Monstre
L'Alpha a reculé et montré les crocs. Mais c'était un geste de façade, sa férocité s'était mue en une peur sourde ; seuls son instinct territorial et la dominance qu'il voulait maintenir sur sa meute l'obligeaient à me faire face. Les trois autres loups, plus petits, l'ont rejoint. Ils ont grogné à leur tour, mais leurs queues rabattues entre leurs jambes trahissaient leur terreur.
Et ils avaient raison d'être effrayés.
La rage, ce monstre affamé que j'avais mis tant d'années à maîtriser, hurlait depuis les profondeurs de mes entrailles et mon corps de loup résonnait sous la force de son cri. La femme en noire devait sourire, elle aurait son tribut ce soir. Car devant moi je ne voyais plus qu'artères, veines, os et chair. De la viande que j'allais mordre et déchiqueter.
J'ai attaqué sans prévenir et bondi sur le chef de meute toutes griffes dehors. Ma croupe a embarqué une partie du porche et des planches de bois ont craqué sous mes pattes arrière.
Un des jeunes loups a été rapide et s'est interposé au dernier moment. Il fait barrage de son corps pour protéger l'Alpha de ma charge meurtrière.
La bête a jappé de douleur lorsque mes griffes se sont agrippées à son poitrail et que ma gueule s'est logée dans sa gorge.
Ma mâchoire s'est refermée sur sa jugulaire et le goût ferreux du sang a envahi mon palais.
Quelques soubresauts plus tard, il pendait, accroché à mes crocs, comme un pantin désarticulé.
Un de moins. Restais trois.
Des cris de peur et de rage ont précédé le concert de pistolets et de fusils. Une nouvelle fois, une pluie de plomb s'abattait sur moi.
Mais c'était comme si une volée de moustiques s'était écrasée sur un pare-brise.
L'odeur acre de la poudre et le bruit assourdissant des coups de feu m'avaient causé plus de tort.
D'un mouvement de cou, j'ai expédié la carcasse du loup vers une des Harley. Sous l'impact, les motos sont mises à tomber comme des dominos.
Les motards humains ont lâché leurs armes et se sont précipités vers leurs véhicules. Ils avaient compris que cette bataille les dépassait et que la fuite était leur seule option.
Je n'ai pas tenté de les poursuivre.
J'avais d'autres « chats » à fouetter. Trois loups.
L'Alpha et ses sbires n'engageaient pas le combat et préféraient rester à distance. Ils traçaient des cercles autour de moi et cherchaient désormais une faille dans le tank de muscles qui leur faisait face.
J'ai donné des coups de patte pour en saisir un alors qu'il passait à proximité.
En vain, ces Adlets étaient des loups rapides. Il a bondi en arrière et repris sa course.
Mais j'avais l'avantage de la puissance... et je ne m'étais pas encore abandonné à la rage primale.
Je ne casserais le verrou qui la maintenait en cage qu'en cas d'absolue nécessité.
Leur attaque m'a pris de court. Les trois bêtes ont sauté sur moi en même temps. C'était une charge synchronisée.
D'un coup de patte, j'en ai fait voler un. Il a fini au sol quelques mètres plus loin, quatre griffures lui marquaient le thorax.
Un autre m'a mordu au flanc, assez pour m'arracher un jappement de surprise.
Mais c'est l'Alpha qui m'a fait le plus mal. Il a réussi à m'atteindre au niveau du cou, et ses crocs tentaient de se frayer un chemin vers ma carotide.
J'ai tenté de me débattre et des les choper avec ma gueule, mais ils avaient bien calculé leur coup. Mes mâchoires claquaient dans le vide alors que leur prise restait ferme.
Alors, je me suis redressé et pris appui sur mes deux pattes arrière. J'ai bondi en avant, puis plongé la tête la première vers un des gros érables plantés dans la cour.
Des racines sont sorties de terre lorsque j'ai percuté le vieil arbre. Le chef de meute a volé dans les airs en embarquant un morceau de ma chair et quelques poils dans sa gueule. L'autre loup a lâché sa prise, non sans laisser une belle trace de morsure dans mon flanc ensanglanté.
Je me suis retourné et je l'ai vu rejoindre l'autre Adlet, celui que j'avais blessé.
Je ne sais pas si c'est la douleur, l'adrénaline ou l'odeur du sang, mais ma vision s'est voilée.
Tout ce dont je me souviens, ce sont les grognements, les jets carmin, la frénésie des mâchoires, les gargouillis et les hurlements.
Et puis, le son de ma propre respiration qui diminue alors que le rouge quitte mes yeux.
Il me semble avoir repris connaissance alors que ma truffe baignait dans une carcasse de loup éventrée.
Mais c'est une voix humaine qui m'a sorti de ma transe meurtrière.
— Hey ! Regarde voir un peu par là l'étranger !
L'Alpha.
Ce lâche avait profité de mon acharnement sur sa meute pour s'éclipser.
J'ai fait volte-face. Et je me suis figé sur place.
Il avait repris une forme semi-humaine. Un large sourire sadique lui déformait le visage. Le sourire d'un vainqueur.
Il se tenait derrière Rose. Un de ses bras noueux la maintenait prisonnière tandis que ses griffes effilées comme des rasoirs étaient posées sur sa gorge.
— Check ben ça, mon tabarnak ! Tu vois ta blonde, jva l'égorger comme une truie.
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