Chapitre 7
- Vous avez manqué notre séance de mardi Jade, me dit de but en blanc le Dr Peters.
Après le départ d'Ivan, je suis restée plusieurs jours à réfléchir. La question de mon retour à Saint Petersbourg m'effleurait l'esprit mais je l'avais vite chassé, impossible. Je n'ai pas fais tout ce chemin pour retourner dans les bras de mon bourreau, si? Il doit savoir qu'Ivan m'a informé de la nouvelle, j'ai peur qu'il s'en prenne à lui, il est capable de le tuer, même si c'est son frère.
Je regarde le Dr Peters dans les yeux pour la première fois. Il a quarante six ans, ses cheveux bruns sont grisonnants mais c'est un bel homme. Ses yeux sont d'un doux vert, apaisant et j'ai presque envie de lui parler ouvertement lorsque son regard accroche le mien, mais notre échange n'a duré que quelques secondes et je baisse rapidement le regard.
- Oui, je suis désolée.
- Vous avez eu un problème?
Il n'a rien, pas de carnets, pas de stylos dans la main, il ne prend pas de note comme le font certains psy et ça me rassure.
- Le frère de Dimitrei m'a trouvé et il m'a annoncé que dans deux mois il sera de nouveau libre.
Je ne sais pas quelle est sa réaction, mais il me répond très rapidement.
- Qu'est-ce que vous comptez faire?
Il me pose cette question sur un ton neutre alors qu'il connaît toute l'histoire. La première fois que je suis venue dans son cabinet, je lui ai raconté toute mon histoire, d'une traite et sans verser une larme. A la fin de mon récit, j'avais quitté précipitamment son bureau et je n'étais pas revenue avant trois semaines. Nous avions alors commencé les séances à mon rythme et je savais que j'avais trouvé la bonne personne.
- Je ne sais pas, j'ai pensé à retourner en Russie, les dégâts seront moins importants que si c'est lui qui se met à me chercher, dis-je.
- Vous pensez qu'il aura changé après tout ça? Qu'il est capable de vous pardonner?
Son ton n'est pas accusateur, mais je sais qu'il pense que les progrès que j'ai fais depuis le début ne sont peut être pas aussi importants qu'il le croit.
- Mon autre solution est de fuir, je ne sais pas si j'ai la force de le faire toute ma vie Dr Peters... Je ne sais pas si je peux survivre une deuxième fois à Dimitrei.
- Jade, je vais déroger à une de mes règles d'or et vous parler comme je le ferai si nous étions en fin de parcours vous et moi. Cet homme finira par vous tuer, littéralement, il l'a fait une première fois et vous avez puisez dans vos dernières forces pour revenir d'entre les morts. Vous méritez de vivre, vous méritez de respirer, de marcher librement sans surveiller vos arrières, de regarder un homme dans les yeux sans entendre la voix de cet homme vous l'interdire. Vous pouvez retourner en Russie, ce choix vous appartient, mais vous n'y survivrez pas, dans cette situation c'est soit vous, soit vous, il ne perdra pas chez lui, mais vous pouvez gagner et vous savez comment Jade, vous le savez...
***********
Dépression.
Les spécialistes étaient unanimes sur mon état, et les symptômes étaient nombreux. Insomnies, cauchemars, anxiété, tristesse, envie de mourir. J'étais épuisée, et ces changements d'humeurs n'aidaient pas. Andrei refusait que je prenne les traitements que les médecins me prescrivaient, il disait que c'était ce qui empirerait mon état et qu'il ferait tout pour que j'aille mieux, je me laissais faire.
Je m'étais réveillée dans ma chambre après avoir avalée toute la boîte de calmants. J'avais l'estomac retourné et j'étais complètement groggy. Andrei était là aussi et tout ce qu'il s'était passé revint me frapper en pleine figure.
- Oh Jade, tu es enfin réveillée, avait-il dit.
Il avaient les yeux fous, injectés de sang et plusieurs bouteilles d'alcools jonchaient le sol.
- Je suis désolé, c'est de ma faute. J'ai tué notre enfant, je l'ai tué, mais je te promets que la prochaine fois tout se passera parfaitement bien, je vais prendre soin de toi, c'est une promesse.
J'avais perdu un enfant, il était mort dans mon ventre avant d'avoir vu le jour, dans mon ventre...
Je n'avais pas d'autres solutions que d'abandonner, je n'avais plus la force et de toute façon, il avait raison, il savait ce qui était le mieux pour moi, il s'occupait de moi depuis toujours.
Andrei avait tenu sa promesse, il avait pris soin de moi à sa façon et j'étais maintenant une pauvre folle de seize ans dans une prison dorée. J'avais des crises de violences au début, je détruisais tout ce qui m'entourait et la solution qu'il avait trouvé était de m'aménager une pièce dans laquelle il n'y avait rien d'autre qu'un lit et un fauteuil fixés au sol. Après cela, j'étais devenue une épave, une épave triste, une épave qui passait ses nuits à hurler ou alors qui pleurait sans raison. J'avais tenté de mettre fin à mes jours, mais il n'y avait plus rien dans l'appartement qui me le permettait, rien auquel j'avais accès, Andrei y avait veillé.
Lorsqu'il venait abuser de moi, soit je me débattais en hurlant et il finissait par me mettre des lanières aux chevilles et aux poignets, soit je ne réagissais pas, les yeux dans le vide, je le sentais entrer violemment en moi et gémir en me murmurant des mots d'amour.
- Ya luyblyu tebya vsem serdstem (je t'aime de tout mon coeur).
Il essayait de me stimuler, il me faisait la lecture, me faisait écouter de la musique, regarder des films, mais rien ne se passait, rien du tout. Mon âme était comme morte, j'étais comme morte et la seule que je voulais, c'était mourir, m'évaporer et disparaître, comme mon bébé.
Un médecin venait me voir chaque semaine et conseillait à Andrei de me faire hospitaliser, il disait que je pouvais ne jamais retrouver mon état normal, que j'avais besoin d'une aide médicale. Que j'étais malade.
Pour une fois, il s'était montré plus attentif et avait décidé de me faire sortir. Au début, nous sortions très tard la nuit, les températures étaient plus douces en cette période d'août, mais les rues étaient calmes et c'était ce qu'il me fallait selon les médecins.
Je le suivais, comme un chien, parce qu'il me tirait doucement par la manche, le bras ou la main. Il me parlait, mais je n'écoutais pas, le souvenir de Gaby et Antony me hantait ces derniers jours. Qu'est-ce qu'ils devenaient? Est-ce qu'ils pensaient à moi? Mon père n'avait plus jamais appelé depuis qu'il m'avait raconté l'histoire de ma vie, pour la première fois depuis longtemps, je me rendais compte qu'ils me manquaient. Peut être que les choses auraient changé et que j'aurais fini par être moins malheureuse là bas.
- Jade, j'ai une surprise pour toi, m'avait dit Andrei un matin.
Je n'avais pas réagi alors il m'avait entraîné dans le salon et Tatiana était là.
- Jade! dit-elle avec tout l'enthousiasme qu'elle pouvait avoir malgré mon état.
Je devais être dans un état critique pour qu'il décide de faire appel à une amie du lycée, même si je ne me rendais pas compte de ma situation sur le moment.
Elle m'avait serré longuement dans ses bras, comme si elle voulait me transmettre des ondes positives.
- Je vais vous laisser discuter, je serai dans mon bureau.
Il m'avait lancé un regard menaçant puis il était parti en refermant la porte et je me retrouvai en face d'une fille qui avait été mon amie pendant quelques mois mais qui me mettait mal à l'aise aujourd'hui.
- Tu vas vraiment mal, constata t-elle. Tu penses que tu pourras revenir à la rentrée, après ta convalescence?
Ma convalescence? Je ne savais pas ce qu'avait dit Andrei pour expliquer mon absence, mais apparement c'était une histoire de maladie.
Je secouais la tête négativement.
- Tu nous manques beaucoup Jade, Alexei est très triste depuis ton départ. Il m'a demandé de te dire qu'il n'avait pas le choix et que tu comprendrais.
J'avais hoché la tête vaguement.
- Tu n'as pas loupé grand chose de tout façon. Ah si! Ana Riganov sort avec Boris Archavine, tu te rends compte? Je sais vraiment pas ce qu'il fait avec elle, elle est incapable de faire une phrase correcte!
Alexei était désolé, mais à quoi bon? Tôt ou tard la situation dans laquelle j'étais serait arrivée, Andrei savait ce qu'il voulait et je n'avais aucun moyen de lutter contre lui, je ne voulais pas de toute façon.
- Il y a le gala annuelle de la famille Romanov ce weekend, tu devrais venir! Ça va être géniale, et tu as besoin de sortir, tu es en train de dépérir ici. La famille Romanov est une des plus grandes familles de pays, je sais que vous êtes invités aussi, s'il te plaît Jade, viens, me supplia t-elle.
Elle s'était levée et s'était mise à danser autour de moi et j'avais souris sincèrement depuis plusieurs mois. Andrei était revenu dans la pièce en entendant le rire de Tatiana.
- Mr Baranov, je disais à Jade qu'il y avait le gala annuel et elle est d'accord pour venir, n'est-ce pas merveilleux?
Il me lança un regard étrange et me demanda:
- Tu veux aller au gala?
Si Tatiana n'avait pas été là, son regard m'aurait suffi à oublier cette idée instantanément, mais je ne savais pas pourquoi j'avais accepté, le destin surement, je devais y aller.
Le soir du gala, Andrei était en colère, il avait été particulièrement violent lorsqu'il avait passé la nuit avec moi, et surtout il n'avait pas prononcé un seul mot. Il m'avait étranglé pendant l'acte, et je n'avais pas lutté ce qui l'avait encore plus mis en colère. Il m'avait laissé tel quel, nue et amorphe, avant de revenir et de me border délicatement.
La robe qu'il m'avait choisi était magnifique, longue, en soie rouge bordeaux avec les épaules dénudées, les chaussures à talons étaient de la même couleur et une parure en diamant était posée sur ma table de chevet. Justyna était présente et s'occupait de mes cheveux et de mon maquillage sans que je n'oppose aucune résistance.
- Tu es très belle Jade, tu es avec moi ce soir, ne l'oublie pas, avait-il chuchoté en me mettant le collier autour du cou.
La soirée se déroulait dans une immense salle de réception. Andrei avait posé mon bras sur le sien mais au moment de rentrer j'eus un moment de panique. Il y avait beaucoup trop de monde, beaucoup trop de bruit et le changement était trop brutal, je n'avais pas l'habitude.
- Tu vas bien? me demanda Andrei. On peut faire demi-tour si tu veux...
J'essayais de me calmer et d'aspirer autant d'air que possible.
- Andrei Baranov? dit une voix derrière nous.
Andrei ne m'avait pas lâché mais il s'était retourné pour parler à la personne qui l'avait interpellé.
- Dimitrei, comment tu vas?
- Ça fait presque un an que je ne t'ai pas vu, tu as disparu du monde du travail! Je n'ai plus de concurrent à la hauteur, ça en devient presque ennuyant!
- J'ai du prendre quelques temps pour des raisons personnelles , mais ne t'inquiète pas nous sommes toujours numéro un!
Je n'avais jamais entendu Andrei parler sur ce ton rieur et taquin.
- Tu ne me présentes pas à la mystérieuse nouvelle Baranov?
Andrei me regarda quelques secondes, j'allais mieux mais je ne voulais pas rester au gala et je savais qu'il serait moins en colère si nous rentrions.
- Voici Jade, elle ne se sent pas très bien. Jade je te présente Dimitrei Romanov.
Je regardai l'homme qui était en face de moi et je fus brusquement submergée. Dimitrei était d'une beauté froide, ses yeux bleus perçants me sondaient et ses cheveux blonds était impeccablement coiffés.
- Bonsoir Jade, votre prénom est le reflet de vos yeux je suppose? dit-il en inclinant la tête pour me saluer.
Je ne pouvais lâcher son regard et je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait.
- Excuse là, elle est très timide, dit Andrei en exerçant une pression sur mon bras.
- Vous vous sentez bien? demanda t-il.
- Pas vraiment, elle est....
- Oui je vais bien, excusez-moi, réussis-je à dire avec un sourire.
Mon coeur battait trop vite et j'avais les mains moites. C'était la première fois depuis des mois que je ressentais quelque chose...
- Entrons donc, nous vous avons installés à notre table.
Il nous invita à entrer et vu la raideur d'Andrei, je savais que je passerai un mauvais moment cette nuit. Il n'aimait pas Dimitrei Romanov, je pensais même qu'il le détestait mais il gardait la face et nous entrâmes dans l'immense salle de reception du grand palais de Péterhof. Le gala annuel servait à récolter des fonds pour la recherche contre la leucémie.
- Jade! Tu es venue!
Tatiana était là, vêtue d'une belle robe blanche. Elle arrêta sa phrase lorsqu'elle remarqua que nous étions accompagnés. Elle regardait Dimitrei avec de grands yeux avant de rougir, et je ressentais un léger agacement.
- Bonsoir Tatiana, dit Andrei.
Elle se reprit rapidement et les salua tout le deux avant de me prendre par la main.
- Tu viens t'installer à ma table? Il n'y a que des adultes et les frères Grichine, dit-elle en levant les yeux au ciel.
- Malheureusement le placement n'est pas modifiable, intervins Dimitrei, après le diner vous pourrez vous retrouver.
Il souriait, mais son ton était sans appel.
- Très bien, à tout à l'heure, me lança t-elle avec un sourire que je lui rendis.
Notre table était la plus proche de la scène, il y avait dix sièges et trois places de libre. Andrei fut installé à côté du frère de Dimitrei, Ivan Romanov et moi j'étais en face, entre leur cousine qui devait avoir mon âge et Dimitrei lui même. Ça ne me dérangeait pas de ne pas être à côté d'Andrei mais je sentais tous les regards sur moi lorsque Dimitrei me présenta toutes les personnes présentes.
- Je vous présente Jade Baranov, la... d'ailleurs qui est-elle? demanda Dimitrei.
Pour la première fois, je vis Andrei rougir, c'était très léger certes, mais je l'avais remarqué.
- C'est une cousine éloignée, dit-il vaguement.
- C'est fou comme elle ressemble à votre mère, c'en est même troublant.
Catarina Romanov, la mère de Dimitrei me regardait en prononçant ses mots et toute la table approuva. Je baissais les yeux sans répondre.
- Oui, lorsque sa pauvre mère m'a retrouvé et m'a demandé de prendre soin de sa fille, j'ai eu un choc. Je n'avais pas de doute, elle est bien de ma famille, dit-il en riant. Mama aurait aimé la rencontrer...
- Elle aurait aimé effectivement, elle rêvait toujours d'avoir une fille, ajouta Catarina.
La soirée commença par un discours du père Romanov, et une musique retentit me faisant légèrement sursauter. Dimitrei le remarqua mais ne fit aucune remarque, il avait surement du voir les yeux d'Andrei braqués sur moi. La soirée se passa sans encombre, je discutais avec Nina, la nièce, pendant tout le repas qui dura un long moment.
Il était suivi d'un spectacle de danse du ballet de Saint Petersbourg. Toutes les lumières étaient éteintes, seule la scène était éclairée, et je regardai le spectacle émerveillé. Andrei m'avait emmené partout mais je n'avais jamais vu ce ballet et j'étais émerveillée.
Après le spectacle, Tatiana s'était empressée de me rejoindre et de me faire sortir dans la cour. Nous nous balladions moi silencieusement et elle donnant son avis sur la soirée et les garçon qui étaient présents. Nous nous étions assises sur un banc et elle me prit la main doucement.
- Est-ce que ton oncle te fait du mal? Alexei m'a dit que tu étais en danger, est-ce que tu veux que je t'aide Jade?
Je n'avais rien dis, ni confirmé, ni nié, je n'avais rien dis du tout. Si jamais Andrei apprenait qu'elle savait, il ne pouvait rien me faire de pire alors je n'avais rien dis, sachant que mon silence était un aveu.
- Partons, mes parents t'aideront Jade!
- Non, murmurai-je. Je n'ai pas besoin d'aide...
- Bien sur que si! s'écria t-elle.
- Je ne veux pas qu'on m'aide Tatiana...
- Tu ne veux pas? Mais regarde toi Jade, tu es l'ombre de toi même, tu es comme morte!
Je ne répondis rien, elle me jugeait, incompréhensive, choquée également.
- Je te retrouve à l'intérieur, lâcha t-elle en s'en allant.
Je la regardais partir, sentant une larme rouler sur ma joue.
- Je ne veux pas qu'on m'aide, je veux qu'on me sauve..., murmurai-je.
- Alors laisse moi te sauver.
Je me retournai et Dimitrei était là, il me fixai intensément et s'installa àmes côtés.
- Laisse-moi te sauver Jade, répéta t-il.
Ce soir là j'avais rencontré Dimitrei Romanov, un homme de vingt huit ans, qui m'avait fait la promesse de me sauver.
Ce soir là je l'avais cru, mon coeur me disait de lui faire confiance, son regard me promettait tellement de choses, et je l'avais cru.
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