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4 - Voix du passé

Une heure plus tard, alors que l'aube pointait à l'horizon, je regardais Holmes s'éloigner depuis la fenêtre de notre salon.

Le cœur serré, j'attendis qu'il ait disparu au coin de la rue pour monter dans ma chambre, retirer la chemise de nuit que j'avais enfilé en faisant semblant d'aller dormir et mettre des habits passe-partout.

J'avais peu d'espoir de réussir à lui cacher le fait que j'étais sorti en son absence, mais je n'avais pas le choix. Il fallait que j'agisse.

Je laissai un mot pour Madame Hudson afin qu'elle ne prépare pas de petit déjeuner, puis je glissai mon revolver dans la poche de mon manteau, attrapai ma canne épée et quittai Baker Street.

La ville était en train de se réveiller, tandis que le soleil étirait paresseusement ses rayons dorés. Les rues étaient encore silencieuses, seulement animés par les travailleurs matinaux et les petits marchands de journaux installant leurs présentoirs. J'arrêtai le premier fiacre venu et lui donnai une adresse que j'aurais préférée ne jamais prononcer de nouveau.

À huit ans, après la tragédie qui m'avait à la fois doté de double-vue et volé mon père, j'avais été placé dans un orphelinat. Un endroit horrible, plus destiné à exploiter les enfants en les faisant travailler qu'à les aider. Mais j'avais eu la chance d'y trouver un allié, un garçon ayant subi une expérience similaire à la mienne, Percy Phelps. Grâce à lui, j'avais su que je n'étais pas juste devenu fou. Car lui aussi pouvait voir les choses qui habitaient les ombres.

Nous étions rapidement devenus inséparables, et après avoir quitté l'orphelinat, nous nous étions mis à faire des recherches ensemble sur les monstres qui nous hantaient. À force de traîner dans les lieux les plus étranges et les plus mal famés, nous avions fini par rencontrer quelques-uns de nos semblables, et un petit groupe s'était formé.

Meredith Mcdown, une pauvre irlandaise ayant accidentellement assisté à un rituel occulte en cambriolant une maison avec ses frères, tous tués sur le coup par les Invocateurs. Sam Smith, le fil non désiré d'une esclave noire dont le père biologique, un lord abject, était versé dans la magie noire. Et Lady Penelope Darriane, une jeune noble dont la mère avait été internée après avoir soutenu en public qu'elle voyait des démons dans le noir. C'était Pénélope qui avait payé mes études de médecine, entre autre.

Le fiacre s'arrêta devant un luxueux hôtel particulier, dans une des rues les plus huppées de la capitale. Je sortis du véhicule, la gorge serrée, et payai le chauffeur en lui disant de ne pas m'attendre.

Percy, Penelope, Meredith et Sam avaient été ma famille. Nous avions vécu des années tous les cinq dans la grande demeure de Penelope, enquêtant ensemble sur les forces occultes qui avaient changé nos vies.

Et Percy avait été mon premier amour.

Mais plus les années étaient passées, plus j'avais voulu me détacher de cet univers de noirceur. Je voyais déjà des horreurs indicibles à longueur de journée, fallait-il en plus qu'elles occupent toutes mes conversations ? Fallait-il que je ne me définisse que par le mal qui m'avait été fait ? Je voulais exister parmi les vivants, je voulais évoluer dans la lumière, je voulais progresser, et je voulais être heureux.

Je m'étais éloigné, petit à petit. Nous nous disputions de plus en plus souvent.

Percy et moi avions rompu.

Je m'étais engagé dans l'armée.

Et après...

À mon retour à Londres, j'avais eu trop honte pour quémander de l'aide. Je leur avais envoyé un télégramme pour leur signaler que j'étais en vie, mais ils n'avaient jamais répondu, ni cherché à me revoir. Ça m'avait fait mal, comme une partie de mon cœur amputé. Après avoir rencontré Holmes, j'avais décidé que ce pan de ma vie était définitivement terminé.

Quel idiot, songeai-je en marchant jusqu'au perron, la gorge serrée. On n'échappe jamais réellement à son passé.

Ma main tremblait un peu, agitée à la fois de peur et d'espoir, de colère et de nostalgie. J'avais autant envie de les revoir que de m'enfuir, déchiré entre le désir de savoir ce qu'ils étaient devenus et la crainte de gâcher la vie que je m'étais trouvé.

Mais il y avait des corps atrocement mutilés à la morgue et un fou en liberté. Je n'avais pas le choix.

Je sonnai.

Un valet m'ouvrit presque aussitôt, apparemment peu perturbé par l'heure matinale de ma visite. Je lui donnai ma carte. Il l'inspecta quelques instants, puis hocha la tête et, au lieu de me faire attendre, comme je m'y attendais, s'écarta pour me laisser passer.

— Docteur Watson, salua-t-il solennellement.

— Vous... Vous m'attendiez ? balbutiai-je.

Il m'adressa un regard qui, en langage valet, signifiait clairement qu'il me prenait pour un imbécile.

— J'ai le regret de ne pas avoir été averti de votre visite aujourd'hui, Docteur, répondit-il aimablement. Mais lorsque j'ai été embauché dans cette demeure, j'ai reçu pour ordre, comme le reste du personnel, de toujours vous laisser entrer, si vous veniez à vous présenter. Lady Darriane se trouve dans la bibliothèque, avec Monsieur Phelps, Monsieur Smith et Mademoiselle Macdown. Souhaitez-vous que je vous y conduise ?

Mon cœur battait sourdement dans ma poitrine, m'envoyant des échos douloureux. J'avais craint qu'ils refusent de me voir... Et Penelope leur avait ordonné de toujours me laisser entrer ? Était-ce réellement le bienvenu ? Je n'aurais jamais cru que cela me toucherait autant.

Je pris une grande inspiration et hochai la tête.

— Menez-moi à eux.

Le valet s'inclina, me délesta de mon manteau et de mon chapeau – mais pas de ma canne – puis me fit signe de le suivre.

Marcher dans ses pas me donna l'impression de plonger dans un souvenir. La demeure de Penelope n'avait pas tant changé en dix ans. C'était les mêmes couloirs immenses, les mêmes tapis épais et les mêmes tapisseries aux murs. Au-delà du voile de la nostalgie, je vis tout de même sa trace dans le choix des décorations et le nombre de portes fermées, menant probablement à des pièces inutilisées. Elle n'était pas du genre à recevoir la bonne société.

Ayant toujours gardé un œil dans les rubriques mondaines, des fois que son nom soit cité, j'avais lu que son père était mort d'une crise cardiaque six ans plus tôt, lui léguant toute sa fortune. Son refus de se marier, ainsi que ses choix de compagnie et ses sujets d'étude, l'avaient rapidement exclu du beau monde.

Le valet s'arrêta devant la porte de la bibliothèque. Sans me laisser le temps de rassembler mon courage, il toqua, ouvrit, et fit un pas dans la pièce pour m'annoncer.

J'entendis des hoquets de surprise étouffé, puis un silence de mort.

Et enfin, une voix féminine disant :

— Faites-le entrer.

J'avançai presque malgré moi. Mon cœur se gonfla de joie, d'amertume et de nostalgie lorsque mon regard se posa enfin sur eux. Ils avaient changé et pourtant, je n'aurais pas pu ne pas les reconnaître, tant ils m'étaient familiers.

Percy était assis dans un fauteuil, un livre ouvert sur les genoux. Il était aussi svelte, pale et élégant que dans mes souvenirs, ses cheveux sombres soigneusement coiffés, ses habits de dandy trahissant l'intérêt qu'il portait à son image. Ses yeux étaient toujours aussi bleus, quoique ornés de nouvelles rides au coin des paupières, et il était toujours aussi beau.

À moitié assis sur son accoudoir, Sam prenait des notes dans un cahier, vêtu d'un costume modeste, presque aussi sombre que sa peau, faisant ressortir ses larges épaules. Il s'était arrêté, le stylo en l'air, en me voyant entrer. Près de la cheminée, Meredith s'était figée aussi, sa pipe à a main. Les flammes mourantes du foyer faisait ressortir ses boucles rousses et sa robe émeraude, un peu plus courte que ce que la décence préconisait.

Penelope était la seule à ne pas avoir la bouche ouverte et les yeux écarquillés de quelqu'un qui vient de voir un fantôme. Pourtant, à la façon dont elle me fixait, les mains nouées sur son ventre, je devinai son choc. Elle avait toujours l'air d'une lady, le menton haut et la posture altière, mais elle portait ses cheveux blonds scandaleusement court et sa robe orientale tranchait avec la mode du moment.

Le valet se retira.

Pendant de longues minutes, nous ne fîmes rien d'autre que nous fixer, constatant en silence le passage du temps, et cherchant désespérément un moyen de franchir cette insurmontable distance.

Puis Percy sauta sur ses pieds, laissa son livre tomber par terre et se précipiter me prendre dans ses bras.

— John !

L'espace d'un instant, la joie de le revoir chassa tout le reste et je ris en l'étreignant en retour tandis qu'il répétait mon nom, l'air aussi ravi que stupéfait.

— Par toutes les couilles de putes ! s'exclama Meredith, toujours aussi délicate, en s'approchant pour me serrer à son tour contre elle. C'est bien toi !

Sam rit en me tapant l'épaule, moins à l'aise avec les démonstrations physiques, mais le visage barré d'un immense sourire.

— Bon sang, John ! s'exclama finalement s'approchant. Nous nous demandions si tu nous contacterais à propos du Dépeceur, mais nous ne pensions pas que tu apparaîtrais comme ça à notre porte ! Laisse-moi te regarder... Ah, tu as pris du poids, enfin ! Tu étais toujours si maigre. Et la moustache te va bien...

Je sentais qu'elle se retenait de m'ébouriffer les cheveux, comme lorsque j'étais adolescent. Elle avait été une grande sœur pour moi, plus que mon propre frère de sang.

— Tu ne nous aurais pas amené ton détective, par hasard ? plaisanta Sam en regardant ostensiblement dans mon dos.

— Non, répondis-je sans réfléchir, il ne sait rien de... tout ça.

Il y eut un blanc, l'euphorie des retrouvailles commençant déjà à se flétrir.

— Tout ça, soupira Percy. Tu veux dire nous ou les choses ?

— Tout, répétai-je, la gorge serrée.

Percy joignit les mains dans son dos et détourna les yeux. En échos, je pus entendre les remarques qu'il m'avait lancé lors de notre dernière dispute. « Tu as hontes de nous. Tu ne veux plus faire partie de notre monde. Tu veux être comme les autres... »

« Les gens normaux, oui ! », avais-je dit.

Comment était-ce possible que de simples paroles brûlent encore, après tout ce temps ?

— Assieds-toi, déclara Penelope en m'adressant un sourire réconfortant. Je vais demander à ce qu'on amène plus de thé. Nous avons beaucoup de choses à nous dire.

Je hochai la tête et m'approchai d'un fauteuil, mal à l'aise. Mais avant que je l'atteigne, mon regard fut attiré par des livres familiers, sur une des étagères. Des reliées du Strand Magazine.

— Vous avez lu mes histoires ?! m'exclamai-je.

Meredith laissa échapper un petit bruit sardonique.

— Il nous demande si nous avons lu ses histoires, ironisa-t-elle en se tournant vers les autres.

— Non, enchaîna Percy sur le même ton, nous n'avons pas du tout suivi sa carrière d'écrivain mondialement connu et partenaire du grand détective Sherlock Holmes. Absolument pas. Pourquoi aurions-nous voulu avoir des nouvelles d'un ami d'enfance, après tout ?

Je souris tristement.

— Vous auriez pu me contacter...

— Et tu aurais pu nous écrire, contra Percy d'un ton légèrement plus sec. Nous habitons dans la même ville, après tout. Enfin, tu étais occupé par tes enquêtes, je suppose.

Je me laissai tomber dans un fauteuil en soupirant, puis, après un silence, j'avouais :

— Je ne vous ai pas écrit, c'est vrai... Mais j'ai aussi suivi ce que je pouvais de vos vies via les journaux. Et vous m'avez manqué.

Penelope soupira.

— Les hommes et leur fierté. Enfin, s'il faut un assassin dépeceur pour te pousser à nous retrouver... Eh bien, nous nous en contenterons.

Je voulus rire, mais le souvenir de l'autopsie et des photographies de corps me fit frissonner. Percevant ma réaction, les autres retrouvèrent immédiatement un visage grave.

Le valet, que Penelope avait sonné à l'aide d'un cordon, entra pour nous apporter des boissons et des gâteaux. Lorsqu'il se retira, le reste du groupe s'assit sur les fauteuils restant.

Penelope nous servit un par un, gardant en toute circonstance la grâce et la convenance d'une lady.

Enfin, ma tasse dans les mains, je me décidai à parler.

— Holmes a été mis sur cette affaire. Mais comme je vous l'ai déjà dit, il ne sait rien du monde occulte, et je me suis complètement tenu à l'écart de ce domaine ces dernières années. Que savez-vous du Dépeceur ?

— Pas grand-chose, malheureusement, répondit Meredith avec un soupir. Du moins, du Dépeceur en lui-même.

— C'est-à-dire ? m'étonnai-je.

— Cela fait quelques années que nous surveillons un nouveau groupe d'Invocateurs basé à Londres, expliqua Percy. Ils sont différents des petits groupuscules habituels. Nombreux, organisés, ils utilisent la magie pour commettre les pires forfaits. Nous n'avons pas réussi à identifier leur chef, mais nous savons qu'il prépare quelque chose d'important... Et d'inquiétant.

Meredith se leva pour se diriger vers un secrétaire et en retira un épais dossier, qu'elle me tendit. Je l'ouvris sur mes genoux. J'y trouvai des rapports de polices, des copies de textes anciens et des photographies d'objets divers. Je me demandai fugitivement comment ils avaient réussi à obtenir tout cela.

— Ces deux derniers mois, expliqua Penelope, de puissants artefacts ont été volés à travers le monde, à des musées ou à des sociétés secrètes. Nous ne savons pas ce qu'il veut en faire exactement, mais quand l'affaire du Dépeceur a éclaté et que nous avons entendu des rumeurs courir sur d'étranges symboles formés par les ombres des corps, nous avons tout de suite pensé qu'il y avait un lien.

Je hochai la tête.

— Je pense que le Dépeceur cherche à ouvrir une porte entre notre dimension et celle des choses, déclarai-je gravement.

Il y eut un blanc. Ils avaient tous blêmi, comprenant immédiatement l'horreur de cette possibilité. Du coin de l'œil, je vis les choses s'agiter dans l'ombre de mon fauteuil et je me demandai, pour la millième fois depuis mon enfance, si elles pouvaient nous comprendre.

Je pris une gorgée de thé, puis commençai à raconter tout ce que je savais des crimes.

Lorsque j'eus fini de parler, Penelope se leva, ouvrit une armoire et en sortit une bouteille de sherry. Elle en coula une généreuse lampée dans sa tasse de thé et fit circuler la bouteille, dont le niveau baissa rapidement. L'alcool était un réconfort facile, mais n'importe quel réconfort était à prendre, dans ce genre de situation.

— Que pouvons-nous faire pour les arrêter ? demandai-je.

Ils échangèrent des regards hésitants, et je sentis qu'ils étaient aussi perdus que moi. Je regrettai soudain douloureusement l'absence de Holmes. Il ne se laissait jamais dépasser, lui. Il avait toujours un plan, toujours une idée, même dans les situations les plus désespérées.

— Il y aura probablement une nouvelle attaque cette nuit, déclarai-je finalement. Notre priorité et d'essayer de limiter les victimes. Savez-vous de quoi le Dépeceur a besoin pour mener ses rituels ? Quels genres d'artefacts ont été dérobés, exactement ?

Percy ramassa le livre qu'il avait laissé tombé à mon arrivée et tourna quelques pages, à la recherche d'un passage en particulier.

— J'étais en train de faire part au groupe de mes récentes découvertes quand tu as débarqué, avoua-t-il en s'arrêtant sur une page. J'ai passé la nuit à fouiller dans les livres.

— Tu as toujours été doué pour les recherches, remarquai-je avec un sourire fugitif. Et donc, qu'as-tu trouvé ?

— Les trois artefacts volés correspondent à ceux qui sont utilisés dans un rituel extrêmement élaboré, expliqua-t-il. En plus de nécessiter ces trois objets, le rituel nécessite aussi trois sacrifices humains, ainsi que trois Invocateurs particulièrement puissants. Les formules sont si complexes que j'ai moi-même du mal à les comprendre. Les apprendre par cœur pour pouvoir les réciter correctement doit prendre des mois, et la moindre erreur serait fatale. Je pensais que le nom du rituel se traduisait par « franchir le seuil », mais après ce que tu viens de nous raconter, je pense qu'il s'agit plutôt de « détruire le seuil ».

Je déglutis. Mon regard dériva une nouvelle fois dans l'ombre de mon fauteuil. Les choses ne s'agitaient plus autant. Elles semblaient attendre, et c'était encore plus terrifiant.

— Mais dans quel but ?! s'exclama Sam, défait. Pourquoi ouvrir un passage aux pires cauchemars de l'humanité ?!

— Le pouvoir, répondis-je avec un soupir. Évidemment. Si des monstres déferlent sur le monde, celui qui saura les contrôler contrôlera l'humanité entière. Nous devons l'empêcher de refaire son rituel. Le plus efficace serait de détruire au moins un des artefacts.

Je tapotais le dossier sur mes genoux.

— Vu tous les rapports qui se trouvent ici, remarquai-je, je suis plutôt étonné de ne pas avoir croisé la route de cette organisation criminelle au cours des dernières années.

— Ils ne sont pas cons, ironisa Meredith avec sa délicatesse habituelle, ils ont dû faire bien attention à ne pas attirer l'attention de Sherlock Holmes dans leurs magouilles occultes.

Je hochai la tête pour lui concéder ce point.

— Il ne nous reste plus qu'à mettre la main sur au moins un de ces artefacts, conclus-je. Mais comment les localiser ?

— Un sortilège, répondit Percy d'un ton d'évidence.

Je lui jetai un regard surpris.

— Tu peux lancer des sortilèges ?

— Pas lui, me contredit Sam. Meredith et moi. Après ton abandon... Enfin, ton départ, nous avons décidé de nous diversifier un peu. Nous ne voulions plus être de simples observateurs. Nous voulions agir. Nous avons donc pris contact avec d'autres groupes d'initiés à travers le monde, et nous avons suivi des apprentissages. Percy est passé maître en plusieurs langages anciens, ainsi que dans la fabrication d'artefacts. Pénélope est désormais une spirite accomplie. Meredith et moi avons développés des dons en sorcellerie.

J'en restai pantois. Puis, au bout d'un moment, je remarquai qu'ils me fixaient avec un mélange de méfiance et de défis, et je réalisai qu'ils devaient penser que je les jugeai.

— Je suis très impressionné, avouai-je sincèrement. Vous avez des spécialités en magie, Meredith et toi ?

— Oui, avoua Sam en souriant, visiblement soulagé par ma réaction. Mais nous en parlerons plus tard, nous sommes un peu pressés, pour le moment.

Je hochai la tête et ne put retenir un coup d'œil en direction de l'horloge. Cela faisait une heure et demie que j'avais quittée Baker Street. Il était toujours impossible de prévoir les allers et venues de Holmes, mais il était probable qu'il rentre avant moi. Pourvu qu'il ne s'inquiète pas...

Mes amis se levèrent et, sans se concerter, commencèrent à pousser les fauteuils sur les côtés de la pièce. Meredith sortit d'une armoire une vasque en argent aussi large que mon avant-bras tandis que Sam étendait au sol une grande carte de Londres. Penelope sonna et pria son valet d'apporter un pichet d'eau « spéciale ». Percy posa le livre sur le tapis, à côté de la carte et de la vasque.

Vu leur organisation, ce n'était pas la première fois qu'ils suivaient ce genre de rituel.

Le domestique ne mit pas longtemps à revenir, munit d'une carafe au contenu si transparent qu'il se distinguait à peine. Il ne semblait pas particulièrement troublé par l'étrangeté de la situation.

— Eau purifiée, expliqua Meredith en versant le contenu de la carafe dans la vasque. Penelope, tu prends l'encre ?

La lady hocha la tête, ouvrit le tiroir de son secrétaire et sortit un flacon en argent, sans étiquette ni ornements. Les autres continuaient à s'activer, Percy ouvrant plusieurs grimoires au sol, Sam traçant des symboles à la craie sur les rebords de la carte.

Me sentant de trop, je me tins à l'écart, comme un spectateur qui serait monté sur scène avant la fin d'un spectacle.

Enfin, ils se placèrent en rond, à genoux, autour de la carte et de la vasque. Meredith et Sam se tenaient face à face, la vasque entre eux. Percy et Penelope encadraient la carte.

Percy me fit signe de m'asseoir à ses côtés et je m'exécutai maladroitement, m'appuyant sur ma canne pour me mettre à genoux. Cela faisait très longtemps que je n'avais pas été confronté aussi directement à l'occulte, et je devais avouer que cela ne m'avait pas particulièrement manqué.

Dans un silence de mort, Meredith leva l'encrier au-dessus de la vasque et laissa s'échapper trois gouttes sombres.

Elles heurtèrent la surface de l'eau sans le moindre bruit ni la moindre ridule. L'espace d'un instant, elles restèrent suspendues dans leur gangue translucide, trois petites billes rondes, immobiles.

Puis elles explosèrent en même temps et l'eau devint instantanément noire, si sombre que je m'attendis presque à voir les choses s'agiter à l'intérieur.

Meredith et Sam prirent une inspiration en même temps et se mirent à parler dans une langue qui ne ressemblait à rien d'humain. Les syllabes roulaient entre leurs lèvres comme des êtres vivants, et j'avais l'impression perturbante qu'au lieu de flotter dans l'air, les mots plongeaient dans la vasque, dont la surface ondulait au rythme de leurs intonations.

Les phrases se firent de plus en plus brèves, comme des ordres. Le liquide dans la vasque se mit à tourner à vitesse grandissante, formant un tourbillon assez profond pour laisser voir le fond, comme un œil rond, argenté, guettant dans l'obscurité.

Puis Meredith attrapa la vasque et la renversa sur la carte.

Mon cri de surprise s'interrompit brutalement, changé en hoquet stupéfait.

Au lieu de tout éclabousser, le liquide noir prit la forme d'un serpent long et fin, comme un fil de soie. Il glissa sur le papier sans laisser la moindre trace, puis frissonna et commença à s'enrouler sur lui-même, formant un cercle de plus en plus petit, de moins en moins épais...

Jusqu'à ce qu'il se fasse complètement absorber dans la carte, ne laissant qu'un rond noir de la taille d'un pouce.

Prince's street, commenta Percy, comme si tout ce qui venait de se produire était parfaitement normal. Ce n'est pas très loin.

Penelope hocha la tête.

— Je vais demander à Carson de nous faire des sandwichs. Nous les mangerons en chemin. Pas la peine de prendre le fiacre.

— Nous y serions un peu serrés, de toute façon, fit remarquer Meredith avec amusement.

Je les regardais à tour de rôle, ébahis par leur désinvolture, mais n'osant pas faire de remarque.

— Tu nous accompagnes ? me demanda Percy avec un peu d'appréhension.

Je jetai un coup d'œil vers l'horloge, songeant au retour de Holmes, puis soupirai et hochai la tête. J'étais venu pour trouver des réponses, après tout.

— Dieu soit loué, lâcha Meredith. Parce qu'honnêtement, on n'a aucune idée de ce qu'on fait. On a l'habitude d'enquêter sur des sorts et des artefacts centenaires, pas d'aller interroger des gens pour élucider des meurtres.

Sam lui jeta un regard irrité. Apparemment, il préférait quand j'avais l'air impressionné.

Je souris sans faire de commentaires et les aidai à ranger.

***

Notre petit groupe se mit tranquillement en route, Penelope et Meredith à l'avant, Percy et Sam juste après. Comme il était encore tôt, les trottoirs étaient presque vides dans les beaux quartiers. Au bout de quelques minutes, Percy ralentit pour se placer à côté de moi.

Nous nous observâmes du coin de l'œil pendant un moment, puis il sourit, à la fois triste et affectueux.

— C'est vraiment bon de te revoir, John, souffla-t-il.

— Toi aussi, avouais-je en imitant son sourire.

Il se tut un instant, puis se décida à poser la question qui lui brûlait visiblement les lèvres :

— Nous as-tu seulement contacté pour avoir des indices sur ton affaire ? Est-ce que lorsque tout sera terminé, tu nous ignoreras de nouveau, pour reprendre ta vie normale et tes enquêtes sans créatures occultes ?

Il n'y avait pas d'accusation dans sa voix, seulement un peu d'amertume.

Mon cœur se serra en songeant à Holmes. Si je continuai à voir Percy et les autres, mon détective finirait forcément par l'apprendre. Mais comment les lui présenter ? Comment concilier ces deux parts de mon existence ?

La solution de facilité serait de couper de nouveau tous les ponts. Mais ce n'était pas honnête de me servir des gens pour les abandonner après, et je n'étais plus le jeune homme rebelle et désireux de trouver sa voie que j'avais été.

Je posai une main sur l'épaule de Percy.

— Je ne sais pas exactement ce que je ferai, avouai-je, mais je ne disparaîtrais pas de nouveau, pas si vous ne le voulez pas. Nous avons dix ans à rattraper, après tout.

Il sourit, les yeux pétillants de joie, se retenant sûrement de me sauter au cou, comme il le faisait souvent avant. Le flegme anglais n'avait jamais été son fort. Sam jeta un coup d'œil par-dessus son épaule et son visage prit fugitivement une expression dure qui me troubla.

— J'ai vu que tu avais donné mon nom à un personnage de L'Aventure du traité naval ! s'exclama Percy, enjoué. Tu n'imagines pas combien j'ai été surpris de me retrouver soudain dans le Strand Magazine ! Et quand...

— Attends, l'interrompis-je d'un ton urgent. Ne te retourne pas, mais je crois que nous sommes suivis.


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