Renforts
J'étais seul. Ou presque, puisque Fritz était resté dans la voiture.
Caché sous les frondaisons, j'avais observé l'ambulance jaune et blanche embarquer Rose et sa tante Maé. Lors de mon appel, j'avais prévenu les secours qu'une vieille femme avait été blessée, mais que sa nièce nécessitait aussi des soins.
J'espérais qu'elle ne m'en voudrait pas trop. Je savais d'expérience que les shamans et la médecine allopathique ne faisaient pas bon ménage. Mais, je n'avais pas le choix. La drogue qu'elle avait prise lui avait sûrement permis de pousser son organisme dans ses derniers retranchements, mais elle avait dû en payer le prix.
Pour ma part, j'avais enfin le champ libre et je comptais bien en profiter.
Fini cette plongée en apnée et à l'aveugle dans cette guerre de sorcières !
On n'allait pas la faire à un vieux loup de plus de trois-cent-soixante ans !
Dans l'immédiat, j'avais besoin de rassembler mes esprits afin d'y voir plus clair dans ce puzzle ésotérique. Depuis que la Salémite m'avait piégé dans le restaurant, tout était allé beaucoup trop vite. Alors de un, il fallait que je fasse une mise au point, et de deux il fallait que je contre-attaque avant de finir « dans la soupe » comme aurait dit Rose.
Pour ça, deux choses me manquaient. Un chargeur pour mon iPhone — en espérant qu'il ne soit pas brisé — et un ordinateur avec un accès à Internet.
Bon, j'avais du mal à imaginer Tante Maé surfer sur la toile, faire des « duck face » sur chatroulette ou animer une chaîne YouTube. Mais d'après ce que m'avait dit Rose, son fils vivait ici. D'ailleurs, je lui étais redevable d'un T-shirt et d'un Lévis 501... et aussi de nouveaux habits que j'allais bientôt lui emprunter.
J'ai été surpris par l'intérieur du Chalet. J'ai tout de suite remarqué que quelque chose clochait.
D'habitude chez les personnes âgées, c'est envahi de souvenirs, de photos, de vieux meubles, d'objets qui nous content des histoires et des anecdotes.
Ici, c'était le vide complet. Une sobriété dans l'aménagement à rendre jaloux un adepte de feng-shui. Même le frigo crevait de faim, c'est pour dire. À se demander si la vieille vivait vraiment ici ou si c'était juste un lieu transitoire. Une mémé agent secret peut-être ?
À l'inverse la chambre du fils était un dépotoir, un véritable antre de geek. Un matelas king size sans sommier se partageait le sol avec des sacs de chips éventrés, des magazines people, quelques livres — des polars de poche — des chaussettes et des... slips.
Rose !
Je me suis précipité vers les tiroirs bondés d'habits qui jaillissaient de la commande en pins.
Principalement des T-shirts. Mais j'ai découvert des pantalons de jogging bien large et une bonne dizaine de boxers propres.
Je n'ai pas pu m'empêcher de rire.
Bien sûr qu'elle l'avait fait exprès ! Un jeans 501 et pas de slip ! Et encore c'est parce qu'il n'y avait pas de coupe Skinny.
Par chance, sur la commode, il y avait aussi un iPad et un chargeur.
Je me suis habillé — jogging Everlast — et j'ai branché mon iPhone sur le secteur. J'ai soupiré de soulagement lorsque j'ai vu le petit icône de pile vide apparaître sur l'écran. Une chose de faite.
J'avais aussi remarqué le bureau de gamer avec ses trois moniteurs bien alignés et la pléthore de périphériques qui encombrait l'espace. Souris à plusieurs boutons, joystick, clavier futuriste, webcam. Bien, cela voulait aussi dire que ce PC était connecté à Internet.
Je me suis installé sur une chaise design qui ressemblait à un siège de voiture de Rally et je me suis penché pour allumer l'ordinateur.
La tour de son PC ressemblait à un réacteur d'avion avec de gros ventilateurs sur le côté.
J'ai d'ailleurs cru qu'il allait décoller lorsqu'il s'est mis en route.
J'ai croisé les doigts pour qu'il n'ait pas Windows 10 et ses comptes protégés par mot de passe.
Ouf, c'était la version 7 et le système s'est ouvert sur un océan d'icônes réparties sur les trois écrans.
Bien, il ne me restait plus qu'à faire des recherches en attendant de pouvoir appeler les renforts.
J'ai lancé Google et tapé « Sorcières de Salem ».
D'après Wikipédia, les évènements dataient de 1692. J'avais trente-sept ans à l'époque et je vivais encore à Londres.
C'était plutôt factuel comme description. On y parlait de légendes amérindiennes détournées en propos satanistes, de procès en sorcellerie, de quinze condamnations. Mais rien sur les bûchers. Les condamnés avaient été exécutés par pendaisons ou écrasement de poitrine sous la charge de lourdes pierres.
Ça ne collait pas avec ce que m'avait dit Rose. Il devait y avoir une autre explication. Durant mon existence, j'avais pu constater que la réalité et l'histoire avaient souvent tendance à diverger et dès que le surnaturel s'en mêlait c'était encore pire. L'être humain avait besoin de rationaliser. D'ailleurs, la conclusion ici, était que les « sorcières » avaient souffert de la maladie de Huntington. Mouais.
J'ai tapé à nouveau sur le clavier couvert de miettes et pioché machinalement un chips dans un des paquets qui jonchaient le bureau.
Il fallait que je trouve.
J'ai grimacé lorsque j'ai enfourné le chips dans ma bouche. Il était pâteux et moisi.
J'ai recraché les morceaux et me suis essuyé les mains dans un des Kleenex qui traînait.
Une vibration m'a indiqué que l'iPhone était fonctionnel.
Bien, j'allais pouvoir contacter Charles et demander l'aide de Graziella.
— Il est-tu don ben bizarre ct'icône là, là !
J'ai fait un bond sur le siège.
Fritz venait juste d'apparaître derrière mon dos.
— Tu fais quoi ici ? T'es pas dans la voiture ?
— J'm'ennuyais dans l'char. C't'un bon setup de gamer ! Je peux-tu ?
— Tu peux quoi ?
Il avait les yeux d'un enfant face à un nouveau jouet.
— M'amuser un peu !
J'ai haussé les épaules.
— Pourquoi pas, il faut que j'appelle quelqu'un.
Bon à cette heure-ci en France, Charles devait être dans son laboratoire et certainement connecté avec un casque à son PC. Pour le contacter, Skype restait la meilleure option.
— Tu peux me donner le Wi-fi, ai-je demandé à Fritz.
Il a juste posé sa main sur mon iPhone et dit :
— Check, je viens de le configurer.
Wôw. Je comprenais pourquoi Rose le trouvait utile.
— Hey, pendant que tu y es, tu pourrais me faire une recherche sur les sorcières de Salem ? Mais dans le genre plus underground.
—Genre browser onion et Tor network?
J'ai grimacé. Il me parlait chinois. Pour moi, Thor était un héros de Marvel ou un dieu scandinave.
— Genre, trouve-moi des trucs louches... ai-je répondu.
Il a réajusté sa casquette et grogné de satisfaction.
Bon. Charles était connecté. J'ai lancé l'appel.
— Tabarnak ! C'est donc ben louche ct'affaire là !
Je me suis redressé.
– Quoi t'a trouvé quelque chose ?
– Un folder sur le PC, encrypté.
J'ai regardé l'écran de l'iPhone, appel en absence.
– Tu peux faire quelque chose ?
Il m'a regardé un sourire aux lèvres.
– Déjà fait.
Il a ouvert le dossier. Des photos.
– Criss de Tabarnak !
— Putain de merde ! ai-je répondu
J'étais médusé. Je n'ai même pas entendu l'appel de Charles.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro