- Bonjour Jade, comment s'est passée votre nuit? me demande le Dr Peters.

- J'ai dormi comme un loir, une nuit sans cauchemars, sans le visage de Dimitrei ou d'Andrei, une nuit parfaite Dr Peters..., dis-je avec sarcasme.

C'est faux bien entendu, j'ai passé une nuit horrible. Je m'allonge sur son canapé chesterfield comme d'habitude et reste silencieuse. Aujourd'hui, je n'avais vraiment pas envie de venir à ma séance, j'ai un mauvais pressentiment depuis cette nuit et je suis presque sure d'avoir vu Borislav au supermarché hier. Je sais que ça parait fou, j'ai tout mis en oeuvre pour ne pas être retrouvée, et je pense que mes cauchemars répétitifs et la date de son anniversaire approchant, mon esprit me joue des tours.

- Je vous propose de parler de ce que vous voulez aujourd'hui, me dit-il. Nous ne sommes pas obligés de reprendre là où nous nous sommes arrêtés la dernière fois.

La réputation du Dr Peters est excellente, il est connu dans le monde entier et je suis venue à Londres pour lui. J'ai lu des dizaines de témoignages en ligne de femmes ayant subis des traumatismes et qui s'en étaient sorties avec l'aide du Dr Peters. C'est comme s'il pouvait lire dans les esprits, trouver ce qui nous pourrissait la vie et nous donner les armes pour le détruire.

- Je voudrais parler d'Andrei.

- Très bien.

Je ferme les yeux pour me replonger, sans difficultés, dans les souvenirs de mon adolescence....

    ***************

Depuis qu'il m'avait dit la vérité, je n'étais pas sortie de ma chambre. J'avais besoin de rester seule et Andrei avait respecté mon choix, Justyna, la gouvernante, me déposait des plateaux repas et j'avais été dispensée de cours depuis trois jours maintenant. Le prénom de ma mère biologique me hantait, Juliette Verrati. J'avais tellement de questions, je voulais appeler papa pour lui parler, pour qu'il me parle d'elle alors j'avais décidé de sortir de ma chambre pour demander à Andrei de me laisser passer cet appel.

Il était dans son bureau, et pour la première fois depuis que je le connaissais, je l'avais vu débraillé. Sa chemise était à peine fermée et froissée, ses cheveux habituellement coiffé et plaqué était naturel, j'avais découvert qu'il avait les cheveux bouclés et non raides comme d'habitude, il portait un jean et ses traits étaient tellement tirés qu'il semblait malade.

- Andrei? avais-je appelé inquiète.

Il s'était retourné vivement et m'avait regardé avec tellement d'avidité que je ne savais plus si c'était une bonne idée de lui demander quoi que ce soit à cet instant.

- Jade, tu es sortie...

Il voulait m'approcher, mais avait hésité avant de rester à sa place.

- Oui, je voulais te demander quelque chose.

- Tout ce que tu veux...

- Je veux appeler papa, j'aimerai lui parler.

Lui qui, habituellement, n'était pas du tout expressif du visage, m'avait laissé voir la colère l'envahir et j'avais aussi vu la lutte qu'il semblait avoir pour ne pas exploser.

- Tu veux appeler ton père... Est-ce que je peux savoir pourquoi?

- Je veux qu'il me parle de ma mère, j'aimerai savoir...

- J'ai toutes les réponses à tes questions Jade, tu peux me demander tout ce que tu veux et si je n'ai pas la réponse, je la trouverai pour toi.

- Papa saura mieux me répondre, s'il te plait Andrei, avais-je insisté.

Je voyais bien qu'il ne voulait pas, je n'aurais pas insisté dans d'autres circonstances, mais là, il fallait que je parle à mon père.

- Très bien, mais après ça tu ne resteras plus enfermée dans ta chambre? J'ai une surprise pour toi.

- Merci, d'accord je ne resterai plus enfermée.

Il avait sorti son téléphone et composé un numéro avant de me le tendre. J'avais attendu jusque la quatrième sonnerie avant d'entendre la voix de mon père que je n'avais pas entendu depuis plusieurs années.

- Andrei? avait-il dit d'une voix hésitante.

- Non papa c'est Jade.

Il y avait eu un moment de silence, je ne savais pas si ma mère était avec lui, mais il avait vite repris la parole.

- Jade... Comment tu vas? Je... je ne m'attendais pas à t'entendre.

- Je le sais, tu ne m'as pas appelé depuis tout ce temps, alors je le sais. Je veux juste que tu me parles de ma mère biologique, Juliette Verrati, je veux savoir ce qu'il s'est passé et pourquoi tu m'as récupéré lorsqu'elle est morte alors que, vraisemblablement, maman ne voulait pas de moi, avais-je enchaîné.

Je pensais que ça me ferait quelque chose de l'entendre, que je me sentirais triste ou heureuse, mais je n'avais rien ressenti, rien du tout.

- Oh Jade, je ne pensais pas qu'il te le dirait, il n'était pas censé te le dire.

- Réponds moi s'il te plait papa.

Il s'était raclé la gorge et m'avait répondu.

- Nous nous sommes rencontrés à l'université, elle venait d'arriver de Paris et ça a été le coup de foudre. Je l'ai aimé Jade, je l'ai aimé de tout mon coeur, mais j'ai du faire un choix, ma famille et mes enfants ou elle. Elle m'avait mis la pression, surtout lorsqu'elle a appris qu'elle était enceinte de toi, elle m'a posé un ultimatum et j'ai été incapable de quitter Adela, tu sais comment elle peut être. Mais la première fois que je t'ai vu, ce jour là à la maternité, c'était comme une évidence, je t'ai reconnu et j'avais prévu de partir, il me fallait juste un peu de temps. Puis il y a eu cet accident, elle est morte sur le coup et j'ai décidé de te prendre avec moi, peu importait l'avis de ta mère, je ne lui ai pas donné le choix et je regrette. J'aurai du te laisser avec ta tante, elle voulait te prendre, mais j'étais ton père sur le papier, lorsque je vois comment Adela t'a traité... Je suis désolé Jade, vraiment. Lorsque ton oncle Andrei nous a proposé de te prendre avec lui, j'y ai vu une libération pour toi, un moyen d'avoir une vie complètement différente.

- Ce n'est pas mon oncle et tu le sais!

- Qu'est-ce que tu racontes? avait-il dit. C'est le cousin de ta mère.

- Ce n'est pas mon oncle, nous n'avons aucun lien de parenté.

- Jade, ce n'est pas possible...

- Comment s'appelle ma tante?

- Elisa Veratti, elle vit à Londres. Mais Jade, je t'assure qu'Adela m'a dit...

- Est-ce que Gaby et Anthony vont bien?

- Oui, Antony a été pris à Brown, il veut devenir médecin et Gaby passe son diplôme cette année, elle hésite entre Columbia et Princeton pour le droit.

- Tu leur diras qu'ils me manquent.

J'avais raccroché sans attendre la suite, j'avais eu tout ce dont j'avais besoin. Andrei était resté dans son bureau et je lui avais rendu son téléphone.

- Je t'ai inscrite dans une école privée, m'avait-il annoncé.

Je me souviens, j'avais été tellement surprise lorsqu'il m'avait annoncé ça, la conversation que je venais d'avoir avec mon père avait laissé place à une euphorie anormale. Je n'avais pas été isolée tout ce temps mais je n'étais entourée que d'adultes et le fait de savoir que j'allais enfin rencontrer des jeunes de mon âge m'enthousiasmait.

Andrei m'avait accompagné le premier jour au St Petersbourg Gymnasium, et même si je savais qu'il était influent et très respecté dans la ville, l'accueil qui nous avait été réservé était incroyable. J'avais l'impression qu'Andrei était le roi du monde ici, tous les adultes le saluaient en inclinant la tête respectueusement.

J'avais intégré une classe de seconde, Andrei avait choisi toutes mes options et je n'avais pas discuté lorsque j'avais appris que ma principale matière était les mathématiques alors que j'avais des difficultés. Je ne voulais pas le contrarier et l'inciter à changer d'avis alors je n'avais pas parlé et le regard qu'il m'avait lancé m'avait fait comprendre que j'avais raison.

J'adorais l'école, j'avais fais des efforts pour m'intégrer et j'avais un groupe d'amis qui me faisaient découvrir toutes les choses de l'adolescence. Je ne pouvais pas les voir à l'extérieur, Andrei refusait tout le temps et il me répétait sans cesse qu'avoir des amis m'empêcherait de devenir celle qu'on avait prévu que je sois, que ça me déconcentrait mais je ne l'écoutais pas.

Mes résultats avaient légèrement baissé, je le savais, mais je ne faisais rien pour arranger les choses et la raison de ma déconcentration s'appelait Alexei. Lorsqu'il était près de moi, je devenais fébrile, mes mains étaient moites et mon coeur battait vite, trop vite, je n'arrivais plus à réfléchir. Mon amie Tatiana m'avait dit que j'étais amoureuse de lui, elle me disait qu'il fallait que je lui parle, que je lui dise ce que je ressentais parce qu'il ressentait peut être la même chose. J'avais du mal à y croire, Alexei était toujours entouré de filles, beaucoup plus jolies, intéressantes et intelligentes que moi et toute cette situation me pesait, je me sentais très mal alors j'avais décidé de suivre les conseils de Tatiana et j'avais parlé au garçon qui faisait battre mon coeur.

La désillusion avait été brutale, j'avais déclaré ma flamme, courageusement, après une journée de cours intense et Alexei m'avait écouté jusqu'au bout avant de me balancer haut et fort, pour que tout le monde entende, que jamais il ne se mettrait avec une fille qui avait à peine eu une discussion avec un garçon, qui ne connaissait rien du tout à la vie et qui avait deux ans d'âge mentale en terme de relation avec les autres.

J'avais senti mon visage s'empourprer, mes lèvres trembler et mes yeux se remplir de larmes qui s'étaient mises à couler. Alexei riait en tapant la main d'un de ses amis et je m'étais enfuie en courant du lycée. Je courrais, ignorant les nombreux klaxons, bousculant les passants, essuyant mes larmes lorsqu'elles m'aveuglaient, et ce jusqu'à ce que j'arrive devant mon immeuble.

J'avais ignoré Karl, le portier et j'avais monté les douze étages à pied, parce que je voulais qu'autre chose que cette douleur fasse battre mon coeur si vite.

- Jade? Chto proiskhodit? m'avait demandé Andrei paniqué.

Il se passait que j'avais mal au coeur à cause d'un garçon, mais je n'arrivais pas à parler, alors je m'étais jetée dans ses bras espérant trouver du réconfort.

- Quelqu'un t'a fait du mal? m'avait chuchoté Andrei après que mes pleurs se soient calmés.

Je n'avais pas répondu, je voulais lui parler, mais je ne savais pas comment il réagirait, je ne voulais pas qu'il soit en colère.

- Jade, tu sais que tu peux tout me dire, n'aie pas peur, avait-il dit doucement en me caressant les cheveux.

- J'ai dis à Alexei ce que je ressentais pour lui et il s'est moqué de moi, il a dit que jamais il ne se mettrait avec une fille comme moi qui ne connaissait rien aux garçons et aux relations, avais-je dis en pleurant de nouveau. Tu penses qu'il a raison?

Je l'avais senti se crisper, mais il n'avait pas arrêté de me caresser les cheveux, il avait pris une profonde inspiration avant de me répondre.

- Alexei est un imbécile, s'il est incapable de se rendre compte de ta valeur, il ne te mérite pas Jade.

- Mais tu penses quand même qu'il a raison.

- Tout s'apprend manyo sertsé (mon coeur)

Lorsqu'il m'avait dit ça, je n'avais pas répondu, il avait raison tout s'apprenait. J'avais appris deux langues, j'avais appris à surmonter ma dyslexie, je pouvais apprendre, je voulais apprendre parce que j'étais blessée et le peu de confiance que j'avais acquis, venait d'être écrasé par Alexei.

J'étais restée un long moment avec Andrei avant de m'endormir dans ses bras. J'étais retournée au lycée le lendemain et j'avais fais l'objet de beaucoup de moquerie, même les personnes que je considérais comme mes amis riaient de moi et Alexei s'amusait à me faire des clins d'oeil et des sourires. Seule Tatiana essayait de me consoler, mais rien n'y faisait, les mots d'Andrei raisonnaient dans ma tête, je devais apprendre. J'étais donc rentrée après les cours, Borislav était venu me chercher et il avait lancé un regard à Alexei qui l'avait rendu livide.

- Apprends-moi Andrei, lui avais-je dis une fois rentrée.

Il s'était retourné avec une lueur dans les yeux à laquelle je n'avais pas prêté attention sur le moment.

- De quoi tu parles Jade?

- Tu m'as dis hier que tout s'apprenait, alors je veux que tu m'apprennes.

- Tu es sur? Tu ne veux pas que quelqu'un d'autre le fasse?

- Non, je te fais confiance, je veux que ce soit toi, s'il te plait.

- D'accord Jade, comme tu voudras...

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- Je n'avais aucune idée de ce qui m'attendait lorsque j'avais fait part de ma requête à Andrei, c'était complètement innocent, je ne voulais pas qu'il pense ce qu'il a pensé, c'était la seule personne que j'avais, la seule personne vers qui je pouvais me tourner. Je sais que c'est ma faute, j'avais quatorze ans pas huit, à cet âge là on est censé savoir des choses...

- Jade, vous aviez peut être quatorze ans, mais vous ne connaissiez que ce qu'il a bien voulu vous montrer. Il vous a manipulé pour vous faire croire que c'était ce que vous vouliez, mais ce n'était pas le cas. Le jeune homme a été manipulé par Andrei, tout, depuis le début, est son oeuvre. C'était lui l'adulte, pas vous, et tant que vous n'accepterez cette vérité, vous resterez bloquée à ce stade. A quatorze ans nous sommes toujours des enfants, et il vous a tout volé pour assouvir ses besoins, me dit le Dr Peters.

- Je lui ai demandé de m'apprendre! Je lui ai demandé de m'apprendre et même si je ne savais ce que ça impliquait, c'était clair pour lui! Il devait m'apprendre à séduire un garçon et tout ce qui va avec!

- Vous lui avez demandé de vous apprendre, pas d'abuser de vous.

- Est-ce que c'était un abus? J'étais consentante dés le départ...

- Vous ne saviez pas ce que ça impliquait pour lui, ni ce qu'il avait en tête. Vous ne saviez pas qu'il voulait faire de vous, sa femme parfaite. Andrei est un homme malade, manipulateur, pervers, violent et il vous a façonné dés votre plus jeune âge, vous ne saviez pas ce qu'il se passait Jade.

- De toute façon, entre lui et Dimitrei, j'étais destinée à me faire avoir. Au moins, Andrei lui n'était pas....

Qu'est-ce que je suis en train de faire? Je compare Andrei et Dimitrei comme si l'un était moins pire que l'autre, je suis pathétique, pathétique et fatiguée. Le Dr Peters a raison, il faut que je passe ce stade, mais je n'y arrive pas, à chaque fois que je croise mon reflet dans le miroir, je le vois lui, je vois sa mère et je vois toutes mes premières fois...

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Hey,

Voici la suite, désolée je n'ai pas posté la semaine dernière mais j'ai préféré vous poster Action ou Vérité au moins, manque de temps.

N'hésitez pas à me laisser vos avis.

Bisous 😘😘