'arranger. Sa présence la rassurait.
- Allez, viens. Allons dévaliser Honeydukes, suggéra Hermione.
Elles se sourirent, complices, et quittèrent le cul-de-sac.
- Ton frère nous rejoint plus tard ?
Rose retint une petite moue. Franchement, il aurait pu accepter de jouer la carte « retenue ». Il avait beau être plus travailleur que son père, il n'en avait pas moins hérité du flegme de Ron. Hermione ne goberait jamais qu'il passe tout son samedi à plancher sur ses devoirs. Sans compter qu'Hermione était l'une des meilleures sorcières de sa génération, faisant d'elle la personne la mieux placée pour les aider dans leurs révisions. Rose ne pouvait décemment pas justifier un travail particulièrement difficile le retenant à la bibliothèque alors que leur mère pouvait certainement comprendre et expliquer en cinq minutes n'importe quel problème dans n'importe quelle matière.
Rose eut une bouffée d'inspiration. Contrôlant le ricanement qui lui montait aux lèvres, elle adopta une mine contrite.
- Non, il est à l'infirmerie...
Sa mère la regarda, les yeux légèrement écarquillés par l'inquiétude.
- Avec les garçons, ils se sont donné le défi d'approcher le Saule Cogneur. Et euh le Saule a gagné.
Subitement réprobatrice, Hermione fronça les sourcils.
- Rose, toi et tes cousins nous aviez promis de ne pas parler du passage secret ni à Hugo, ni à Lily, la morigéna-t-elle.
- Eh ! On n'a rien dit ! protesta Rose.
Harry avait mis un certain temps à se rendre compte que son fils aîné avait volé la Carte du Maraudeur dans son bureau. En fait, il avait compris le jour où il avait reçu une lettre de Minerva McGonagall l'informant que ses deux fils, sa nièce et Scorpius Malefoy avaient écopé de retenues pour avoir perturbé l'arbre belliqueux. James avait longtemps gardé le secret sur la Carte, mais c'était sans compter une rousse trop curieuse qui l'avait surpris à la consulter en quatrième année. Vaincu, il avait consenti à la montrer à Rose, et elle-même avait monté une expédition les entraînant tous les quatre à percer le secret du tunnel sous le Saule. Ce fut l'unique fois où James ne put se la jouer solitaire et avait dû crapahuter avec le trio.
C'en était suivi une discussion mémorable entre les parents Malefoy et les parents des cousins, où Drago leur avait reproché que leurs enfants embarquaient son fils dans des situations impossibles. Pour finir, Harry, Ginny, Ron et elle avaient fait jurer à Rose, Albus et James de ne pas évoquer ce fameux tunnel devant leurs benjamins.
La sorcière la contempla avec un air peu convaincu mais décida de laisser couler. Elle n'avait pas la force de se battre alors qu'elle venait de retrouver sa fille.
- Enfin bref, il est vraiment désolé de ne pas pouvoir te voir et il te fait de gros bisous, conclut Rose avec un sourire qui se voulait angélique.
- Mh-mh.
Il y avait anguille sous roche, cependant Hermione eut bien du mal à conserver son masque de désapprobation. Cela lui rappelait tellement sa propre jeunesse.
- On reprend des fils dentaires à la menthe pour papy et mamie ? demanda innocemment Rose.
Hermione eut un petit rire en acquiesçant. Ah, celle-là...
Elles déambulèrent un moment parmi les mille et une confiseries de la boutique. Chacune savourait la présence de l'autre et partageaient une humeur légère. Quand elles ressortirent dans la rue, en route pour aller déguster une bièraubeurre, elles passèrent devant la succursale de Weasley, Farces pour sorciers facétieux. Autrefois, un autre magasin de farces et attrapes occupait le bâtiment, mais Zonko avait définitivement fermé et été racheté pour créer une filiale Weasley.
Rose hésita quelques instants.
- Je pensais que papa profiterait peut-être que tu sois là pour venir en même temps...
Ron était le plus souvent à la boutique principale sur le Chemin de Traverse, mais il s'était quelques fois arrangé pour faire coïncider ses journées de travail à Pré-au-Lard avec les sorties de ses enfants.
- C'était ce qu'il voulait faire, mais George avait besoin de lui au Chemin... et il s'est dit que vous auriez peut-être envie de passer du temps seuls avec moi, répondit Hermione d'une voix douce.
La jeune fille resta silencieuse, perdue dans ses réflexions, mais quand elle ouvrit à nouveau la bouche, un cri dans leurs dos la coupa dans son élan.
- Rosie ! claironna Albus.
Elles se stoppèrent toutes deux pour faire volte-face dans un même mouvement. À quelques mètres, Albus leur faisait un grand signe de la main, Scorpius à ses côtés. Rose jura entre ses dents tandis qu'ils venaient à leur rencontre. Affolé, son cœur s'emballa dans sa poitrine. Elle ne put cependant prendre la fuite et regarda Scorpius approcher, impuissante devant son petit sourire en coin, liquéfiée par ses yeux gris. Hermione, fine observatrice, remarqua le trouble de sa fille et en fut autant intriguée qu'amusée.
- Salut, tata !
Hermione embrassa chaleureusement Albus pendant que Rose paniquait en évitant de regarder Scorpius.
- Ça me fait plaisir de te voir, Al.
Sa mère se tourna ensuite vers le fils Malefoy. Elle l'avait vu de loin à plusieurs reprises et n'ignorait pas qu'Albus et Rose étaient proches de lui, mais ils n'avaient jamais réellement été présenté. Et bien entendu, il fallait que l'occasion se présente précisément cette année.
- Et tu dois être Scorpius, dit-elle avec un sourire.
- Oui, Mrs Weasley, répondit-il avec une politesse et une amabilité toutes naturelles.
- Je suis contente de pouvoir enfin te rencontrer. J'ai beaucoup entendu parler de toi.
- Ah oui ?
Scorpius glissa un coup d'œil taquin à Rose. Alors que cette dernière avait envie de disparaître sous terre, il avait l'air de prendre beaucoup de plaisir à cette rencontre.
- Oh oui, Rose est intarissable à son sujet, renchérit Hermione.
- Maman ! couina Rose, mortifiée et les pommettes roses.
Oui, elle parlait beaucoup de Scorpius quand elle était de retour chez elle, mais pour se plaindre plus qu'autre chose !
- On allait boire une bièraubeurre, vous voulez venir ?
Rose supplia Albus du regard. Hors de question qu'ils acceptent cette proposition, hors de question que sa mère et Scorpius se trouvent ensemble plus de cinq minutes. Qui savait ce qui pouvait ressortir d'un tel entretien.
Mais contre toute attente, ce fut justement Scorpius qui la sauva.
- C'est gentil, mais vous avez certainement envie de profiter l'une de l'autre. Une prochaine fois ? suggéra-t-il.
Hermione intercepta le regard qu'échangèrent sa fille et le jeune Malefoy. Cela confirma ce qu'elle soupçonnait déjà. Elle sourit.
- Avec plaisir pour une prochaine fois, convint-elle. Bonne après-midi, les garçons.
Rose ne perdit pas une seconde pour tracter sa mère dans la direction opposée.
- Il est plutôt beau garçon, commenta Hermione avec le même ton innocent qu'avait employé sa fille plus tôt.
- Maman ! se scandalisa encore Rose avant de grommeler, en plus il ressemble à son père, mais passons.
Son père... Hermione songea à Drago, le garçon qui l'avait persécuté, traité de sang-de-bourbe pendant leurs études. Scorpius partageait effectivement plusieurs de ses traits physiques, mais la comparaison s'arrêtait là. Elle s'était toujours opposée à ce que les conflits de leur passé empoisonnent l'avenir de leurs enfants. Du temps s'était écoulé depuis.
- Heureusement qu'ils n'ont pas voulu venir...
Elles venaient de pénétrer dans le pub des Trois Balais et Rose continuait de marmonner dans son coin, au grand amusement de sa mère.
- Hermione Granger ! Je ne t'ai plus vu depuis des années !
Mrs Rosmerta avait surgi à peine se fussent-elles assises à une table. La patronne engagea la conversation avec Hermione pendant quelques minutes, mais après leur avoir apporté leurs boissons, elle les laissa seules.
- Tu sais, Ron et moi, on a mis des années à accepter nos sentiments...
Rose s'empourpra furieusement et manqua recracher sa gorgée.
- Je ne vois pas pourquoi...
- Rosie, ma puce, tu mens aussi mal que ton père.
Elle se renfrogna et porta à nouveau le breuvage à ses lèvres.
- On n'est pas obligée d'en parler, ma chérie, mais quelque chose me dit que tu en as envie... reprit doucement Hermione.
La Gryffondor mâchonna sa lèvre, indécise. Sa mère garda le silence, sans insister, lui laissant le choix de poursuivre ou non.
- C'est qu'il n'y a pas grand-chose à en dire... On s'est embrassé. Une fois. Après le Bal du Souvenir.
Un mot en entraîna un autre et elle déballa alors tout ce qu'elle portait en elle. La peur qui l'avait saisi dans les jours suivants le baiser, la compréhension de Scorpius, les quelques moments qu'ils avaient partagés par la suite, la jalousie dévorante, l'éloignement... Depuis que Hugo avait parlé à Rose à cœur ouvert, elle avait repoussé toutes ses interrogations vis-à-vis de Scorpius à la fois pour se concentrer sur son petit frère, et à la fois parce qu'elle souffrait de penser au jeune homme.
- Il a dû en avoir marre d'attendre que je me décide. Et puis, avec toutes les pimbêches qui lui tournent autour... Bref, de toute façon, ce n'est pas ça le plus important. Pas avec papa et toi qui...
Rose s'interrompit brusquement. Elle baissa les yeux sur sa chope de bièraubeurre. En face d'elle, Hermione fronça légèrement les sourcils avant d'inspirer longuement.
- Rose. D'abord, je ne pense pas qu'il « en ait eu marre d'attendre ». N'oublie pas que ce ne sont que tes suppositions. De ce que tu m'as dit, il a été extrêmement prévenant et il tient beaucoup à toi. Et puis, en seulement deux minutes passées avec vous deux, s'il y a bien une chose que j'ai remarqué, c'est la façon dont vous vous regardiez. Et regarde, encore une fois, il a été très compréhensif. Il a vu que tu étais gênée, il a vu que tu voulais être seule avec moi, et il a respecté ton choix. Je pense que toutes ces pimbêches, comme tu dis, il s'en fiche complètement. Ensuite, en ce qui concerne ton père et moi...
La sorcière reprit une profonde inspiration.
- Je sais que ça te touche énormément. Je sais que ça te fait du mal. Mais je refuse que ça t'empêche d'avancer dans ta vie. Nos problèmes restent nos problèmes, même si je sais qu'ils ont aussi un impact sur Hugo et toi... Ton père n'aurait pas dû envoyer cette lettre. Elle n'a fait que vous blesser...
Les enfants Weasley avaient assisté à la rapide dégradation de la relation entre leurs parents pendant l'été. Ron et Hermione s'étaient efforcés de ne pas trop le leur montrer, mais Rose et Hugo n'étaient pas aveugles et avaient noté la froideur de leurs échanges, les répliques cinglantes qui fusaient de temps à autre. C'était cependant au mois de novembre, peu de temps après le match Gryffondor-Serpentard, que tout avait basculé, quand Rose avait reçu la lettre de son père l'informant qu'il était au Terrier.
- Comment... comment ça va entre vous ? interrogea timidement la jeune fille. Mamie m'a dit qu'il était rentré...
- Ça va mieux. On réapprend à vivre ensemble, à communiquer. Luna et Rolf nous ont embarqué pour un weekend en pleine nature, histoire de nous « ressourcer » et nous « faire communier avec la nature pour harmoniser notre quotidien ».
Rose ne put s'empêcher de pouffer de rire. À la rentrée de janvier, Albus lui avait dit que ses parents cherchaient à leur organiser un weekend avec le couple Dragonneau, mais elle n'avait pas eu le fin mot de l'histoire. Il était difficile de faire des couples plus différents que les Weasley et les Dragonneau.
- Ça devait être drôle ! s'esclaffa-t-elle.
- Assez, oui. Surtout quand ton père s'est retrouvé à poursuivre des lutins de Cornouailles, la rejoignit Hermione dans son hilarité.
Elles rirent de concert et Rose vit le regard de sa mère s'attendrir.
- Tu l'aimes toujours... ?
- Oh ma puce, bien sûr que je l'aime toujours. Et pourtant, Merlin sait ce qu'il m'agace !
La jolie rousse esquissa un sourire. Voilà une phrase que Scorpius aurait pu dire à son sujet.
Quand il fut l'heure de retourner à Poudlard, Hermione accompagna sa fille jusqu'au portail qui délimitait le domaine de l'école. Son regard se perdit sur le lac et l'arbre sous lequel elle s'était assise avec Harry et Ron, les serres et la cabane de Hagrid, le château et ses hautes tours. Une bouffée de nostalgie la prit à la gorge. À ce paisible paysage où elle avait connu l'amitié et l'amour se superposait une image dévastée où gisaient des corps inertes, dont le chemin était jonché de gravats et où résonnait la douleur. Elle chassa de son esprit cette vision de cauchemar. La guerre était terminée et le futur était encore à construire.
Elle se tourna vers sa fille. Comme lorsqu'elle l'avait retrouvé, elle posa sa main sur sa joue avec amour et lui sourit tendrement.
- N'oublie pas de réfléchir à ce que je t'ai dit. Et, Rose, parfois... parfois le vrai courage, c'est accepter d'être vulnérable.
Hermione savait que Rose était forte. Elle savait qu'elle pouvait soulever des montagnes pour ceux qu'elle aimait, qu'elle pouvait remuer ciel et terre pour ses convictions. Mais elle savait aussi qu'à trop vouloir être invincible et tout maîtriser, elle risquait de passer à côté de grandes choses. Rose avait peur de lâcher prise, d'accepter ses sentiments pour Scorpius. Mais l'amour n'était pas aseptisé, il était fougueux et sans contrôle. Et la vulnérabilité ne signifiait pas être faible, mais plutôt choisir de s'exposer à l'autre en lui offrant sa confiance.
Rose hocha la tête, sans parvenir à prononcer un mot sous peine de pleurer.
- Et on se revoit bientôt. On pourra discuter ou juste être ensemble, en silence.
Elles s'étreignirent à nouveau pendant plusieurs minutes puis Rose se détourna pour rejoindre le château. Après quelques pas, elle entendit un crac et quand elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, sa mère avait disparu.
Avec tout ça, elle avait oublié de lui demander pourquoi elle n'avait jamais disputé une partie de Quidditch avec le grand Viktor Krum.
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Et voilà le fameux chapitre avec Hermione! Je croise les doigts pour qu'il vous ait plu!
Sinon, j'avais des problèmes pour écrire depuis quelques temps... mais sachez que j'ai réussi à écrire l'épilogue et il ne manque plus que le dernier chapitre, que j'ai commencé hier soir, et L'Enfer est pavé de pommes sera bel et bien terminé. J'ai encore quelques semaines avant que ça ne devienne franchement problématique pour la publication, mais je garde espoir ;)
J'espère que vous passez un bel été, on se retrouve dimanche ♥
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