Pensez à voter mes étoiles ! 🩰📖
Bonne lecture 🖋️✨
🍀

Un sursaut me secoue tout entière quand quelqu'un me secoue par l'épaule. Je cligne des paupières avec panique, regarde mon entourage, je suis dans une petite pièce rectangulaire, allongée sur un canapé, dans l'arrière-cuisine de la boulangerie.

Les souvenirs mettent du temps à refaire surface, et c'est alors que j'avale une gorgée d'eau que je me rappelle la jeune fille blonde en talons qui, après que le garçon se soit en allé, était revenue vers moi pour m'étrangler de ses mains en me poussant contre le mur. J'avais dû m'évanouir entre temps... Quelle étrange situation !

La jeune femme qui m'a servie tout à l'heure me pose des questions à voix basse, je secoue doucement la tête de droite à gauche pour tenter de retrouver les perceptions de mes sens, c'est douloureux et je grimace. Soudain, ses paroles résonnent à mes oreilles quand mon ouïe daigne revenir à elle.

- Dis-moi où tu habites, je peux te raccompagner en voiture, je comptais fermer plus tôt aujourd'hui, elle me confie avec un sourire terrifié.

Avec son aide, je me redresse, le sang affluant à mes tempes me donnant le vertige, et j'exécute quelques pas déséquilibrés.

- Tu pourras m'expliquer en chemin ce qui t'es arrivé, sourit-elle, et j'acquiesce lentement pour la rassurer.

Malgré la fatigue, je lui parle, à cette jeune fille nommée Esther qui ne doit pas être bien plus vieille que moi, aux cheveux rouges couleur de brûlé et aux prunelles brunes comme l'écorce d'un chêne du jeune homme, de celle qui l'accompagnait, qui est revenue pour m'agresser, et j'apprends que c'est une fratrie de mon âge et plus qui se sont vengés après une dispute entre bandes, sur une jeune fille en l'enlevant pour lui faire du mal. Apparemment, c'est une nouvelle qui a fait la une de leurs journaux... Elle me donne aussi des noms : Luna pour la victime, retrouvée rapidement par les secours, Clémence pour la jeune fille et Brian pour le frère. On se quitte peu après, et je promets de repasser lui rendre visite à la boulangerie.

La maison est en effervescence quand j'arrive, Matty court aux quatre coins pour préparer les affaires de Norah pour la rentrée. Haron est le seul à m'apercevoir et il m'offre son dos pour me transporter à l'étage sans autre forme de procès - et je ne le remercierai jamais assez de ne pas avoir posé de questions à cet instant précis, alors qu'une nouvelle vague de tournis me donne l'impression d'être ballotée par les flots des Caraïbes.

Il me dépose sur mon matelas, arrange les coussins sous ma tête et m'éteint la lumière en me promettant d'aller me chercher de quoi calmer la douleur de mon cou ainsi que la faim me prenant au ventre.

Lorsque mon grand frère me secoue l'épaule pour me sortir de mon sommeil le lendemain, je grogne, le corps tout entier courbaturé, mais lorsque je vois qu'il m'a apporté le petit déjeuner au lit, je me redresse entre les oreillers.

- Matty ne veut rien entendre, chuchote-t-il en me beurrant une tartine avant de la coincer entre mes dents à ma place. J'ai réussi à gagner du temps, mais tu vas devoir y aller, petite sœur...

- T'inchiètche, marmonné-je en frottant mes paupières.

Je palpe mon cou du bout des doigts, Haron m'inspecte, à la recherche des traces, mais il ne voit rien, ce qui ne m'empêche pas de grogner de douleur sous ses mains de docteur expert.

Une fois mon frère disparu, j'enfile ma tenue, une jupe rouge pourpre accompagnée d'un haut noir à volants, et maquille mon visage pour en gommer les imperfections. Mon reflet dans le miroir de pied en tête est satisfaisant, à mon goût, et avec un étirement de mon corps, je me rends compte que à cause des événements d'hier soir, je ne peux pas tourner la tête sur la gauche sans que cela ne soit douloureux. Mince.

Je jette mon journal rose au fond de mon sac à dos, vérifie que celui-ci contient tout ce dont j'ai besoin, puis descends les escaliers.

- Haron ! Je suis prête !

- Je suis dans la voiture, Sista ! me répond-il.

- On pourra passer à la boulangerie ? je lui demande en bouclant ma ceinture, après avoir constaté que nous avons dix minutes d'avance. Il faut que je me prenne un encas.

Esther n'est pas là, ce matin, je fais la moue mais achète le croissant prévu. Je crois que je n'ai jamais autant craint d'entrer dans un lycée que cette fois-ci. Je crains plus que tout de croiser la fameuse Clémence qui me terrorise, ou son frère...

Mais, courageuse, j'embrasse mon frère sur la joue - lui, bien sûr, produit un petit effet presque habituel chez les jeunes, avec son visage d'ange derrière les fenêtres teintées, ce n'est pas étonnant -, et me dirige au ralenti vers le bâtiment principal, rapidement escortée par une personne de l'administration sensée me guider à travers le dédale que sont les couloirs. Il m'ouvre la porte et me jette presque dans la gueule du loup.

La classe me regarde, le silence autour est complet et je peux entendre mon cœur battre à mes tempes ; j'ai peur. Je verrouille mon regard dans celui, d'un noir profond, d'une fille à la chevelure de la même teinte. Elle me regarde, un grand sourire sur le visage, l'air rassurant et confiant. Quand je vois qu'une place est disponible à ses côtés, mon cœur s'envole littéralement de soulagement.

Incitée par le professeur, je bredouille une présentation, je me trompe, mais ça fait rire la classe et me met à l'aise : ouf, ils n'ont pas l'air méchants. Je vais m'assoir à côté de la jeune femme, qui me donne son nom elle aussi :

- Bienvenue ! Moi c'est Luna, ou Lunie, ou Lù, comme tu veux ! On mange ensemble ce midi ? Je te fais visiter ?

Elle me bombarde de questions et je souris, soulagée de ne pas avoir à me retrouver seule dans cet océan de nouveauté.

- Ravie de faire ta connaissance, Lù ! Bien sûr, ça me ferait super plaisir !

Son prénom m'interpelle et j'interdis ma curiosité de lui demander si c'est bien elle qui s'est fait agresser par Brian. Si on devient amies et que c'est le cas, elle m'en fera part d'elle-même.

Je la contemple sur le côté, elle écoute le cours avec attention, le menton posé dans la main, et prend des notes de temps à autre. J'ai toujours tendance à vouloir cerner les gens lorsque je les rencontre. Luna a l'air apaisée et apaisante, et je suis sûre qu'elle a vécu quelque chose de dur récemment, qui a renforcé cette apparence d'elle qu'elle laisse paraître devant les autres. Je suis vraiment obsédée par les masques, moi qui en porte systématiquement.

Mes yeux se portent ensuite vers l'extérieur, ma jambe tressautant sous mon bureau et mon stylo battant la table avec énergie. J'ai besoin d'aller faire un tour. Je dois sortir, j'ai toujours autant de mal à rester enfermée.

- Théodora ! m'interpelle le professeur de mathématiques, me faisant sursauter. Être nouvelle ne vous empêche pas d'être attentive !