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Bonne lecture 🖋️✨
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Je suis désolé, Théa. Mais je ne peux pas.

Ces neuf mots tournent encore et encore dans ma tête, sans vouloir s'arrêter. Je tente de les faire s'effacer en courant le plus vite possible, malgré mes jambes flageolantes et mon corps tremblant, en direction du studio de danse. Ses pas s'éloignant sur le lino du self. Je me change dans les vestiaires et pénètre dans la salle remplie de cinq danseuses en plein étirements, pointes aux pieds et vêtue de ce rose bonbon qui m'avait tant manqué. Ma jambe faible se tend puis se pose sur la barre dans un geste gracieux qui m'étonne beaucoup, je me plie en deux pour habituer mon corps à ces sensations qui me manquaient beaucoup trop. Après une trentaine de minutes de travail, de milliers de pliés-dépliés pour faire travailler mes chevilles, je m'accorde une pose et m'assois dans un coin de la pièce, ma gourde et mon sac à la main. Je porte l'une à ma bouche et fouille dans l'autre pour en sortir mon journal, accompagné de son fidèle stylo. L'esprit plus léger, je le laisse courir sur une page vierge, mais rapidement, il refuse de bouger, et je contemple les mots qui se sont tracés d'eux mêmes sur le papier.

Je ne peux pas. Mais enfin, qu'est-ce qu'il manque pour que tu puisses ?

Je laisse reposer ma tête contre le mur, paupières fermées, essayant de déterminer ce que j'ai fait de mal. Son air était si attristé... On aurait dit qu'il s'interdisait de revenir moi. Comme s'il... y était contraint. Je déglutis bruyamment, repoussant l'idée qui commence à se former dans mon crâne. C'est impossible. Je refuse d'y penser. Poussant un soupir qui me semble infini, je rassemble mes affaires et file me changer, pour les cours qui vont probablement reprendre très vite. Mes pensées tournent à plein régime lorsque j'avance sur le sentier me ramenant vers le bâtiment principal. Je suis ballottée entre les paroles de Brian, la crainte de ce que j'imagine et le souvenir de ma dispute éclatante avec Luna. Si c'est elle qui a décidé de s'en aller la dernière fois que nous avons été en contact, chez moi, c'est de ma faute, par mon égoïsme et le coup de choc qu'avait été ma rupture violente avec mon ami le plus cher. Elle avait voulu savoir ce qui se passait... J'étais incapable de faire remonter les souvenirs pour lui expliquer ce qui s'était passé tellement c'était douloureux. Je lui avais crié dessus et... elle m'avait imitée, avant de disparaître.

En l'apercevant seule au bout du couloir, près de son casier, je croise les doigts pour qu'elle accepte de m'écouter et qu'elle ne me repousse pas tout de suite... Elle pivote sur ses talons en rejetant ses cheveux en arrière et en replaçant son bandeau, mais interrompt son mouvement lorsque nos regards se croisent. Quand une personne le bouscule, je réalise que je suis immobile, et qu'aucune de nous ne bouge. Je décide alors de m'avancer vers elle pas à pas, elle continue de me regarder sans bouger, les sourcils levés au ciel d'un air coupable et timide à la fois. J'arrive à sa hauteur et esquisse un petit sourire gêné, mes ongles s'enfonçant dans mes paumes pour me donner du courage. Je relève les yeux vers son visage, m'apprêtant à prendre la parole, mais elle me devance en me serrant dans ses bras à m'en couper le souffle.

- Tu m'as manqué, souffle-t-elle près de mon oreille et ses larmes mouillent mon cou alors que mes mains l'enserrent à leur tour.

- À moi aussi, lui avoué-je en reniflant. Je suis désolée, chuchoté-je en lui frottant le dos.

- Je le suis encore plus. Esther m'a expliqué... Je m'en voulais tellement que je n'ai pas eu le courage de revenir te voir. Je suis partie au moment où tu avais le plus besoin de moi, renifle-t-elle. Je suis horrible.

- Tu es la meilleure des amies que je n'ai jamais eu, Lù, tu es tout sauf horrible, la rassuré-je en laissant libre court à mes larmes sur son épaule. Merci. Merci de ne pas m'en vouloir.

Elle recule pour poser son front contre le mien, essuyant ses yeux du plat de la main. Son petit doigt se tend vers le mien, je le crochette avec un sourire, et nous reprenons nos sacs pour nous éloigner vers notre cours de littérature commun.

Un poids semble s'être ôté de ma poitrine et me laisse soudainement respirer convenablement, ce qui n'empêche pas mes pensées de retourner vers Brian et la probabilité qui me hante, ce qui noue ma gorge.

C'est impossible.

Jamais il ne ferait ça.

Ce n'est pas son genre.

Et puis... il l'a déjà fait une fois ! Comment suis-je censée lui faire confiance sur ce sujet à présent ?

Je frémis en essayant de me concentrer sur le professeur devant moi. Impossible. Mon regard erre vers la fenêtre et le vent qui déforme les arbres au-dehors. Mon genou tressaute et je ne cesse de mordiller ma lèvre et de torturer ma paume avec mes ongles. Luna, à ma gauche, semble le remarquer car je reçois une boulette de papier sur mon bureau, et elle me jette un regard entendu en la désignant, sourcils froncés d'inquiétude. Je la rassure en haussant nonchalamment les épaules, mais déplie le message pour laisser mes yeux le parcourir.

T'as intérêt de me dire ce qui va pas, parce que je commence à me faire du souci, Théa.

Je l'observe en me mordillant l'intérieur des joues, les paupières papillonnant. Son regard inquisiteur m'incite à m'exécuter, et je déglutis en lui confiant mes appréhensions.

Brian a refusé d'accepter mes excuses en me disant qu'il ne pouvait pas faire ça. J'ai peur que quelqu'un l'ait obligé à lui obéir sous peine de quelque chose...

Je lui renvoie et ses prunelles lisent les lignes à la vitesse de la lumière avant de me regarder en fronçant les sourcils pendant cinq secondes. Puis, son regard s'éclaire brusquement, pour luire d'une lueur craintive. Elle ouvre des yeux grands comme des soucoupes, l'air choqué, et je comprends qu'elle est arrivée à la même conclusion que moi.

Ce qui m'amène à penser que ce n'est pas une idée impossible...