Adam m'accompagne jusque ma chambre, ma main toujours dans la sienne, après que j'ai dis bonne nuit à toute sa famille.

- Demain on ira visiter la ville et on pique niquera près du lac, ça te va? me demande t-il.

- Oui bien sur...

Il lâche ma main et me regarde avec un sourire.

- Je suis content que tu sois venue avec moi Jade.

Je lui rends son sourire, et croise son regard quelques secondes avant d'ouvrir la porte de la chambre.

- Bonne nuit Adam.

- Bonne nuit.

Je ferme la porte et me laisse glisser sur le sol. Pourquoi j'ai l'impression que quelque chose de mal va se produire? Je suis trop sereine et ce n'est pas normal. Je me déshabille et ouvre le jet d'eau froide de la douche, l'odeur d'Adam est trop présente, et c'est peut être ça qui me donne cette sensation de bien être dont il faut que je me débarrasse.

Chaque nuit, j'ai ce sentiment d'oppression avant de dormir et j'en ai l'habitude, c'est avec ce sentiment que je m'endors, l'esprit en pagaille, le visage de Dimitrei en boucle, que mes yeux soient ouverts ou fermés.

Ce soir mon plan me semble impossible, et surtout ridicule, je ne suis pas capable de tuer un homme, encore moins lui. Je ne sais même pas si je serai capable de bouger lorsqu'il sera en face de moi, je ne sais même pas si le moindre mot sortira de ma bouche. Je pense que je le suivrai tout simplement, la tête baissée et prête à subir ma punition pour avoir osé partir. J'étais pourtant la plus heureuse des filles après sa demande, je voulais juste tout partager avec l'homme dont je croyais être tombée amoureuse...

                         *********

L'annonce de notre mariage à la famille avait été une catastrophe. Je ne voulais pas que ce soit fait en grande pompe, mais Dimitrei ne l'entendait pas de cette oreille et j'avais accepté, amoureuse. Il avait décidé de faire un repas de famille, conviant même des cousins éloignés et avait gardé le mystère jusqu'au dessert.

- Bien, si je vous ai tous réuni ce soir, c'est parce que j'ai une nouvelle qui me remplit de joie à vous annoncer, commença t-il.

Catarina me lança un regard et son visage se décomposa au fil des secondes.

- J'ai demandé à Jade de m'épouser et elle a dit oui!

Silence. La famille Romanov nous regardait à tour de rôle, silencieuse, comme une mauvaise blague dont on attendait la chute, mais rien ne vint et plusieurs expressions se peignèrent sur les visages. De la surprise, du dégout, de l'incompréhension, mais pas de joie ni de sourire, rien.

- Elle n'a que dix neuf ans! Comment peux tu..., commença son frère Ivan.

- Elle est consentante et nous nous aimons, ça ne se contrôle pas, c'est comme ça! le coupa Dimitrei.

- Dima, tu te rends compte qu'elle à l'âge de Nina? intervint la mère de cette dernière.

- Qu'est-ce que vous avez tous avec l'âge? Ce n'est rien d'autre qu'un nombre, que vous le vouliez ou non, Jade va devenir ma femme, dit-il calmement.

Catarina qui n'avait rien dit jusque là, prit son verre de vin et le bu d'une traite avant de se resservir.

- Jade, dit-elle en s'adressant en moi. Tu sais ce que tu as traversé, toi, et personne d'autre ne peut se mettre à ta place, personne ne peut prétendre comprendre. Tu n'as pas eu d'enfance, tu n'as pas eu de parents, le seul adulte référent que tu as connu a été... Tu sais ce qu'il a été. Tu mérites de vivre, de découvrir le monde, de rencontrer d'autres personnes, de te découvrir! Tu en as besoin, ton âme, ton esprit et ton coeur en ont besoin, dorogaya. Je te considère comme un membre de ma famille et je ne veux que ton bonheur.

Son discours avait précédé un nouveau silence et une tension palpable. Dimitrei regardait sa mère comme si cette dernière l'avait trahi, il était livide mais ne disait rien. Peu à peu, tout le monde se mit à parler en même temps, exprimant leur désaccord, comme si on leur avait demandé leur avis. Je ne regardais que Catarina, et son discours fit son chemin jusque mon esprit. J'aimais Dimitrei, mais je n'étais pas obligé de l'épouser tout de suite, je pouvais effectivement faire quelques voyages et mettre en pratique les langues que j'avais apprise ici. J'avais dix neuf ans, j'étais jeune et j'avais toute la vie devant moi, elle n'avait pas tort. Peut être même que je pouvais envisager d'aller à Londres, trouver la soeur de ma mère biologique et apprendre à la connaître. C'était la seule vraie famille que j'avais, alors je pouvais essayer de la trouver.

Mais avant tout ça, il fallait que je fasse une chose que j'avais à l'esprit depuis plusieurs semaines, il fallait que je vois Andrei. Depuis mon arrivée chez les Romanov, je n'avais plus aucune nouvelles de lui, Dimitrei me disait qu'il était toujours aidé, mais je savais qu'il était ici, à Saint Petersbourg, j'avais surpris une conversation qui évoquait son retour. Malgré tout ce qu'il m'avait fait, je devais comprendre, je voulais connaître son histoire me concernant, comprendre pourquoi?

Je me levai de table et laissai les convives continuer leur dispute, ignorant les regards d'Ivan et de Catarina. Je me dirigeai vers ma chambre le cerveau en ébullition.

- Jade! Je suis désolé.

Dimitrei m'avait rattrapé et il était toujours aussi livide et en colère.

- J'ai besoin d'être seule s'il te plait, on se verra demain?

Il replaça une mèche derrière mon oreille et me sourit tristement.

- D'accord, mais je te promets que tout se passera bien, il faut juste qu'ils digèrent la nouvelle et surtout notre différence d'âge.

- Je ne suis pas inquiète, dis-je en souriant à mon tour. Bonne nuit.

Je me retournai et m'enfermai dans ma chambre avant de prendre mon téléphone. Il fallait que je le fasse tout de suite, tant que j'en avais le courage. Je composai le numéro que je connaissais par coeur depuis mon plus jeune âge et écoutai la tonalité le coeur battant.

- Allo?

Mon coeur, qui battait à une allure folle quelque secondes plus tôt, s'arrêta presque immédiatement.

- Jade? Est-ce que c'est toi?

Je savais qu'il saurait que c'était moi.

- Oui c'est moi, dis-je enfin.

Il marque un silence à son tour.

- Comment tu vas?

Son ton était normal, comme si... Comme si tout était normal, comme s'il ne s'était rien passé. Comment faisait-il?

- Je voudrais qu'on se voit pour discuter, j'aimerai comprendre certaines choses et je veux qu'on se voit dans un lieu public en journée, demain à quinze heure au café nevky, dis-je d'une traite.

- D'accord, répondit-il immédiatement.

Je raccrochai et posai une main sur mon coeur qui changeait à nouveau de rythme. Je ne devais rien laisser paraître, et surtout je devais faire en sorte que Dimitrei ne le sache pas, il serait fou de rage. Demain nous serions samedi et habituellement il passait toute la journée avec moi, j'allais devoir lui mentir, chose pour laquelle je n'étais pas douée. Ma nuit avait été affreuse, je me revoyais enfermée et attachée dans cette chambre aux murs verts, pour m'apaiser disait-il. Des douleurs horribles aux ovaires étaient apparues, me coupant le souffle. J'entendais sa voix, j'entendais ses mots " Ty krassivaïa Jade, comme elle, comme ma mère" , la première fois qu'il m'avait violé. Comment avais-je pu rester aussi inerte? Comment avais-je pu imaginer un seul instant que c'était normal? Qu'il m'avait rendu normal, heureuse, aimée, oui aimée, après tout c'était tout ce que je cherchais et tout ce dont j'avais besoin.

Le lendemain, j'avais réussi à m'éclipser beaucoup plus facilement que je ne le pensais, il n'y avait personne. Je décidai de marcher jusqu'au café, j'essayais de ne pas penser parce que je savais que je ferai demi tour si j'écoutais ma raison. J'arrivai devant l'établissement, et comme d'habitude il était presque complet. C'était une adresse incontournable de Nevsky Prospekt et on y servait les meilleurs medovic de la ville. J'entrai en retenant ma respiration et un serveur m'accueillit avec un sourire.

- Bonjour Mademoiselle, vous devez être Jade Baranov?

Andrei avait pris les devants, apparement il n'avait pas changé. J'étais en sécurité, je n'avais rien à craindre de lui, j'étais seulement venue pour avoir une discussion et des explications, rien de plus, après ça je ne le reverrai plus jamais.

- Oui c'est moi.

- Venez, suivez-moi, votre oncle vous attend.

Mon oncle? A cet instant, je voulais faire demi tour et rentrer, mais je croisai son regard et ma vie avec lui défila dans ses yeux. Il se leva et se plaça à côté de la chaise vide, se préparant à me la tirer pour que je m'installe. Il n'avait pas changé, rien avait changé, sa coiffure parfaite était la même, il portait toujours un élégant costume, il avait la même posture, comme si rien ne s'était passé, comme s'il n'avait pas été se faire aider pendant tout ce temps. Son regard était aussi le même, et c'était ce qui m'interpellait le plus, comment pouvait-il me regarder ainsi après tout ce que je lui avais écris?

Je suivis le serveur comme une automate et tirai moi même la chaise pour m'asseoir.

- Jade... Je suis... Comme tu as changé.

J'avais préparé tout un discours, je savais exactement ce que je voulais lui dire et comment je voulais le lui dire mais j'étais sans voix.

- Tes cheveux sont magnifiques, leur couleur...

- Pourquoi? le coupai-je.

Il me regarda, ne semblant pas comprendre et pour la première fois, je me mis en colère.

- Pourquoi est-ce que tu m'as fais ça?

- Qu'est-ce que je t'ai fais Jade? demanda t-il.

- Quoi...Tu... Andrei, tu m'as tout pris, mon innocence, ma famille, ma vie, tu m'as violé, tu m'as séquestré, tu m'as rendu folle et tu m'as fais croire que c'était moi le problème! Tu m'as tout pris, tu m'as fais croire que tout était normal, que c'était ça l'amour, et je t'ai cru parce que je te faisais confiance! Tu avais tout planifié, tu savais déjà ce que tu allais me faire n'est-ce pas, tu le savais?

Avais-je hurlé? Vu les nombreux regards tournés dans notre direction, c'était surement le cas, mais je m'en fichais, je voulais qu'il me réponde.

- Qu'est-ce que tu racontes Jade? Je ne t'ai jamais fais de mal, je t'ai tout donné, une meilleure vie, une éducation, une culture, des loisirs, une vie, chose que tu n'avais pas avec ta famille. Je t'ai sauvé Jade, voilà ce que j'ai fais, et si c'était à refaire, je le referai.

J'eus la nausée à ces mots, était-il sérieux? Etait-ce vraiment ce qu'il pensait?

- Qu'est-ce qui est arrivé à tes parents, tu as vraiment quelque chose à voir dans leur mort?

- C'est Catarina qui t'en a parlé je suppose, je t'ai dis qu'il ne fallait pas que tu aies confiance en eux. Je ne supporte pas l'abandon Jade et c'était ce qu'ils comptaient faire! Je suis désolé d'être parti si longtemps, je sais que tu as souffert et j'en suis désolé Jade, je n'ai jamais voulu une seule seconde que tu souffres.

- Tu es malade Andrei...

- Je t'aime Jade.

- Tu es un monstre, jamais je ne te pardonnerai ce que tu m'as fais, au début c'était difficile, tu étais la seule personne présente pour moi, la seule personne que je pensais aimer. Alors tu m'as manqué, malgré tout, j'étais prête à te pardonner... Mais en réalité, tu ne regrette rien, tu ne réalises pas tout ce que tu m'as fais subir, je ne savais même pas ce que c'était d'avoir ses règles que tu m'avais déjà volé ma virginité. Tu es un sociopathe, je ne veux plus jamais te voir.

- Non Jade, pardon, s'il te plait, ne me laisse pas, pas encore, je ne le supporterai pas...

Je me levai et il me retint par le bras.

- Lâche-moi tout de suite, c'est fini! Je vais me marier avec Dimitrei, il m'a fait sa demande et j'ai accepté, je ne porterai plus ton nom, je n'aurai plus aucun lien avec toi!

Je me dégageai facilement étant donné qu'il était sous le choc et je sortis du café. A peine avais-je mis le pied dehors que je me mis à courir. Je n'avais eu aucune réponse, il ne m'avait rien dit, il n'avait pas changé. Il répétait qu'il m'aimait, qu'il n'avait rien fait d'autre que de m'aimer, mais ce n'était pas ce que je voulais entendre, ce n'était pas ce que j'avais besoin d'entendre.

Est-ce que lui même savait pourquoi il avait agi de la sorte? Est-ce que je pouvais épouser Dimitrei sans savoir qui j'étais à présent? Qui j'étais seule, sans Andrei, sans personne pour me dire quoi faire? Je m'arrêtai devant notre ancien appartement, j'étais si émerveillée la première fois que j'étais arrivée à Saint Petersbourg, mais tout était faux, c'était une prison dorée que m'offrait Andrei.Je me rendis compte que je pleurais lorsque plusieurs passants ralentirent à mon niveau et me regardaient. Je n'arrivais pas à m'arrêter, mon coeur menaçait d'exploser alors je me mis à hurler, hurler tout ce que j'avais subi, hurler ma peur, ma lâcheté, ma culpabilité, hurler mon mal être.

***********

- Jade! Jade! Réveille-toi!

Je sens qu'on me secoue, alors j'ouvre les yeux et croise le regard d'Adam. Adam? Je regarde autour de moi, et me souviens que je suis chez lui, à Inverness, dans sa maison familiale, et que je viens de faire un cauchemar. Je me redresse rapidement et le regarde de nouveau. Est-ce que j'ai hurlé?

- Tout va bien, tu es en sécurité, dit-il.

La porte est ouverte et je croise le regard inquiet de sa mère et surpris de son frère Padraig.

- Je... Je suis désolée, pardon.

- Ce n'est rien, tout va bien, tout va bien, répète t-il. Tu n'as rien à craindre...

- J'ai réveillé tout le monde...

- Non, pas du tout, maman et Padraig ne dormaient pas, ne t'inquiète pas. Tu veux un verre d'eau?

- Je dois partir, c'était une erreur, je dois partir!

Je sors du lit et ramasse les quelques affaires que j'ai sorti.

- Il est presque quatre heures Jade, tu ne peux pas partir.

Je ne l'écoute pas et je me dirige vers la porte qui est fermée à présent mais il me bloque le passage.

- Jade, je me doute que... Tes nuits ne doivent pas être de tout repos, et je t'assure que tu n'as réveillé personne. Je passais devant ta porte lorsque j'ai entendu des bruits étouffés alors je suis entré. Reste s'il te plait, il est tard, il fait froid et tu ne trouveras rien dans le coin.

- Tu ne comprends pas, tu ne peux pas me sauver Adam, tu ne peux rien faire pour moi, alors n'essaye pas...

- Je ne veux pas te sauver Jade, je pense que tu es la seule capable de le faire, mais je veux être là, rien de plus.

- Je ne peux rien faire! Comment je peux effacer toutes ces choses, dis-moi comment?!

Il reste silencieux quelques secondes.

- Tu vois, tu ne sais pas quoi répondre parce qu'il n'y a pas de réponses. Adam, il y a quelques semaines, la seule chose que je voulais c'était mourir, mais je n'arrivais pas à passer à l'acte, je m'accrochais à l'idée que j'étais libre et que je pouvais faire ce que bon me semblait. Je voulais juste mourir pour ne plus avoir toutes ces images dans ma tête. Je ne veux plus avoir toutes ces images dans ma tête! Je ne veux plus voir Andrei me violer à quatorze ans! Je ne veux plus voir tout ce sang et comprendre que je viens de perdre un bébé, puis un autre encore alors que je n'étais qu'une gamine! Je ne veux plus voir Dimitrei me sauver pour mieux me détruire! Je ne veux plus, tu comprends? Je ne veux plus! Je veux mourir...

Son regard ne change pas, contrairement à ce que j'attends, rien ne change. Il s'approche doucement et me serre dans ses bras, fort, comme pour me faire sentir que j'existe et que je suis en vie. Lorsque mes premières larmes atteignent son épaule, il resserre son étreinte, et je comprends qu'il a raison. Au fond de moi je sens un lueur de vie, et dans ses bras, j'ai envie de m'y accrocher...

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Bonjour,

Je suis vraiment désolée de ne pas avoir publié de suite pendant presque un mois. J'ai été malade mais ça va mieux aujourd'hui. Je reprends le rythme de publication habituel, soit une partie par semaine. Je voys remercie de tous vos messages, ils m'ont beaucoup touché.
❤️❤️❤️