Chapitre 11
Quarante neuf jours...
Je sais que je ne serais pas prête, mais je pense pouvoir atteindre au moins trois de mes cinq objectifs.
Hier je suis allée chez le Dr Peters sans cacher les cicatrices de mon cou et mes bras. Il n'a eu aucune réaction même si son regard s'est posé de longues secondes sur mes marques. Il fallait que je le fasse une fois avant d'aller à mon cours de krav maga de ce soir.
Après avoir effectué quelques recherches, j'ai découvert que, Adam Campbell, était commissaire dans la police criminelle de Londres, exactement ce que je veux. L'intérêt, bien que minime, qu'il m'a porté lors de ma première séance, me laisse penser que je peux l'intéresser, à moi donc de jouer le jeu. Je me suis enfuie comme une voleuse la première fois, mais ce soir, je compte bien avancer, les jours passent beaucoup trop vite...
J'entre dans le gymnase déjà plein et Kate me rejoint rapidement.
- Jade, je suis heureuse que tu sois revenue, dit-elle avec un sourire. Je suis désolée si je t'ai mise mal à l'aise avec l'exercice...
- Non ça va, j'ai juste eu... enfin il fallait que je sorte, mais tout va bien, je suis prête aujourd'hui.
- Super alors, je te laisse aller te changer.
Je me dirige vers les vestiaires et je mets un tee-shirt à manches longues qui ne couvre pas mon cou et rejoins le groupe. Je sens les regards sur moi mais je me concentre sur ma respiration et me mets à côté d'Adam Campbell sans le regarder.
- Bonjour Jade, dit-il après quelques secondes.
- Bonjour.
Encore une fois ma voix est à peine audible, respire Jade, respire.
- Comment ça va?
Je sais qu'il me regarde alors je fais un effort pour lever les yeux et croiser son regard. Deux magnifiques yeux bleus, deux saphirs brillants, rieurs et doux, tout le contraire de Dimitrei. Je veux baisser le regard par habitude, mais j'ai l'impression que, pour une fois, je peux ne pas le faire. Finalement je détourne le regard, les menaces de Dimitrei hantant toujours mon esprit.
- Je vais bien merci et toi?
Kate le coupe dans son élan en nous demandant de rejoindre nos groupes respectifs. Je m'échauffe avec le groupe cette fois-ci, et la séance commence. Kate me met en binôme avec une autre femme du groupe, Deepali, et nous répétons les exercices en échangeant des banalités. Lorsque nous nous arrêtons, elle soulève son tee-shirt et me montre une énorme cicatrice qui lui barre le ventre.
- Mon mari m'a fait ça il y a un an, commence t-elle. Je n'aurais jamais cru sortir de cette spirale infernale un jour, ma famille était de son côté et j'étais seule... Ca m'a pris du temps mais j'ai pu le quitter, mais le plus difficile ça a été l'après, j'étais hantée par son ombre, sa voix, ses mots, aujourd'hui je commence seulement à revivre et à accepter qu'on m'approche. Je sais que c'est difficile, mais je suis sure que tu vas y arriver, il y a quelque chose dans ton regard, quelque chose qui prouve que tu es encore vivante, termine t-elle avant de s'en aller.
Je la regarde se diriger vers les vestiaires, souriant à tout le monde et riant joyeusement. Un an, ça lui a pris un an pour avoir ce visage, un visage qui ne trahit rien du tout. Peut être qu'une fois que tout sera terminé, si je suis encore en vie, je prendrai le temps qu'il faudra pour avoir ce sourire. Je remarque qu'Adam se dirige aussi vers les vestiaires alors je récupère mes affaires et sors tranquillement du gymnase, sachant qu'il est derrière moi. Je me dirige vers la station de taxi à proximité mais il me rattrape et marche quelques secondes à ma hauteur avant de parler.
- Tu rentres en taxi?
J'opine en silence.
- Où est-ce que tu habites? demande t-il.
- Chelsea, dis-je d'une voix claire pour la première fois.
- Moi aussi, quelle coïncidence! Si tu veux je peux te ramener chez toi?
Je m'arrête instantanément, un sentiment d'oppression s'emparant de moi.
- Je vais te chercher ton taxi, excuse-moi, ce n'était pas très approprié, je ne voulais pas t'effrayer.
Il commence à traverser la route qui nous sépare des taxis stationnants. Qu'est-ce qu'il m'arrive? Je fais ça pour une seule raison, tous les hommes ne sont pas comme Andrei ou Dimitrei, j'ai besoin de le faire, il le faut...
- Adam.
Il se retourne, même si je n'ai pas parlé très fort, et revient vers moi.
- Je veux bien que tu me ramènes, je comptais aller prendre quelque chose à manger, alors... Enfin si tu veux, tu...
Je n'arrive pas à terminer ma phrase, pathétique.
- Je comptais faire la même chose, dit-il en souriant. Je connais un excellent jamaïcain, ça te dit?
Il sourit et encore une fois son visage s'illumine, j'ai presque envie de sourire aussi.
- Je ne connais pas mais je veux bien goûter.
- Ok, je suis garé juste là, allons-y!
Si je ne savais pas qu'il était commissaire de police, je ne serais jamais monté avec lui, mon coeur bat déjà la chamade et le trajet se fait sur un fond musical. Nous arrivons devant un restaurant animé de Camden, et Adam salue un homme à l'accueil, le propriétaire me dit il, et nous nous installons à une table.
- Je te conseille le jerk chicken, tu aimes les plats épicés?
Je le regarde, dans les yeux... Dimitrei avait eu les mêmes mots une fois, lorsque j'avais été vivre chez les Romanov.
*************
- Jade, aujourd'hui il est temps que tu découvres ce que tu aimes et ce que tu n'aimes pas.
Après les semaines cloîtrées dans ma nouvelle chambre, Dimitrei s'était mis en tête de me faire découvrir toutes les choses qu'une adolescente de mon âge devait connaître. Il avait appelé cette mission, " les premières fois". Ça avait commencé par la junk food, comme on l'appelait, j'avais eu le droit à tous les fastfood de la ville, j'avais presque tout goûté, tout ce que Andrei répugnait, burgers, pizzas, fritures, pâtisseries en tout genre, et j'avais mes préférences. Après ça, j'avais été dans tous les meilleurs parcs d'attractions du pays, tous sans exceptions et c'était la première fois que je quittais Saint Petersbourg depuis que j'y étais arrivée des années plus tôt. J'avais pratiqué tous les sports et activités qui pouvaient m'intéresser selon lui et mon coup de coeur avait été pour la danse classique, j'avais écouté toutes de sortes de musiques, du rock au rap, de la pop à l'électro, du jazz à la salsa, et les sonorités latines et le solo de guitare de Slash dans November Rain m'avaient tout de suites plu.
Une année entière à me découvrir, avec l'homme qui avait tenu sa promesse, Dimitrei Romanov avait été ma lueur après ces années sombres, il avait été mon souffle de vie, celui qui m'avait fait rire, chanter, danser, celui qui m'avait fait sentir, ressentir, vivre, celui qui m'avait sauvé.
Il m'avait expliqué qu'Andrei avait été se faire soigner en Suisse et qu'il reviendrait quand il irait mieux, et que si j'avais besoin de parler de ce que j'avais vécu ou si je voulais déposer une plainte, je ne voulais pas, il m'accompagnerait voir les meilleurs psychiatres du pays. Catarina regardait notre relation d'un oeil sévère, mais elle ne disait rien, et je n'avais pas compris à l'époque pourquoi elle avait cette réaction, elle qui avait été si maternelle avec moi.
Andrei m'avait écrit plusieurs lettres dans lesquelles il me demandait comment j'allais et si je profitais de ma nouvelle vie. Il espérait que je n'avais pas arrêté le piano et l'équitation, il me disait de ne pas oublier tout ce que j'avais mis si longtemps à apprendre et il espérait que nous nous revoyions, lorsqu'il irait mieux. Dimitrei ne voulait pas que je réponde, mais face à mon insistance, il avait accepté d'envoyer mes lettres. J'essayais de le rassurer pour qu'il se concentre sur sa guérison, ce n'était pas de sa faute s'il avait eu cette attitude avec moi, il était malade, alors ce n'était pas vraiment de sa faute n'est-ce pas?
J'avais repris l'école pour ma dernière année et j'avais obtenu mon diplôme de fin d'études. Dimitrei était une nouvelle figure masculine de confiance, une référence pour moi, il avait changé l'image que j'avais des hommes à mon âge, il m'avait appris que j'étais la seule décisionnaire de mes actes, que mon corps m'appartenait. Il m'avait appris à l'aimer de nouveau, à le redécouvrir et à en disposer comme je le souhaitais.
Notre relation ne m'avait pas inquiété ni interpellé parce qu'il avait exactement la même avec Nina, sa nièce, alors pourquoi aurais-je dû m'inquiéter?
Je m'étais inscrite à l'école supérieure de management de l'université de Saint Petersbourg sous les conseils de Dimitrei. Je ne savais pas du tout quoi faire alors je l'avais écouté, j'avais dix huit ans et lui trente, il savait beaucoup plus de choses que moi, et je pourrais toujours changer si ça ne me plaisait pas comme il disait.
C'est à ce moment là, lors de mon entrée à l'université, que son attitude avait changé. Il m'ignorait la plupart du temps, je ne le croisais que quelques minutes le matin et il partait rapidement, mais avec Nina il avait toujours le même comportement. Elle me disait qu'il ne fallait pas que je fasse attention, qu'il était juste ronchon mais j'étais sure que c'était autre chose. Son attitude avait changé et j'avais l'impression qu'il était en colère contre moi, mais je ne savais pas pourquoi. J'avais changé je le savais, mon corps avait changé je faisais plus femme et j'avais pris quelques kilos, mes cheveux étaient long et ondulés et les reflets roux que j'avais plus jeune avaient laissé place à une couleur auburn et mes yeux étaient plus brillants qu'avant, plus vivant, je me sentais mieux, je me sentais bien.
J'avais donc décidé de l'attendre un soir pour discuter. Lorsqu'il rentrait du travail, il allait directement dans son bureau alors je m'étais installée et je l'avais attendu jusque tard dans la nuit.
- Jade? Qu'est-ce que tu fais ici? dit-il surpris.
- Il faut qu'on discute. Est-ce que j'ai fais quelque chose de mal?
Il me regarda perplexe puis son regard s'assombrit.
- Arrêtes de raconter des bêtises, sors s'il te plaît, j'ai encore du travail.
- Pourquoi tu m'ignores? Qu'est-ce que j'ai fais?
- Rien, sors Jade.
- Pas tant que tu ne m'auras pas dis ce qu'il se passe! insistai-je.
Jamais je n'aurais osé hausser le ton avant lui, mais c'était aussi une des choses qu'il m'avait permise de faire librement.
- Qu'est-ce que tu veux que je te dise? J'ai du travail c'est tout! Tout mon monde ne tourne pas autour de toi!
- Tu ne me parles plus, pourquoi?
- Laisse moi!
- Pourquoi Dimitrei!
- Parce que tu me plais trop, pas comme tu devrais me plaire, pas comme ça!
Je le regardai incrédule, je lui plaisais?
- Tu vois? Ta réaction est normale Jade, je ne suis pas censé t'aimer, tu es comme Nina, tu fais partie de la famille maintenant...
Mon coeur battait vite, trop vite, est-ce que c'était ce que je ressentais depuis tout ce temps? De l'amour? Je ne sais pas où j'avais trouvé la courage de parler, c'était surement sa présence qui me donnait des ailes, comme ça avait été le cas depuis le début.
- Tu me plais aussi Dimitrei...
**********
- Jade?
J'ouvre les yeux et croise le regard bleu d'Adam.
- Excuse moi, oui j'aime les plats épicés dis-je.
Il me fait ce sourire qui illumine son visage et j'arrive à chasser les souvenirs qui viennent de me submerger.
- Alors dis-moi qu'est-ce qui t'amène à Londres?
J'observe son visage, sa mâchoire est carrée, il a une barbe courte et une légère cicatrice sur le coin de sa bouche. Je me demande comment il s'est fait ça? Surement dans le cadre de son travail et peut être qu'il en a d'autres? Que c'est pour cette raison que les miennes ne le répugnent pas? Son nez a dû être cassé plusieurs fois, mais ça lui allait bien, il avait un grain de beauté sur la joue droite et...
- Tu regardes tout mais tu évites mon regard, dit-il doucement stoppant ma contemplation.
Contemplation? J'étais réellement en train de l'observer ouvertement, mon Dieu, comment je peux me laisser aller à ce point? Ce n'est pas normal, ce n'est pas moi.
- Je suis désolée, je... Je vais y aller, il vaut mieux.
- Non reste s'il te plait, ça ne me dérange pas que tu me regardes, ne t'en fais pas. Si tu veux je vais parler de moi pour commencer et puis tu pourras m'en dire un peu plus sur toi, ça te va?
Il n'attend pas ma réponse et boit une gorgée de son cocktail avant de commencer.
- Donc je m'appelle Adam Campbell, quatrième du nom, je suis écossais. J'ai trente huit ans, je suis commissaire à la crim' depuis trois ans maintenant et je suis venu à Londres pour ça. J'ai quatre frères, ils travaillent dans l'entreprise familiale, je suis un peu le vilain petit canard de la famille, mais on est très proches et je les aime beaucoup et j'ai douze neveux et nièces, douze petits diables! termine t-il en riant.
Sa famille a l'air superbe, je l'envie et il semble très proche d'eux, il n'arrête pas de sourire lorsqu'il parle de sa famille et c'est quelque chose qui me rassure, je ne sais pas pourquoi.
- Je suis ici pour vivre une nouvelle vie, dis-je à mon tour.
On nous apporte nos plats et il plonge son regard dans le mien. Je m'autorise à le regarder et j'ai l'impression qu'il me transmets des ondes positives, je vois quelque chose de sincère, quelque chose qui me bouleverse.
- Une nouvelle vie? répète t-il
- Une première vie...
Son téléphone sonne et son visage s'assombrit.
- Je dois y aller, j'ai une urgence au boulot...
- D'accord, vas-y je vais rentrer.
- Je te dépose en chemin, dit-il.
- Non, ne t'en fais pas, je vais prendre un taxi, ça a l'air important alors vas-y.
Il prend sa veste et l'enfile en me regardant les sourcils froncés.
- Est-ce que je peux t'appeler plus tard? demande t-il en me tendant son téléphone.
Je tape mon numéro et lui rend avec un sourire.
- Bon courage.
Il me fait un clin d'oeil et sort rapidement après avoir dit quelques mots au propriétaire. Je me sens seule d'un coup et une petite voix me murmure qu'Adam Campbell sera plus qu'une partie de mon plan, beaucoup plus...
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