Chapitre 25
- Ma chérie, ce soir nous sortons et ne pose pas de questions, c'est une surprise! s'exclama Dimitrei en me versant une tasse de thé fumante.
Depuis le jour où il avait levé la main sur moi, il me traitait comme une princesse, mais le pire dans tout ça, c'était qu'il faisait comme si de rien était. Après m'avoir roué de coups, il m'avait soigné, j'avais entendu ses excuses, murmurées, caressées, mais j'étais beaucoup trop choquée pour réaliser ce qu'il venait de se passer. Il m'avait fait couler un bain chaud, et m'y avait porté parce que j'étais incapable de bouger, incapable de réagir. La seule fois où Andrei avait levé la main sur moi, il m'avait giflé, parce que j'avais parlé de nous à Alexei, mais il ne m'avait jamais blessé physiquement, comme Dimitrei l'avait fait, volontairement.
Je ne savais pas pourquoi à ce moment exact, je me retrouvais à comparer les deux hommes que j'avais connu dans ma vie, mais je savais que c'était le début d'un cycle aussi mauvais, voir plus, que le précèdent.
- Regarde la robe que je t'ai choisi, tu l'aimes? me demanda t-il en sortant une robe vaporeuse de sa housse griffée.
Il fallait que je sache, même si je ne comptais pas bouger, il fallait que je sache si c'était un moment d'égarement où ma nouvelle vie.
- Je veux partir Dimitrei, dis-je.
Il se figea quelques secondes, puis posa la robe sur le dossier d'une chaise.
- Où veux-tu qu'on aille?
Son ton était calme, presque doux, sa question était sincère en apparence.
- Je voudrais aller en Italie, à Florence.
- Très bien, je vais m'arranger pour me libérer quelques jours et nous irons, dit-il en me caressant la joue. Bois ton thé et habille toi, nous avons un peu de route à faire.
- Dimitrei?
Il se retourna pour me faire face.
- Tu ne vas plus recommencer?
- Recommencer quoi?
Cette réponse était claire pourtant, elle voulait tout dire, c'était un avertissement à peine masqué.
- Je t'aime Jade, comme personne ne t'a jamais aimé, tu le sais... Tu sais à quel point notre relation est unique, je ne peux pas vivre sans toi, je veux que tu sois la mère de mes enfants, je veux...
Il s'arrêta, scrutant mon expression qui devait être horrifiée.
- Quoi? Tu ne veux plus d'enfants alors que c'est toi qui m'en as parlé en premier?
L'idée d'être mère m'avait habité au début de notre relation, mais maintenant, je savais que je ne pourrais pas l'être, pas dans des conditions pareilles, avec autant de risques. Est-ce que je voulais que mon enfant ait un père violent? Non, je ne voulais en aucun cas qu'il vive un centième de ce que j'avais vécu, c'était hors de question, ni qu'il le vive, ni qu'il le voie.
- Très bien, nous en discuterons plus tard, aujourd'hui est une belle journée.
Je montai dans notre chambre et me changeai. La robe était belle, Dimitrei avait bon goût, c'était indéniable, je me maquillai un peu trop, optant pour un rouge à lèvre rouge sang, qu'il aimait en privé, mais pas en public. C'était pathétique, je le savais, je voulais le provoquer, comme pour vérifier que ce que je pensais était vrai, qu'il était violent et que je ne l'avais pas vu depuis toutes ces années.
Je redescendis au rez-de-chaussée et son regard ne me trompa pas, il était furieux, mais il ne dit rien. Je savais qu'on ne voyait pas les marques qu'il avait laissé sur mon corps, prenant soin de ne pas toucher mon visage.
- Allons-y, je vais conduire, Borislav est parti quelques jours voir sa famille, dit-il en prenant ma fourrure pour me l'enfiler.
- Quel voiture prends-tu? demandai-je.
Dimitrei conduisait beaucoup trop vite, et je n'étais pas sereine en voiture avec lui.
- Ne t'inquiètes pas, dit-il en souriant.
Je montai donc dans l'une des nombreuses sportives qu'il possédait, et il démarra en silence. Il accéléra rapidement, ne prêtant aucune attention au regard que je lui lançai.
- Tu sais que tu es seule au monde Jade, je suis ta seule famille, dit-il en accélérant encore.
Je ne répondis pas et regardai par le paysage défiler. Je n'étais pas seule, j'avais un frère et une soeur et je pouvais les retrouver si je le souhaitais, j'avais fais le choix de ne rien faire, enfin je ne savais pas si c'était un choix.
- Tu penses que si tu retrouves ta famille, celle qui t'a abandonné il y a plus de quinze ans, ils t'accueilleront les bras ouvert? Comment veux-tu qu'ils acceptent la vérité sur toi? Qu'ils acceptent qui tu es, une femme qui s'est laissée abuser par son oncle et qui n'a rien fait, rien dit? Ils penseront comme tout le monde que tu le voulais autant que lui, que tu es aussi perverse que lui...
Il tourna la tête dans ma direction mais je ne le regardai pas.
- C'est la vérité n'est-ce pas? Tu l'as laissé faire, tu m'as dis que tu l'aimais, tu me l'as dis le soir où on a découvert la vérité sur votre relation, c'est de ta faute Jade, tu l'as laissé faire.
- Non...
- Pardon?
- Arrête Dimitrei...
- Je te dis la vérité, tu le sais aussi au fond de toi!
Il accéléra encore, dépassant la barre des cent cinquante kilomètres heure, certainement l'allure à laquelle mon coeur battait.
- Admets le Jade, tu seras tranquille et tu pourras enfin te sentir libre, ce ne sont pas les voyages et tout le reste qui te donneront ce sentiment, c'est d'admettre que tu es responsable de ton état actuel.
Ses mots, même si je me refusais de les écouter, faisaient leur bout de chemin dans mon esprit, ils s'immisçaient et prenaient tout leur sens. Lutter contre ma culpabilité était un combat quotidien et il savait exactement comment faire pour la réveiller, je m'étais confiée à lui et je lui avais offert sur un plateau chacune de mes faiblesses.
- Admet le! Tu as vu pas mal de thérapeute en vain, alors admet le et accepte le ma chérie, sinon je ne donne pas cher de ton état mental... Et tu as raison de ne pas vouloir porter mes enfants pour le moment, tu vois, tu sais inconsciemment que tu fais parti du problème, et si je te dis toutes ces choses, c'est parce que je t'aime.
Je n'avais pas remarqué que mes larmes coulaient avant qu'il ne me tende un mouchoir. Ce qu'il venait de me dire, je l'avais pensé tant de fois, mais l'entendre de la bouche de l'homme qui m'avait sauvé était pire que tout. Mon esprit ne voulait peut être pas l'accepter, mais mon coeur prenait toutes ses paroles, les ressentait, douloureusement, violemment, sincèrement et j'avais senti une partie de mon coeur déjà meurtri, la partie qu'il avait fait renaître, mourir à nouveau.
- Nous arrivons bientôt, j'espère que tu as pris ton maquillage, pour arranger cette horreur. Nina se fiance et elle donne une fête à cette occasion, c'est là que nous allons, alors sois digne de notre nom.
Il s'arrêta devant une magnifique bâtisse, à la sortie de la ville, magnifiquement décorée de l'extérieur, mais je n'y prêtais pas attention, retouchant mon maquillage qui avait un peu coulé. J'étais dans un état second, presque absente et je me laissais entraîner par Dimitrei.
Il y avait beaucoup de monde, la lumière m'éblouissait et je me sentais fiévreuse. Des images affluaient dans mon esprit, des moments passés avec Andrei, cherchant instant où j'avais laissé faire.
- Souris Jade! me siffla t-il en me prenant le bras.
Je plaquai un sourire sur mon visage et répondis aux salutations presque avec automatisme. Je ne savais pas comment j'arrivais à marcher, peut être que Dimitrei me soutenait plus qu'il ne le fallait.
- Jade! Tu es enfin là!
Nina était radieuse, et la voir heureuse me mit un coup en plus. Avais-je cet air lorsque nous nous étions mariés Dimitrei et moi? Je n'avais pas l'impression, elle semblait beaucoup plus épanoui, entière, heureuse.
- Je te l'emprunte tonton, on doit discuter robe! lança t-elle à mon mari en m'entraînant vers une bibliothèque.
Elle verrouilla la porte, et me scruta longuement.
- Jade?
- Oui?
- Il faut que tu partes, dit-elle en chuchotant presque.
Sa phrase me réveilla presque, avais-je bien entendu?
- Il faut que tu t'en ailles, je sais que ton mari est mon oncle et tu sais ce que j'en pense, mais regarde toi Jade! J'ai l'impression de voir la fille qui est venu au bal de la famille avec Andrei, cette fille morte, triste, presque muette. Je ne veux pas que tu redeviennes cette personne... Est-ce qu'il t'as fais du mal?
Nina était ce qui se rapprochait le plus d'une soeur pour moi, elle avait passé tant de nuits avec moi, à me tenir la main, à essuyer mes larmes.
- Il m'a frappé, dis-je du bout des lèvres. Mais je n'aurais pas du passer autant de temps avec Ivan, il...
- Non! me coupa t-elle. Non! C'est hors de question que je te laisse devenir cette femme, celle qui s'accuse de tout! Je vais t'aider, je vais demander à notre chauffeur de t'accompagner chez toi, sans que Dimitrei ne s'en rende compte, tu prends ton passeport et tu vas au chalet de Karl, ensuite on organisera ton départ, tu partiras, tu vivras, et jamais il ne saura où tu es! Tu es d'accord?
J'étais comme hébétée, est-ce qu'elle venait de me dire de quitter Dimitrei?
- Tu sais que j'ai raison Jade, n'est-ce pas? Il te fait te sentir aussi mal, voir plus mal que tu ne l'étais avant, et ça, tu ne peux pas l'accepter, tu le sais n'est-ce pas?
J'acquiesçai, elle avait raison, et je le savais, mais je ne savais pas ce que j'allais devenir sans lui, je ne savais pas comment vivre sans quelqu'un pour me dire quoi faire.
- Alors écoutes moi, je vais organiser ça en dix minutes et je vais demander à Ivan et Karl d'occuper Dimitrei, et le voiturier aura égaré les clés de sa voiture? Tu es d'accord? Il faut que tu le sois Jade, ça va aller très vite, alors dis-moi si c'est ce que tu veux.
- Oui, dis-je.
- Très bien, restes ici, je reviens.
Elle me serra longuement dans ses bras et s'en alla. Alors ça y était? Est-ce que Nina m'offrait la liberté que mon esprit me hurlait de prendre? Une excitation naquit en moi, j'allais vivre, au moins pendant quelques mois et peut être que je reviendrai après cela, peut être...
La porte claqua de nouveau et Dimitrei se tenait en face de moi, mais il était devant une autre porte. Il tenait deux coupes de champagne et me souriait.
- Ah te voilà, tiens bois, tu as meilleure mine, dit-il en s'approchant alors que mon coeur était au bord de l'implosion.
- Tu vas bien? Tu es un peu pâle?
- Oui ça va, dis-je en prenant le verre et le buvant d'une traite.
- Tu avais soif dis donc, rit-il. Tu es heureuse de voir Nina alors?
- Oui, je suis très heureuse, elle...
Je ne terminai pas ma phrase que son poing s'abattît sur mon nez et je sentis le sang gicler.
- Tu veux partir comme ça... Me quitter sans rien dire? siffla t-il.
Il pris un mouchoir et essuya le sang qui coulait sur mon visage.
- Tu aurais pu tout faire Jade, mais ça? C'est la pire des trahisons et je ne te le pardonnerai jamais! Alors voilà ce qu'il va se passer, Nina va revenir et tu vas lui dire que tu as changé d'avis, si elle insiste, tu ne dis rien et tu viens me rejoindre! Je te jure, et tu peux me croire, si tu ne le fais pas, tu auras plus que ta souffrance sur la conscience, tu auras aussi celle des personnes que tu aimes!
Il m'attrapa par le cou et serra assez fort pour que je perde mon souffle.
- C'est clair?
C'était le moment où je devais faire un choix, le moment où je devais me battre, le moment où je devais me révolter, mais je n'en avais pas la force, alors j'acquiesçai et il me lâcha. J'avais obéi, Nina était revenue et j'avais dis que je ne voulais plus, sans attendre ses questions j'avais quitté la pièce, puis la fête et j'étais montée dans la voiture de Dimitrei qui avait déjà démarré le moteur.
Ce soir là, nous n'étions pas rentrés dans notre appartement de Saint Petersbourg, nous avions roulé plusieurs heures jusqu'à la maison qu'il m'avait offert lorsque nous nous étions mariés, cette maison qui allait être le lieu de tous mes cauchemars....
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