
18- Dans les bois
Ils sillonnèrent les hautes herbes et les fougères en fleur, accompagnant le soleil dans son arabesque quotidienne. Le silence et le marquage paisible des sabots dans la terre officiait depuis l'aube. Fourbue et affamée, Louise retenait ses revendications depuis deux bonnes heures.
- Quand est-ce qu'on arrive ? craqua-t-elle enfin.
Orion, une main négligemment posée sur sa cuisse et les deux rênes dans l'autre, ironisa :
- Je me demandais combien de temps tu allais encore pouvoir tenir.
- Je n'en peux plus. J'ai le dos en compote, la gorge en feu, et...
- Je voulais dire sans parler.
Louise roula des yeux.
- Très spirituel, vraiment. Alors ? Quand est-ce qu'on...
- Dès que nous trouvons de l'eau.
Louise retint sa langue, une insulte sur le bout des lèvres.
- Excellente nouvelle, répondit-elle à la place. Et comment comptes-tu accomplir ce miracle ?
Deux mètres plus loin, Orion se retourna pour lui offrir une moue exaspérée.
- Evidemment, dit-il d'un ton méprisant. Ça non plus, tu ne sais pas faire. Pour trouver de l'eau, il suffit d'identifier les pistes qui mènent à elle. La mousse, par exemple. Les traces d'animaux, ou encore l'inclinaison du terrain. Mais ça ne fait aucun doute que...
- Arrête-toi, ordonna Louise.
Sans attendre sa réponse, elle descendit -plus ou moins dignement- de sa jument pour se précipiter vers une bande de boue. Elle s'accroupit, observa le relief sur la terre humide, puis conclut :
- Des traces de sanglier. Cinq ou six, d'après les empruntes. Et là, dit-elle en désignant l'herbe, des chevreuils. Je pense que si autant d'animaux sont passés en si peu de temps à l'heure du diner, il y a sept chance sur dix qu'ils se rendent à un court d'eau. Nous devrions suivre leur piste.
Orion la dévisageait de son perchoir, l'air méprisant de son visage disparu pour laisser place à une expression indéchiffrable.
- Tu n'es pas si inutile que tu en as l'air, lâcha-t-il.
D'une flexion du poignet, il orienta sa monture sur la direction des traces.
- Surtout, ne m'attends pas, grogna Louise.
- Rassure-toi, ce n'était pas mon intention.
Elle ignora sa remarque pour enfourcher sa jument, une main prudente accrochée à sa crinière. Une légère pression des mollets, et sa monture empruntait l'allure tranquille du pas.
Alors qu'ils slalomaient entre les ronces et les feuillus, la mousse s'amoncelait sur le tronc des arbres. Le terrain déclinait en une pente abrupte, Louise craignait la chute. Orion la devançait de plusieurs mètres, couché en arrière sur sa selle, le bassin amortissant les choc de la décente.
Elle jeta un oeil à sa besace de cuir. Roulé en boule, le renardeau sommeillait , le museau appuyé sur les coutures du sac.
Le cheval trébucha sur une pierre, déséquilibrant sa cavalière d'une brusque secousse. Louise, emportée vers l'avant à chaque foulée, glissa par dessus la selle pour chevaucher l'encolure de sa jument. Elle s'accrocha à sa crinière avec force, limitant la catastrophe à une position incongrue.
Un ricanement siffla devant elle.
- Un peu plus et tu dévalais la pente, se moqua Orion.
- Au moins, je ne serai pas là à supporter ta présence, répartit-elle.
- Dans l'histoire, c'est plutôt moi qui supporte la tienne.
Elle ouvrit la bouche pour riposter, mais il la devança :
- Pour tenir sur ta selle, je t'ai déjà dit de te pencher légèrement vers la croupe. En descente, il faut carrément te coucher en arrière.
Louise rechaussa ses étriers et suivit son conseil. Les chocs diminuèrent, les souffrances s'amoindrissaient. Elle concentra son regard vers le bas du vallon. Les chevaux gagnèrent un ruisseau limpide aux reflets verdâtres bordé de pierres tranchantes. La Taral, entrainée par un courant énergique, serpentait le creux du vallon dans un clapotis régulier. Orion descendit de cheval.
- Le coin sera parfait pour la nuit. Je te laisse ramasser du bois pendant que je pars poser des pièges.
Louise acquiesça, ravalant l'angoisse de la solitude qui enflait dans sa poitrine. Elle étendit une main hésitante vers l'encolure de sa jument.
- Reste sage, je vais mettre pied à terre.
Elle atteint le sol sans encombre, et sourit à la sacoche de cuire.
- Tu vois, Férao, je commence à maitriser les principes de base.
Le renard ouvrit un oeil endormi, puis coucha les oreilles en arrière, le poil hérissé. Il gronda, les babines relevées sur des crocs déjà menaçant. Ses pattes grattaient le cuir, cherchaient à sauter du sac. Soudain, il s'immobilisa, poussant un jappement de douleur.
- Doucement, articula Louise d'une voix calme. Tu es blessé, tu ne guériras jamais si tu t'agites comme ça.
Elle le rejoignit au ralentit pour le saisir à la taille. Férao se débattit furieusement, la mâchoire claquant à trois millimètres de son bras.
- Je ne te veux pas de mal, l'apaisa-t-elle avec douceur. Regarde, je vais te poser par terre.
Elle le souleva de la sacoche pour le déposer sur l'herbe humide. Elle ôta ses mains de sa fourrure pour s'éloigner de ses crocs. Férao traina sa patte cassée dans la direction opposée, ses iris d'ambre rivées sur Louise.
- Tout va bien, répéta-t-elle. Je te laisse tranquille.
Louise s'attela à la corvée de bois avant que l'obscurité n'engloutisse la forêt. Le regard vigilant du renardeau lui transperçait les omoplates. Au moindre faux mouvement, il lui sauterait à la gorge ou lui fausserait compagnie.
Louise se redressa, le poids de sa récolte lançait ses muscles tendus.
Une main lourde s'abattit sur sa bouche, bâillonnant le cri qui mourut dans sa gorge.
***
Un chapitre calme pour ce dimanche soir, mais, croyez moi, ce n'est que le début (ou plutôt la suite) des ennuis. Notre brave Louise n'a pas fini de se mettre dans le pétrin, la pauvre petite (sourire sadique). Elle en bave (et va en baver héhé) des litres et des litres, et c'est pas Orion qui risque de l'aider.😏
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