Jour 1
J'ai peu de souvenirs de mon enfance. Tout ce que je sais, c'est que les autres ont toujours pensé que j'étais l'enfant de la prophétie, parce que mes parents étaient morts à ma naissance et que j'avais l'ouïe assez fine pour avertir le camp en cas d'attaque soudaine d'une volée d'oiseaux. Dans la presque obscurité constante due à l'éloignement du Soleil depuis près de vingt ans, nous sommes leurs proies. Le froid détruit la plupart de nos plantations, celles qui résistent au manque de lumière, et nos villes disparaissent lentement sous le poids de la neige et l'érosion. Les seuls animaux qui ont su s'adapter rapidement ont été les oiseaux, et quelques insectes. Même eux finiront par disparaître. Quand à nous humains, nous ne sommes plus que quelques milliers, et chaque jour nous subissons de lourdes pertes.
Mais je vais laisser tout ça derrière moi. Même si je suis Naël, l'enfant de la prophétie -ce qui est si peu probable- , je ne sauverais personne ; ce qui arrive devait arriver, nous n'y avons rien pu et n'y pourrons rien. Parce que je l'ai décidé, l'espèce humaine va ironiquement disparaître après avoir perpétré des millénaires de destruction. Et ça ne me fait ni chaud ni froid.
Voici donc un jeune de neuf ans qui s'en va dans la forêt enneigée, loin de la chaleur de son foyer, pour mourir de froid loin du regard des autres et les condamnant peut-être. Avant l'ère du Désert, on en aurait fait un film.
Comme il est déjà le milieu de l'après-midi, la nuit tombera bientôt, et mon sort sera scellé. Je sais pertinemment que je ne survivrait pas à une seule nuit dans les étendues gelées. J'ai pourtant emporté plusieurs jours de nourriture avec moi. Claudia, ma tutrice, m'aurait sûrement dit que c'était dû à mon optimisme. Mais je ne suis pas un optimiste. Je vais mourir, et ils réaliseront bien que la prophétie disait n'importe quoi. Je marche, perdu dans mes réflexions.
Quand le ciel commence à s'assombrir, afin s'assombrir est un bien grand mot puisque qu'il n'est jamais clair, je me rends compte du froid qui attaque l'intérieur de mon corps. Je repense à la chaleur du feu au campement, et ma détermination vacille. Même si je ne peux pas sauver tous les hommes, même si je déçois ceux qui croyaient en moi, je pourrais vivre encore. C'est tellement beau de vivre. Qu'est-ce que j'ai fait ? Je me suis enfuit sur un coup de tête, comme j'en ai tous les jours. Je dois absolument faire marche arrière. Trop tard, souffle la petite voix dans ma tête. J'ai eu ma chance.
Une tempête de neige se lève, alors que je tente désespérément de retrouver mon chemin, celui que j'emprunte depuis des heures. Mais entre le noir, le froid et la neige opaque, je ne réussit qu'à me perdre plus loin encore. Je suis un imbécile. Je m'en veut tellement. Je dois absolument retourner chez moi, avec mes amis et tous les autres. Trop tard, souffle la petite voix dans ma tête. Elle commence déjà à m'énerver. Je ne veux plus mourir.
J'aimerais trouver la dernière force pour réparer mon erreur mortelle, celle qui me sauvera par miracle. Je sens mon corps se recroqueviller dans la neige, et reste là, prisonnier d'un linceul de glace tourbillonnant.
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