Je ferme ma valise et prend mon écharpe, celle qu'il m'a offerte lorsque nous avons été chez lui, en Ecosse, son odeur est partout sur cette écharpe et malgré l'état dans lequel je suis, mon coeur s'apaise lorsque je m'enveloppe dedans.

- D'accord, j'irai à l'hôtel...

- On doit être au tribunal demain matin à 9h30.

- Je sais Adam, c'est mon procès!

- Très bien.

Je le vois préparer des affaires à son tour et je l'observe en silence.

- Allons-y.

- Tu ne viens pas avec moi, je refuse!

- Je sais, mais si tu restes à l'hôtel je prend une chambre aussi, je ne serai pas avec toi mais à proximité en cas de problème.

- Non!

- Jade...

Je ne lui réponds pas et je m'en vais, je sais qu'il va me suivre, mais malgré tout je ne dis rien. Au fond, je suis rassurée qu'il soit à proximité, sa présence est nécessaire. Je monte dans ma voiture et je roule jusqu'à un hôtel non loin du tribunal, j'entre et demande une chambre. Je vois que le réceptionniste hésite, il doit savoir qui je suis, finalement il me tend le badge de la suite et je refuse que l'on m'y accompagne. Je pose ma valise et vais prendre une douche rapide avant d'allumer la télévision et de brancher la clé usb. Si le dr Peters me l'a remise malgré tout, c'est qu'il s'y trouve des choses dont je n'ai aucun souvenir et même si l'issue m'est fatale, j'ai besoin de savoir, peu importe les conséquences...

Les images défilent depuis des heures et ma colère se déverse au fur et à mesure. La Jade que je vois à l'écran est une inconnue, je ne comprends pas. J'augmente le volume, comme si ça allait changer quelque chose et regarde cette femme pleine d'assurance s'adresser au dr Peters.

- Qu'est-ce que vous en pensez? demandai-je. Est-ce que les marques sur mon corps suscitent assez de pitié pour qu'un homme baisse sa garde avec moi?

- Jade, les marques sur votre corps sont votre histoire...

- Je le sais bien dr Peters, je ne suis pas idiote. Je veux changer l'histoire, je veux faire souffrir les hommes comme j'ai souffert.

- Vous ne voulez pas ça Jade, ce n'est pas vous...

- Vous ne me connaissez pas! Je vous ai dis que j'avais récupéré toute la fortune d'Andrei? Je sais qu'il est vivant, ça doit être jouissif pour lui de penser que je le crois mort... Hum, je suis certaine qu'il va débarquer à un moment crucial de mon plan, de toute façon il y contribue déjà n'est-ce pas? C'est lui qui vous a graissé la patte pour que je sois votre dernière cliente, celle que vous n'avez pas le droit de suivre normalement...

Je m'observe me lever et m'asseoir sur le rebord du fauteuil du dr Peters.

- Ne vous inquiétez pas, je comprends tout a fait votre position, Andrei est puissant et dangereux, vous avez eu raison d'accepter. Je vous ai parlé d'Adam Campbell?  Cette homme est prêt à tout pour moi, si j'avais conscience du pouvoir que j'avais sur les hommes plus jeune, je régnerai sur la Russie et peut être que l'enfant que je portais serait toujours vivant.

- Jade, qui est Adam Campbell?

- Un homme, un inspecteur à la police criminelle. Il est dans mon cours de krav maga, il adore ma fragilité et si vous le voyiez... Il est si fort, si grand, je sais que je serai en sécurité avec lui, et puis il est si bel homme.

- Que comptez-vous faire avec lui?

- Rien du tout voyons! J'ai le droit d'être heureuse, et je pense qu'une fois que tout sera terminé, je pourrai être heureuse avec lui, je le sens... Je...

D'un coup mes yeux se ferment et je tombe sur le sol, cet instant dure à peine quelques secondes et lorsque je me réveille, je vois que je suis de nouveau moi même. L'air perdu et fragile, lorsque je réalise que  mes bras sont nus, j'attrape ma veste et regarde le dr Peters.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé?

- Vous avez perdu connaissance Jade, avez-vous mangé quelque chose?

Des coups frappés à la porte me font sursauter et j'éteins la télévision. Je me lève machinalement et ouvre la porte.

- Jade? Tu n'es pas prête?

Je regarde Adam sans réagir, les images que je viens de voir m'ont comme anesthésié, qui suis-je? Ai-je tué Dimitrei? Je pense que je l'ai fais, vraiment, je pense que je l'ai fais...

- Qu'est-ce qu'il se passe Jade?

A l'entente de mon nom, je me réveille et réalise vraiment la présence d'Adam.

- Quelle heure il est?

- 8h, tu dois voir ton avocat avant... Tu n'as pas dormi?

- Je vais me préparer, dis-je en lui fermant la porte au nez.

Je retire la clé usb et la cache derrière le mini bar. Il me reste encore de nombreuse heures à visionner et je dois tout regarder le plus rapidement possible. Je laisse l'eau froide couler sur ma peau pendant de longues minutes, et enfile un tailleur pantalon blanc et des escarpins rouges. Je me maquille légèrement et sors de ma chambre, rejoindre Adam. Il m'observe longuement mais ne dit rien, je le suis sans un mot jusqu'à la voiture.

Je ne supporterai pas de découvrir que je l'ai utilisé, même inconsciemment, je ne supporterai pas de faire du mal à Adam, c'est la seule personne sur qui je peux compter et que j'aime vraiment, intensément. J'ai fais l'amour avec lui et c'était ça, de l'amour, il ne mérite pas de souffrir, il a déjà perdu une femme dans sa vie. Si je lui ai fais du mal, je ne pourrai plus le voir, je ne pourrai plus lui parler, je ne me supporterai plus.

- Adam?

Il se retourne et me regarde avec ses yeux uniques.

- Je t'aime, dis-je.

Je vois passer toute l'émotion que ces mots lui procurent, je vois sa douleur également mais ce qui transpire le plus, c'est son amour, immense, puissant, invincible, je vois qu'il fera tout pour moi et j'en souffre encore plus.

- Je t'aime aussi Jade, je t'aime, répète t-il en posant sa main du ma joue.

Je ferme les yeux et savoure la sensation qui me traverse, elle est tellement puissante, je sais que ça pourrait me suffire, ça pourrait me suffire amplement si ma vie n'était pas aussi désastreuse. Je nous imagine ensemble, vivant au bord de la mer chez lui, en Ecosse, j'entends des rires d'enfants... et tout s'arrête à cet instant. Je n'ai pas le droit, non je peux pas imaginer un tel bonheur parce qu'il n'arrivera pas.

- Allons-y, dis-je alors en rompant le contact. Maitre Ramsay doit m'attendre, il faudra qu'on parle ensuite, ce weekend on parler Adam et tu me diras la vérité sur la nuit où Dimitrei est mort, toute la vérité...

Nous arrivons au tribunal, et mon avocat est déjà sur le qui vive.

- La presse est de notre côté depuis Andrei et son témoignage, ils pensent que c'est lui l'assassin, l'opinion publique également, il a pourtant accepté de revenir témoigner aujourd'hui.

Bien sur qu'il a accepté, il sait que peu importe ce qu'il dira, il est intouchable. Je savais qu'il allait revenir, du moins la Jade sur la vidéo le savait. Est-ce que je l'avais revu? Contacté? Je ne sais rien sur moi et c'est ce qui me fait le plus peur...

- Jade vous m'entendez? Il va falloir que vous soyez courageuse et que vous teniez bon, il va rejouer le même jeu, il vous connait mais vous le connaissez aussi alors montrez-lui, il est obsédé par vous...

- Ce n'est pas Jade qui va parler avec lui mais toi et le procureur, s'agace Adam.

- Tu ne seras pas là Adam, tu ne seras pas dans la salle d'audience! Vous ne devez compter que sur vous à l'intérieur, vous pouvez le faire?

- Je ne serai pas là mais...

- Je vais le faire, ne vous inquiétez pas, ça va aller Adam, dis-je en lui souriant.

C'est donc seule que je me dirige vers la salle d'audience et je m'installe près de mon avocat.

- Jade!

Je me retourne et je vois Gaby et Anthony qui me font signe, Gaby me dessine un coeur et serre le point comme lorsqu'on était enfants et que maman m'engueulait pour rien du tout, elle me disait de rester forte. Je leur fais signe et me retourne le coeur serré, je ne veux pas qu'ils assistent à tout ça.

- Levez-vous!

Le juge arrive et s'installe, son regard croise le mien et je le vois m'observer, un sourcil haussé, le blanc fait toujours cet effet. Le procureur commence et j'expire longuement.

- Nous souhaiterions appeler  de nouveau Mr Andrei Baranov.

Même si je ne l'ai pas vu dans la salle, je sais qu'il est là, je sens sa présence et lorsqu'il arrive à ma hauteur, il marque un léger temps d'arrêt avant de poursuivre et de s'installer. Le procureur se racle la gorge avant de parler, je sens son malaise et je le comprends, Andrei à ce charisme et cette prestance parfois malsaine.

- Monsieur Baranov, je vous remercie de vous présenter de nouveau à la barre.

- C'est tout à fait normal, la vérité doit être dite, quelle qu'elle soit.

- Très bien, reprenons... Vous avez assisté à l'internement de Jade, vous en avez été à l'initiative, pouvez-vous nous parler un peu de la problématique que Jade à rencontré?

- La problématique? Jade n'a pas été internée lorsqu'elle était sous ma responsabilité...

- Jade a été internée pourtant durant plusieurs mois lorsqu'elle était au lycée.

- Ce n'était pas un internement, elle est restée à la maison car elle a eu un passage à vide. Elle avait besoin de repos, Jade est fragile, elle l'a toujours été, c'est son enfance qui l'a fragilisé. Elle a parfois besoin de temps pour elle...

- Pourquoi avait-elle besoin de repos?

- Ce sont des choses qui lui appartiennent, les chagrins d'amour, l'adolescence, les carences affectives. Jade s'est installée chez les Romanov lorsqu'elle avait dix sept ans, et sa vie s'est brisée à cet instant.

Andrei a changé de stratégie, le procureur doit surement le regretter, il pense qu'en l'interrogeant il va avoir de quoi m'incriminer mais non, ce n'est pas le cas et il vient de le comprendre.

- Alors pour vous Jade allait bien?

- Elle ne va pas bien, vous savez on ne peut pas construire sa vie lorsqu'on a été carencée à ce point, les bases ont été tellement douloureuse pour elle, c'est normal qu'elle ait fait tant de mauvais choix.

Le procureur comprend à cet instant que Andrei ne lui sera d'aucune aide.

- Je n'ai plus de question, dit-il.

Je regarde Andrei avant que mon avocat ne l'interroge, il sait ce qu'il se joue et il a décidé d'être le maître du jeu. Je le sais, il le sait, et l'issue de son interrogatoire dépendra de ce qui se joue entre nous à cet instant. C'est maintenant que je dois être forte, il le sait et il va tenter de me déstabiliser comme la dernière fois, mais il n'y arrivera pas, je m'y refuse...