12- Fuir ou mourir
Les reflets lunaires éclairaient ses traits durs et son pourpoint sombre. Louise se paralysa sous l'horreur de la vision, et le couinement des rats résonnèrent dans son esprit. Son souffle s'accéléra, comprimé dans sa prison de tissu. Fuir. Fuir. Fuir.
- Je crois n'avoir pas été assez clair, articula le jeune homme avec une lenteur calculée. Louise Bars est avec moi, et vous ne pouvez rien y redire, mon oncle.
- Cette jeune fille provient tout droit du monde des humains. C'est pour elle que vous avez fait le déplacement jusqu'à la capitale, expliqua Elzéar de Saint-Ange avec une dangereuse tranquillité.
Angélus fronça les sourcils.
- Je croyais l'humaine au fond de vos geôles.
Le masque rigide du duc se fissura un instant et l'embarras pointa dans sa voix grave :
- Elle s'est enfuie ce matin.
Louise, tétanisée, sondait les tréfonds de son esprit pour y élaborer un échappatoire. Selon le plan établi, elle devait tout nier en bloc dans le cas où les choses s'envenimeraient.
- Une humaine court dans le duché de Bellador ? Feignit-elle la panique, la voix tremblante.
- Ne tentez pas de mentir, votre visage parle pour vous. Il y a eu, certes, une amélioration, concéda le duc d'un regard approbateur. Mais c'est bien vous la petite gueuse d'hier après-midi.
- Votre altesse, supplia-t-elle à l'encontre d'Angélus, ses accusations sont fausses !
La panique grimpait en elle comme le mercure d'un thermomètre en feu. Les pupilles du prince sondèrent son oncle parfaitement droit, puis cette jeune femme éperdue.
- Il n'y a qu'un seul moyen de connaître la vérité, fit-il enfin. Sur quelles terres habitez-vous ?
Les rouages de son cerveau fonctionnaient à plein régime, l'adrénaline brûlait ses membres engourdis par le froid, et la terreur du noir arracha de ses lèvres une réponse hasardeuse.
- Sur les terres de Bellador.
- Comment s'appelle l'Empereur, mon père ?
- Azazel de Saint-Ange.
Les informations défilaient dans son esprit à un rythme effréné; sa survie dépendait de sa mémoire.
- Citez-moi un autre duché de l'Empire.
- Le duché de Valmond.
- Combien de marquisat sont soumis à l'autorité du duc ?
Son masque de bourgeoise ignare s'écrasa au sol. Le dernier rempart s'effondra. Le front moite et la gorge sèche, Louise laissait les secondes s'égrener, incapable d'articuler le moindre mot.
- J'attend votre réponse, claqua Angélus, la posture droite et les mains nouées derrière son dos.
Le muscle supérieur de sa mâchoire tressautait. Sous l'éclat blafard de la lune, une myriade de diamants écrasés teintait ses cheveux blonds, et l'ange devint démon.
- Cinq, souffla Louise au hasard.
Il la contemplait, elle et son imposture, et lâcha comme à regret:
- Arrêtez-là.
Les soldats fondirent sur elle, leurs bottes de cuir frappant le sol d'une rigidité martiale. Le cauchemar des geôles humides l'enveloppa de son parfum de pourriture, la happant au milieu des rats et des hurlements nocturnes. Accolée à l'entrée du labyrinthe, ses ennemis se déployaient autour d'elle pour lui couper tout échappatoire.
Une ombre se matérialisa à ses côtés, mains dans les poches et sourire nonchalant aux lèvres.
- Si j'étais vous, je m'abstiendrais, conseilla-t-il d'un ton léger. C'est une ilune.
La voix moqueuse d'Orion tira la jeune fille de sa léthargie. Elle leva ses bras devant elle, paumes tendues, et parla avec force :
- Si vous avancez, je vous brûle vivant.
Les soldats se pétrifièrent, serrant d'une poigne tremblante leur lance pointée vers le ciel nocturne. Ils échangèrent une oeillade indécise.
- Qu'est ce que ça veut dire ? Gronda Angélus dont le calme s'étiolait de minutes en minutes. Je croyais que l'humaine n'avait aucun pouvoir.
- Mes imbéciles d'espion ont omis cette partie de l'affaire, maugréa le duc.
Angélus reporta son attention sur les deux soldats qui se livraient à un conflit intérieur.
- Qu'est ce que vous faîtes ? Interrogea-t-il sèchement. Dépêchez-vous de l'attraper.
- Votre altesse, glapit un garde, c'est une ilune !
Il s'étouffa à demie en prononçant le dernier mot. Angélus releva un regard agacé sur Louise... pour ne rencontrer que le vide.
- Ils se sont enfuis, rugit-il. Dépêchez-vous de me les rattraper, bande d'incapables ! Vous pouvez tuer le garçon, mais je veux la fille indemne.
Et les deux hommes s'élancèrent entre les haies verdoyantes
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