Chapitre XXVII
La pièce avait des allures d'auberge. Une longue planche de chêne posée sur des tréteaux tenait lieu de comptoir. Quelques tables tachées de cire et couronnées de quelques résidus de chandelles, des chaises et des tabourets disparates étaient disposés par ailleurs. Et Lyren avait aperçu une enseigne à l'entrée. Plutôt un bout de bois grossier couvert de peinture écaillée, sur lequel on pouvait tenter de déchiffrer les mots « La Taverne ». La découverte de l'intérieur avait ainsi confirmé le décryptage de la pancarte, de même que le manque d'inspiration du propriétaire.
Si la ferme de ce dernier avait des allures d'auberge, l'homme, en tout cas, ressemblait bien à un fermier. Il avait ce teint hâlé des gens qui vivent au grand air, des braies et des sabots maculés de boue et des manières comme un parler très campagnards. « C'te carriole, pouvez l'avoir, pour sûr braves gens, baragouinait-il. Mais, voyez, c'comme qui dirait ma première carriole d'mon jeune temps, 'ritée d'mon paternel, voyez. Y a l'petit cœur qui pince pour s'en séparer.
-La charrette bringuebalante que vous nous avez montrée ? s'esclaffa Artemus. Sérieusement ? C'est une aubaine pour vous que nous ayons été volés et que nous ayons tant besoin d'un moyen de transport. Votre père a dû en faire bon usage en son temps, pour sûr. Tout ce que vous pouviez encore espérer en tirer, c'est du bois pour le feu. Un écu, ce serait déjà cher payé, je vous en propose cinq. »
Derrière ce front épais et ces petits yeux luisants couvait une forme d'intelligence entièrement vouée au lucre, semblait-il. « Pas faux, brave guerrier. Pas faux. Mais va ben falloir aussi l'tirer l'chariot. Moins qu'vous l'fassiez vous-même, j'vous file un bon canasson avec. Ça fait donc cinq plus... trente. Trente-cinq écus, à vue d'nez. »
Il l'a senti, qu'on avait les poches pleines... Nous ne nous sommes même pas présentés comme étant templiers. Lyren ne cessait de découvrir la nature humaine. Ce voyage était un perpétuel enseignement, et ce qu'il apprenait n'avait pas de quoi le ravir. Il en venait même, parfois, à se demander si l'humanité ne méritait pas ce septième Fléau. Mais le Vieux Lion ne s'émouvait pas pour si peu. « C'est une belle somme que vous demandez là ! grogna-t-il. Certes, les voleurs ne nous ont pas pris notre cagnotte, mais à ce prix-là, vous nous fournirez deux chevaux. Ce ne sera pas de trop avec ce qu'ils auront à tirer.
-J'ai b'soin d'mes ch'vaux moi aussi, pardi ! Mais j'aurais p't-être ben une rosse en plus à vous donner, pour... dix écus en plus.
-Il n'y a donc que des voleurs dans cette région ? M'étonnerait pas de retrouver notre précédente charrette planquée dans votre grange. Peut-être aussi que vous êtes en train de nous revendre nos propres chevaux, allez savoir... »
Je ne m'étonne plus de voir avec quelle aisance il use de baratin...
Un éclair d'inquiétude passa dans le regard du fermier. « 'Tention l'ami. M'insultez pas. C'est vous qu'avez b'soin d'ce chariot. Moi, j'fais qu'aider des gens dans l'besoin. »
Mais il avait perdu un peu de son assurance. Peut-être se rendait-il compte qu'il était seul face à deux hommes en armes. Oh, il devait avoir une tripotée de fils et de filles quelque part, d'après le tintamarre, mais un gosse avec une fourche, devant un guerrier avec mailles et épée... Une poule devant un renard. Le rustaud cupide déglutit. Et Artemus sourit, carnassier, sans aucune pitié. Après tout, l'autre allait s'enrichir sur le compte de l'Ordre. « Vous aurez quarante écus, car je suis bon prince. Et pour cette somme, vous me donnerez charrette, chevaux, mais aussi vous couvrirez le véhicule d'une bonne toile cirée, épaisse. Elle sera assez grande pour être fermée de tous côtés. Nous voulons pouvoir nous abriter par mauvais temps, comme nous préserver du soleil lorsqu'il cuit trop fort. »
Le propriétaire sentit qu'il avait épuisé sa réserve de bonne fortune, car il tendit la main pour toper. « M'faudra juste un peu d'temps, pour vous bricoler ça.
-Attendez, intervint Lyren. Comme il va nous falloir patienter pendant vos préparatifs, vous nous fournirez le gîte. Tant que votre bricolage ne sera pas terminé, nous logerons chez vous sans frais. » L'autre, de la sorte, ne perdrait pas son temps pour achever la besogne. « Je crois que vous avez des chambres ?
-C'est-à-dire, nous avons un dortoir, sous les combles.
-Eh bien c'est parfait, nous réserverons l'ensemble du dortoir, moi et mes amis, conclut Artemus, qui avait bien saisi l'idée de son jeune ami. Nous arriverons dans la soirée. »
Le Vieux Lion tendit la main à son tour. Le fermier hésita. « Bon, très bien, mais vous paierez en plus le manger et le boire.
-Bien entendu. À demi prix. » Une ferme poignée de main conclut l'accord. « Oh, et vous auriez de l'herbe à fumer ? »
Sur la route creusée d'ornières qui quittait le hameau, dans les lueurs orangées de l'après-midi, Artemus fumait avidement. On aurait dit un vieux dragon. Un vieux dragon d'humeur légère.
« C'est la perspective d'un lit qui te rend si joyeux ? demanda Lyren.
-Ma foi, je me disais : voilà trop longtemps que je n'ai manifesté de joie. Et quelle meilleure occasion aurons-nous avant longtemps ? Alors oui, tu peux me blâmer si tu veux, mais je suis content. Il fait beau, j'ai à nouveau le loisir de fumer, nous mangerons autre chose qu'une barbaque coriace et dormirons sous un toit... et puis nous pourrons bientôt voyager de jour et dormir la nuit, comme tout bon tristien ! » Lyren baissa la tête. Il sentit poindre une ombre de sourire, mais il ne creva pas la surface et resta invisible. « Je ne pleure pas frère Gabriel moins que toi, tu sais, soupira son vieil ami. Mais pleurer ne le ramènera pas. Et nous n'en avons pas encore fini avec tout ça. Nous devons demeurer concentrés sur notre mission, et pour cela nous avons à la fois besoin de manger et de dormir pour prendre des forces.
-Je sais. Je ne te blâme pas. Je crois simplement qu'il va me falloir encore du temps avant de pouvoir manifester ma joie. »
La nuit du massacre le hantait. Pas un jour ne passait sans qu'il soit réveillé par des visions de flammes et de mort, sans qu'il revoie l'officier archiviste, les mains plaquées sur sa gorge béante, noyé dans son propre sang. Je l'ai laissé seul. J'ai découvert son flanc. La culpabilité le rongeait. Il aurait tant désiré pouvoir revenir en arrière et modifier les événements, éventuellement mourir à sa place. Il aurait été tellement plus utile que moi. Mais, sans vraiment le vouloir, il éprouvait aussi du ressentiment à l'égard d'Artemus. C'était lui qui avait pactisé avec le nosferatu, lui qui avait décidé de le défendre et provoqué toute cette horreur. D'un autre côté, son ami avait refusé de céder à l'attrait de la solution facile. Il s'était insurgé contre l'idée de corrompre une âme innocente pour apporter la preuve qui leur manquait au Cénacle. Et Lyren lui en savait gré. Artemus devait tirer le meilleur parti d'une situation qui le dépassait, les sortir eux, et tout le monde, d'un abîme de désespoir. En dépit de quoi il n'avait pas bradé ses valeurs. Qu'aurais-je pu faire d'autre à sa place ?
Et tandis qu'il réfléchissait, le Vieux Lion fredonnait un air paillard en tirant sur sa pipe à côté de lui. Je devrais l'admirer plutôt que de lui tenir rancune.
« Une fameuse idée que tu as eue, le coup du dortoir ! déclara Artemus.
-Comme je voyais l'affaire, ce type aurait pris son temps pour couvrir la carriole et on aurait moisi encore une semaine ou davantage dans ce trou humide.
-Si ça peut lui donner un coup de fouet. Et puis nous dormirons mieux, au moins pour cette nuit. »
En effet, pour l'heure, leur logis ne brillait pas par son confort. Mais, surpris par l'aube durant leurs pérégrinations, ils n'avaient guère eu le choix. Lyren ne pouvait nier que la perspective d'un toit pour la nuit le réjouissait, lui aussi. « Si nous avions négocié dans le sens de ce fermier, il nous aurait pris tout notre argent, notre or, et probablement nos cottes de mailles. L'entraide n'est-elle pas prescrite par Dieu ? Les hommes sont-ils donc si peu enclins à la vertu ? »
Au terme de la Divine Complainte, cette guerre qui avait déchiré la Terre et les Cieux, qui avait opposé Dieu et son plus bel enfant, Lucian, le Seigneur avait décidé de laisser les hommes en paix, de ne plus intervenir, de leur laisser le choix. Il avait dérogé à ce principe lors de l'ultime Fléau et avait envoyé aux mortels son propre fils, Tristan. Mais jamais plus il ne devait leur dépêcher ses anges pour leur montrer la voie. Ainsi, la vie était-elle une épreuve pour juger l'âme d'un homme.
« L'humanité est bigarrée, jeune frère, répondit Artemus. Tu t'étonnes encore de comportements tout humains, et moi, je m'émerveille de ton étonnement. Ton innocence peut être envisagée comme une tare, pour moi, elle est un formidable cadeau, qui me rappelle sans cesse que l'homme ne naît pas vil et que tout procède d'un cheminement.
-Il est vrai que je juge peut-être hâtivement. Je suis un privilégié. Je n'ai jamais manqué de rien parmi les templiers. Ces gens cupides ou sournois ont probablement souffert d'un mauvais terreau ou d'une mauvaise fortune.
-Mais Dieu est miséricordieux, et la rédemption est accessible à tous. »
Ils traversèrent un sous-bois d'épineux, puis la route émergea dans un nouvel espace de prairies ondulantes. Les deux templiers quittèrent son tracé pour se diriger vers une ligne de collines basses couvertes de halliers fleuris. Les couleurs vives de ces bouquets sauvages rutilaient comme des pierreries dans les ors du jour déclinant.
Ils eurent à gravir un escarpement abrupt pour qu'enfin, depuis le sommet, leur apparaisse le val boisé où ils avaient élu domicile. Ils dévalèrent la pente, puis s'engagèrent sous les ramures, dans un lieu haché d'ombres épaisses et de puits déversant les flots ocre d'une soirée estivale. Là, au creux du vallon, ils pataugèrent dans une eau placide et vaseuse pour atteindre le pied de l'autre versant. Au ras de la surface striée d'ondulations, bruissait une vie virevoltante et dansante que la lumière révélait par éclats fugaces.
La caverne qui leur tenait lieu de cachette n'était pas bien vaste. Elle devait servir de tanière à l'occasion. En attestaient des poils ici et là. Deux hommes à peine pouvaient s'y tenir de front et elle s'engouffrait de façon irrégulière dans le ventre de la colline. Si l'on pouvait se tenir debout à l'entrée, le fond n'autorisait guère que la position accroupie.
C'était là, sous une couverture, que se reposait Corso, hors de portée de la clarté incandescente. Les autres vaquaient à diverses occupations. Estrella tressait l'abondante chevelure rousse de Mira. Rosie cueillait des fleurs et des fougères et brandit son bouquet bien haut pour leur montrer son ouvrage. Arrod paressait, étendu sur le seuil, la tête posée sur son manteau de voyage roulé en boule. Il se curait les ongles à la pointe d'une dague.
Lyren ne savait trop que penser du mercenaire, mais il ne parvenait pas à lui accorder sa confiance. Détestait-il davantage l'Église ou les « monstres », comme il les appelait ? Ne risquait-il pas de les vendre à la moindre occasion ? Et puis, ce qu'ils avaient découvert dans la cave du Rouge Royaume, le pillage qu'il s'apprêtait à commettre, n'incitait pas non plus à lui prêter foi. Le jeune templier craignait de se réveiller un jour et de constater qu'il avait disparu avec leur or, ou pire, de ne pas se réveiller du tout.
Les voyant arriver, le Cassim les gratifia d'un sourire. « Alors, du nouveau ? Vous avez trouvé quelque chose, cette fois ? Ce serait tout de même bien de trouver un damné moyen de transport avant d'arriver à destination, vous ne pensez pas ?
-Nous avons dégoté quelque chose, dit Artemus. Quelque chose de mieux que rien. Mais je crois que vous, vous marcherez à côté, pour surveiller et pour éviter d'épuiser l'attelage...
-Mes pieds ne craignent pas les lieues. La piétaille porte bien son nom. Dire que j'avais gagné un superbe palefroi... il aura péri dans les flammes, le pauvre. »
Lyren ne saisit pas l'allusion, mais n'en avait cure. Il s'assit à côté des deux femmes. De toute manière, ils ne bougeraient pas que le soleil n'ait bel et bien disparu derrière l'horizon. Et les journées tiraient en longueur à cette période de l'année...
« Tu vas bien Lyren ? demanda la Rose de Fer.
-Ça peut aller. Nous avons trouvé une charrette. Une ruine beaucoup trop chère, mais bon, nous n'aurons plus besoin de marcher toute la nuit et Corso pourra s'y abriter. »
Mira émit un soupir de soulagement. « Merveilleux ! Ma pauvre fille n'en peut plus. Et mes chaussons et mes bas ont piètre allure. Je ne sais combien de temps ils tiendront encore à subir un tel traitement.
-Et dès la nuit tombée, ajouta Lyren, nous irons manger un repas chaud et loger sous un toit.
-Youpie ! » s'écria Rosie, qui revenait auprès d'eux avec ses fleurs et ses herbes folles. Puis, avec une note d'appréhension : « Mais Méchante Maggie ne sera pas là, si ?
-Non, la rassura sa mère. Nous ne verrons plus jamais Méchante Maggie. D'ailleurs, elle ne sera peut-être plus jamais méchante non plus. Va savoir. » La gamine l'observa d'un œil empli de perplexité. « Mais dis-moi, c'est un beau bouquet que tu as là.
-Oui, c'est pour Corso. Personne ne l'aime. Tout le monde dit que c'est un monstre. Alors je lui ai fait un bouquet, parce que moi je l'aime. »
Mira prit la petite main de sa fille dans la sienne. « Je suis certaine que ça lui fera plaisir. Et je vais te dire un secret : moi aussi j'aime bien Corso. »
La petite s'était prise d'affection pour le nosferatu. L'innocence ne ment pas, songea le templier. Et l'instinct d'Artemus non plus. Le vampire lui donnait toujours des frissons dans le dos lorsqu'il le regardait et, cependant, il ne manifestait pas d'hostilité envers eux. Il paraissait même étrangement... humain. Le Vieux Lion s'entretenait d'ailleurs de plus en plus avec lui, seul à seul, avec chaleur, comme il l'aurait fait avec un camarade de toujours. Mais le jeune homme ne pouvait s'ôter de la tête que ces créatures avaient autrefois tué le fils de Dieu, après l'avoir torturé et cloué sur une croix. Et aujourd'hui encore, elles se repaissaient de ses semblables.
« Cesse de t'en vouloir pour Gabriel, lui souffla Estrella, maternelle, comme toujours.
-Pas un jour ne passe sans que je revoie défiler les images de cette nuit. Le temps apaisera peut-être la culpabilité, mais je pense que jamais je ne cesserai de regretter mon attitude.
-Tu as exactement eu l'attitude que l'on pouvait attendre de toi, Lyren. Tu as agi en templier, tu as fait front, tu t'es battu sans flancher... et tu as survécu. C'est une victoire en soi, au point où nous en sommes. »
Lyren la regarda achever une tresse. « Toi et Artemus paraissez surmonter tout cela si aisément.
-Ce n'est pas aisé, mais nous avons perdu tant d'amis. J'ai vu périr bien des sœurs, parfois dans d'horribles souffrances. Et Artemus a enterré nombre de ses frères, lui aussi. Si cela doit t'arriver, tu t'endurciras, toi aussi. Chaque nouvelle expérience nous permet de grandir.
-Je n'ose imaginer ce que toi et Artemus avez dû endurer. Artemus a connu la malédiction morganienne, a vu périr sa famille, a été contraint de fuir. Ensuite, il a participé aux plus horribles événements de deux croisades. » Il posa une main compatissante sur son épaule. « Quant à toi... je suis vraiment désolé pour le traitement que réserve l'Église à tes sœurs. C'est injuste, cette traque permanente, la torture et les bûchers. J'ai honte de le confier à présent, mais je me suis toujours méfié, imaginant sans doute que votre attitude devait en partie justifier cette cruauté, je ne sais pas. Mais maintenant je te connais, Estrella. Et si tes sœurs te ressemblent ne fut-ce qu'un peu, la tristienté devrait les accueillir de grand cœur et chanter leurs louanges plutôt que de les honnir de la sorte. »
Une lueur brillante s'alluma dans les yeux sombres de la Rose de Fer. « Merci, Lyren. Ta sollicitude me touche. »
Le jeune homme baissa timidement les yeux. « Je me demandais... comment intègre-t-on... comment es-tu devenue une Rose de Fer ?
-Ouh, voilà une longue histoire qui pourrait bien nous mener jusqu'à demain... » Elle sourit et fit naître des fossettes malicieuses au creux de ses joues. « Je peux essayer de t'expliquer ça simplement, voyons... Je suis née en Rhovéa, il y a de cela si longtemps que ça semble une autre époque. J'ai grandi dans une belle ferme, avec mes parents et trois sœurs. J'étais encore gamine lorsqu'une famine a frappé le pays et provoqué de nombreux troubles. La noblesse, vois-tu, n'a pas jugé bon de pâtir de la disette en même temps que son peuple... Tu as sans doute entendu parlé de Leslan de Kondrar. » Lyren fit une moue dubitative, ne parvenant pas à relier la consonance du nom à un souvenir précis. « Le Prince des Voleurs, précisa Estrella, aussi appelé le Chevalier Mendiant. »
Voilà qui faisait davantage écho à la mémoire du templier. « Bien sûr ! Il y a des contes à son sujet. Le défenseur rhovéan de la veuve et de l'orphelin.
-Moi aussi j'ai entendu ses histoires, intervint Rosie, occupée à trier les bonnes des mauvaises fleurs. C'est maman qui me les a racontées.
-Des contes ? Je ne suis pas si vieille que ça pourtant, si ? » Estrella s'amusa du malaise de Lyren. « La plupart des récits que vous avez entendus à son sujet sont vrais. Leslan était un chevalier déchu. Il avait aimé la mauvaise dame, maîtresse d'un prince jaloux. Il s'est insurgé contre cette noblesse dont il ne faisait plus partie et qui mettait le peuple à genoux. À voler aux riches pour donner aux pauvres, il s'est fait beaucoup de partisans... et aussi beaucoup d'ennemis.
« Mes parents, de prospères fermiers qui avaient cependant beaucoup perdu, ont soutenu sa cause. Un jour qu'il était traqué, il est venu trouver refuge chez nous. Lorsque la garde du seigneur est arrivée, mon père a été tué sans même qu'un mot soit échangé. Lorsqu'ils ont menacé de faire la même chose à ma mère, j'ai fondu en larmes et j'ai révélé la cachette de Leslan. Ils ont quand même tué ma maman, mais ils nous ont laissé la vie sauve, à moi et mes sœurs. » Estrella soupira. Son regard se perdait dans le bois de plus en plus sombre, comme à la recherche de vieux souvenirs enfouis. « Si vous connaissez les histoires du Prince des Voleurs, vous n'ignorez pas qu'il s'est échappé de façon spectaculaire, le jour prévu de son exécution. Les insurgés ont pris soin de nous, à la mort de nos parents. Aussi ai-je recroisé Leslan, après qu'il ait pris la fuite. J'ai craint qu'il ne me tienne rigueur pour l'avoir livré à ses ennemis. J'ai tellement appréhendé son regard ombrageux ! Le souvenir m'en revient avec tant de clarté ! Je me suis mordu la lèvre si fort que j'ai saigné. Mais au lieu de se fâcher, il m'a serré dans ses bras. Il s'est montré bon et compatissant, et il a pleuré mes parents avec moi. Ce jour-là, la preuve m'a été faite que le pardon est immensément plus puissant que la rancœur ou la vengeance. C'est lui qui m'a confiée aux Roses de Fer. Les sœurs soutenaient sa cause en Rhovéa. Elles lui paraissaient plus à même de s'occuper de petites filles qu'une bande de rebelles. Et je crois que, finalement, il m'a guidé vers ce qui s'est avéré être pour moi une vocation. »
Lyren n'en revenait pas. Estrella était tout droit sortie d'un conte. À vingt-quatre ans, il lui semblait avoir si peu vécu en comparaison de ses amis. « Et tes sœurs, tes sœurs de sang je veux dire, ont-elles suivi tes traces ?
-L'une d'elles a trouvé l'amour et vit une petite vie tranquille, entourée d'enfants, comme je n'en aurai jamais qu'en rêve. Les deux autres m'ont suivie en effet... » Sa voix s'éteignit, le temps de reprendre une inspiration. « Je... je les ai convaincues. L'une a été si malmenée qu'elle en est restée brisée, l'autre n'est plus de ce monde. » Elle planta ses yeux si profonds dans les siens. « Tu vois ? Je peux tout à fait comprendre ce que tu vis aujourd'hui. Et tu vois ? Je suis quand même là. Tout ça ne doit pas nous empêcher d'avancer. »
Le jeune templier fut envahi d'un élan de compassion pour son amie. Ce qu'elle venait de confier l'aidait à appréhender sa propre souffrance. Mais malgré tout, une noirceur subsistait au creux de sa poitrine. Peut-être plus encore que son sentiment de responsabilité dans la mort de l'archiviste, Lyren était rongé par quelque chose de plus glacé et profond : de l'effroi. Il avait combattu les créatures de la nuit, il les avait vues saigner. Mais, loin de le rassurer, ce constat ne les avait rendues que plus tangibles. Comme le condamné, qui voit enfin le fer dont est fait la lame du bourreau et l'éclat froid qu'il renvoie dans la lumière. « J'ai peur, avoua-t-il. Je ne vis plus que dans la peur. La peur de ne pas être à la hauteur de la tâche qui nous attend, la peur de ce que pourraient me faire nos ennemis, la peur qu'il vous arrive quelque chose, de vous perdre, toi et Artemus.
-Pas de courage sans peur. » Estrella lui sourit avec chaleur. « Tu es très courageux, Lyren. Très courageux. Et quoi que nous ayons à affronter, nous le ferons ensemble. »
Le soleil avait disparu derrière les hauteurs et la pinède s'était gorgée de ténèbres lorsqu'ils quittèrent leur abri de fortune. Arrod allait en tête, main sur l'épée, Corso fermait la marche, un bouquet de fleurs échevelées à la main. Ces deux-là se portaient mieux s'ils ne se parlaient pas. Comme souvent, le nosferatu épargnait la fatigue de la marche à Rosie en la portant sur ses épaules. Et la gamine ne se lassait pas de ce qu'elle prenait pour un jeu.
Ils regagnèrent la route. Corso observa les pieds sales de Mira. « J'ai pu rassembler quelques pièces, dit-il. Je te les donnerai pour te racheter des bas et de quoi te chausser dès que nous en aurons l'occasion. »
De la tête du groupe monta la voix du mercenaire. « Laisse donc. Je m'en occuperai. Pour ma part je touche une solde pour supporter ta compagnie. » Il renifla de mépris. « Par contre, je serais fort curieux de savoir où tu as pu dénicher tes piécettes. Probablement sur la dépouille de ton dernier repas ?
-Templiers, gronda Corso, je ne veux pas provoquer d'esclandre ni faire couler le sang. Mais si vous n'imposez pas le silence au Cassim, je vais finir par commettre un meurtre. Du moins pourrai-je étancher ma soif et épargnerai-je ainsi un honnête homme.
-La paix, Arrod ! intervint Artemus. Ne vous complaisez-vous donc que dans la provocation ?
-J'essayais simplement de mettre en lumière un aspect obscur de cette histoire de monnaie. » Le mercenaire haussa les épaules. « Si le monstre laisse Mira tranquille, j'arrêterai de lui parler.
-Cessez donc de vous disputer, supplia la jeune femme. Et, Arrod, cesse de dire qu'il est un monstre. Tu fais autant de peine à Rosie qu'à moi, lorsque tu l'appelles ainsi. »
La fillette caressa le sommet du crâne du vampire. « Ne l'écoute pas, Corso. Il n'est pas gentil et il dit des bêtises. Quand elle avait de l'argent, il était l'ami de Méchante Maggie. Maintenant, sieur Artemus lui donne de l'argent et il est ami avec lui. Quand nous aurons de l'argent, il sera gentil avec nous aussi.
-Tu es une gamine intelligente toi, dis donc. Tu comprends vite. »
Lyren devina que Corso souriait à la chiche clarté des étoiles. C'est vrai qu'ainsi, avec Rosie sur les épaules, il n'a pas tant l'air d'un monstre. Il ralentit l'allure et se laissa rattraper.
Le vampire tourna son visage vers lui, mais son regard demeurait caché dans l'obscurité. « Et vous, je ne vous fais pas peur ?
-Si, bien sûr. » L'autre ricana doucement. Il ne s'était probablement pas attendu à tant de franchise. « Mais les hommes, j'entends par là les mortels, me font peur aussi, parfois. Et vous, vous avez été un homme, n'est-ce pas ?
-Je ne suis... ce que je suis, que depuis une vingtaine d'année. Ça semble beaucoup et peu à la fois.
-Vous avez dit ne pas avoir choisi ce « changement ». Vous avez vécu, vous avez aimé...
-J'aime encore. » Sa voix avait le tranchant d'une lame. Se sent-il insulté ? Corso chatouilla sa cavalière, qui éclata de rire. « N'est-ce pas, ma mignonnette ? » Il soupira. « Mais c'est vrai que cela faisait très longtemps que ça ne m'était pas arrivé. Le monde de la nuit est beaucoup moins clément, moins propice à ce genre d'attachement. Les vieilles rancœurs ne meurent jamais, on n'oublie pas les griefs. Et puis, l'éternité, ça donne le temps de se lasser d'à peu près tout... »
Lyren n'avait jamais envisagé les choses de cette manière. « Et avant ça, quel homme étiez-vous ?
-Ah ! Un homme honorable, ou du moins simple et honnête. J'étais capitaine de la garde d'un puissant seigneur peledrien, avant que ne frappe la malédiction morganienne et que je sois... invité à partir. L'épidémie a bouleversé les équilibres du pouvoir. J'étais trop loyal au seigneur défunt et pas assez au nouveau.
-La malédiction ? Vous veniez de Peledraq ? »
Comme Artemus... Serait-ce la raison de leur rapprochement ?
« En effet, mais, contraint de fuir, je suis venu en Lyval. J'ai vécu dans cette région. Et j'y ai retrouvé l'amour, un foyer, mais j'avais perdu tout ce que je possédais. J'étais pauvre. Je ne voulais pas passer pour un mendiant et je ne savais aucun autre métier que celui des armes. La seconde croisade était une belle opportunité de me remplir les poches avant de demander la main de... » Les lueurs de la ferme se rapprochaient. Ils arrivaient à destination. « Si nous discutions d'autre chose que de vampires et de templiers ? Qu'en dites-vous ?
-Bien entendu. Vous avez raison. »
Ils pénétrèrent dans la salle commune. Une table était déjà occupée par des habitués, d'autres fermiers à en juger par leur dégaine. Le patron leur servait de petits gobelets d'alcool et trinquait avec eux. Sa femme astiquait une table à grands coups de chiffon d'une propreté douteuse. L'un de ses fils plantait derrière le comptoir et les lorgnait avec suspicion. Une fourche était posée dans un coin derrière lui, un hachoir sur la planche de chêne, à portée de main. Le reste de la fratrie se tient-elle en embuscade quelque part ?
Sa bouteille de gnôle toujours à la main, le propriétaire vint les accueillir. « Ben z'arrivez tard, dis donc !
-J'espère que vous n'en avez pas profité pour louer votre dortoir pendant notre absence, grogna Artemus.
-Non, bon m'sieur. Une parole, c't'une parole, pour sûr ! Pis j'ai pas encore tâté d'votre argent, hein. Ce s'rait quand même idiot d'ma part. Et on vous a gardé assez d'ragoût aussi. Z'irez dormir l'ventre plein. » Il fit un grand geste vers un escalier qui menait à l'étage. « Par là, si v'voulez déposer vos affaires, profiter un brin d'vos paillasses. »
Un peu de paille dans un sac de grosse toile ? Le lieu tenait ses promesses. Lyren ne s'était pas attendu à une literie digne de ce nom de toute façon. Ce sera toujours mieux que la tanière que nous venons de quitter.
Arrod et Artemus montèrent pour ranger leurs maigres possessions. Les marches grincèrent sous leurs pas. Pendant ce temps, les autres prirent place autour d'une table sur laquelle brûlaient quelques bougies larmoyantes. Estrella passa le bout du doigt sur sa surface poisseuse avec une moue dégoûtée. « Ils lavent avec quoi, de la bière ? murmura-t-elle. Ce n'est pas le grand luxe, mais laver à l'eau claire, c'est tout de même le moins que l'on puisse attendre, non ?
-Avec un peu de chance, nous partirons dès demain, dit Lyren.
-Tant mieux, marmonna le nosferatu, jetant des regards méfiants de tous côtés. Voilà trop longtemps que je ne me suis promené aussi librement parmi... parmi des gens. »
Le jeune templier hocha la tête. « Croyez-le ou non, je comprends tout à fait ce que vous éprouvez. » Il posa les yeux sur les mains du nosferatu. « Eh bien. Ça va mieux, vos brûlures. »
C'était une constatation, pas une question. Les paluches de Corso n'étaient plus bandées. Incroyable la vitesse avec laquelle il s'en remettait. Toutefois il conservait les cicatrices de ses chairs fondues. « Je ne souffre plus, grommela le vampire. Mais mes doigts n'ont pas retrouvé leur souplesse. »
Tout à coup, la porte s'ouvrit sur une silhouette tremblante. Il s'agissait d'un homme. Pauvrement vêtu, de nippes usées et crasseuses, il charriait une odeur plutôt désagréable. En dépit d'une forte stature, d'un visage vilainement couturé et d'une armure composite de mailles et d'écailles qui le désignaient comme homme d'armes, il avait l'air affolé. Ses protections, du moins, paraissaient bien entretenues. Il referma précipitamment la porte sur ses talons et ses yeux déments parcoururent la salle.
Haletant, il se dirigea vers un tabouret vacant, près d'une table vide. Mais le tavernier l'intercepta et le saisit par le bras. « Non, m'vieux, n'a d'la clientèle ce soir. Ramène pas ta vilaine gueule ici. Plus tu m'dois 'core de l'argent d'puis la dernière fois.
-J'ai ! J'ai d'quoi payer mon gars ! » Sa voix rocailleuse était cependant ponctuée d'accents flûtés. Il secoua des mains fébriles sur ses poches, sans parvenir à se calmer pour en sortir sa monnaie. « Laisse-moi, je t'en prie. Laisse-moi boire quelques pots. »
Le tenancier secoua sa tête dégarnie. « Non, c'est chaque fois pareil. Tu déranges les gens 'vec tes histoires d'esprits et d'fantômes. T'as pris un mauvais coup sur l'crâne. T'es pas un mauvais bougre, mais t'bois trop et t'finis toujours par embêter ton monde.
-Non ! Je promets, je me tais ! »
Mais l'autre le tirait déjà vers la porte et ses amis fermiers s'étaient levés, prêts à intervenir si nécessaire. Lorsque le patron ouvrit la porte sur les ténèbres du dehors, l'ahuri devint hystérique. « Nooon ! Pas dehors ! Pas la nuit ! Pitié, pas la nuit ! »
Tandis qu'il se débattait, son coude heurta le nez de l'aubergiste, dont la tête heurta la porte avec bruit. Ses copains rappliquèrent aussitôt, l'un deux brandissait une chaise, un autre un couteau.
Lyren bondit et s'interposa. « On se calme !
-M'sire, ronchonna le patron, z'avez vu, c'est lui qui m'a frappé !
-J'ai dit on se calme ! Ce pauvre homme a l'air perdu et terrorisé. Vous n'allez pas lui refuser un tabouret et un petit verre pour l'aider à retrouver ses esprits. »
Le propriétaire découvrit ses chicots, partagé entre la surprise et la contrariété. « Voyons, m'sire ! Je l'connais bien c'te maraudeur ! Y traîne dans la région d'puis des mois. Il erre, il fait peur aux gosses, pis raconte ses histoires à dormir debout... Pis aussi c't'un chapardeur et un malhonnête ! »
Tiens ! Vous devez bien vous entendre alors. « Le Seigneur nous demande miséricorde et dévouement envers notre prochain, vous n'avez pas oublié ? » Le templier se tourna vers le malheureux inconnu. « Vous avez de quoi payer ? Sinon je vous paie un verre, vous avez des histoires de fantômes à raconter, je crois.
-Oh non ! intervint le patron. Surtout pas l'parler d'ça ! »
Mais une lueur s'alluma dans le regard dément de l'homme au visage couturé. Il parut même se calmer quelque peu. « Oui, c'que vous voulez. J'vous dirai tout, mais j'veux rester à l'intérieur. J'veux pas sortir. Pas tant qu'il fait nuit. »
De mauvais gré, l'aubergiste referma la porte. Chacun regagna sa place. Lyren emmena son invité jusqu'à leur table et l'invita à s'asseoir. Ensuite il lui commanda une choppe. Lorsque l'homme eut ôté son manteau crotté et siroté sa première gorgée, il se calma.
Estrella plissa les yeux. « J'ai entendu parler d'un fou ou d'un sot qui arpentait la région, murmura-t-elle, lorsque nous en étions encore à investiguer autour du Rouge Royaume. Certains prétendaient même qu'il s'agissait du boucher de la ferme au charnier en personne. Serait-ce lui, notre ahuri ? »
Lyren hocha la tête. « Je m'en souviens. J'ai pensé la même chose. » Puis il se tourna vers le pauvre hère et lui parla avec douceur. « Alors, comment t'appelles-tu ? D'où viens-tu ?
-Ed... J'mappelle Édouard, mais tout le monde m'appelle... »
À cet instant, Artemus et Arrod descendirent de l'étage pour les rejoindre. Le mercenaire, découvrant leur mystérieux invité, s'arrêta net. « La Balafre ! »
L'homme au visage couturé de cicatrices leva les yeux et sa bouche s'ouvrit, mais resta muette de surprise.
« C'est toi, pas vrai ? La Balafre ?
-Comment savez-vous qu'on m'appelle ainsi ? »
Il se remit à paniquer, comme s'il s'apercevait soudain qu'il était tombé dans un piège, que les gens autour de lui étaient hostiles, en vérité. Mais le Cassim s'assit en face de lui. « Tout doux l'ami. Tu ne me remets pas ? » Il posa la main sur sa poitrine. « Arrod Shayran, on s'est rencontrés en Terre Sainte. Ton pote, sieur Guillaume de Peyrarc, et moi avons sympathisé, tu te souviens ? À Nassan, on s'est pris quelques cuites ensemble, bon sang ! Moi je me souviens de ta vilaine frimousse, en tout cas. »
Ed hocha peu à peu la tête. « Arrod... oui, oui, Arrod.
-Je suis venu dans la région, car vous m'avez fait appeler. Vous aviez soi-disant trouvé un bon job, bien payé, et son employeur désirait quelques lames supplémentaires. On avait rendez-vous à l'auberge du Rouge Royaume. J'ai pris du retard. Mais vous n'êtes jamais venu. Tu sais peut-être où il est ? Guillaume ? »
Mais l'autre secoua la tête. « Non... L'capitaine est plus là... Sieur Guillaume est mort... Ils sont tous morts...
-Qu'est-ce que tu racontes ?
-C'était pas un bon boulot, ça non. Je l'sentais jusque dans mes tripes. Elle payait bien, oui, sûr ! » Puis il se mit à chuchoter. « Mais c'était une hérétique. Mais bon, moi, j'ai jamais laissé tombé les amis. »
Une hérétique... « Vous êtes mercenaire, vous aussi, c'est bien ça ? demanda Lyren.
-Aujourd'hui, j'suis plus rien. Regardez-moi.
-Mais vous étiez mercenaire. Vous travailliez pour une dame. Et ce sont les fantômes qui ont tué vos amis, la nuit, dans une ferme. N'est-ce pas ? »
Corso plissa les yeux. La Balafre hocha la tête. « Oui ! Vous m'croyez ? Ils sont sortis du plus noir de la nuit. Les autres, l'capitaine, l'Enclume... ils ont rien su faire. Sont invincibles, voyez ? Ils ont même ri en les tuant... et moi... et moi j'étais pas avec eux. J'devais aller chercher pitance. Des œufs ou du fromage ou un demi poulet, qu'elle a dit... J'suis resté caché. J'aurais rien pu faire. Vous comprenez ? »
À l'évocation de ces événements, Ed se remit à trembler. Lyren posa la main sur son épaule. « Bien sûr, l'ami. Nous comprenons.
-Serait-ce un mercenaire de sœur Céleste ? » demanda Estrella, stupéfaite. Et le nom de la Rose de Fer provoqua de nouveaux tressaillements. « Mon Dieu ! Vous avez assisté au massacre de la Ferme au Charnier.
-J'essaie... j'essaie d'avertir les gens, bafouilla la Balafre. Mais je dois me cacher. Le jour, je ne les vois pas, mais la nuit... Ils surveillent encore cette ferme. Ils rôdent, ils observent. Je dois me cacher. Mais personne ne veut me croire pour les fantômes... Il y a eu un prêtre, mais il est mort lui aussi ! Il a disparu. Il est mort, pour sûr ! Mais vous, vous me croyez, n'est-ce pas ? Il faut le dire, il faut avertir les gens, envoyer des chevaliers, mais personne ne m'écoute...
-Nous, nous vous écoutons, dit calmement Artemus. Mais il faut arrêter de le crier partout. Ils vont finir par l'entendre.
-Je ne m'approche plus, ça non ! J'y vais plus. Je m'cache. Mais faut bien que quelqu'un intervienne. Je ne sais pas comment on combat les fantômes, mais il faut les combattre...
-Vous dites qu'ils surveillent la ferme ? Ils sont nombreux ? »
Corso s'éclaircit la gorge. « Je dirais un couple. En général, deux sentinelles sont déployées, assistées de quelques servants. Reste à savoir où ils se cachent exactement. »
Ed dévisagea le vampire sans comprendre. S'il savait qu'il est assis à la table d'un fantôme... « Ed, mon ami, vous savez peut-être où ils se cachent ? demanda Lyren. Aux abords de la ferme, je suppose.
-Oui... oui je sais. Vous savez combattre les fantômes ?
-Oui, nous savons. Mais vous devrez nous y conduire. »
Une expression d'un indicible effroi figea les traits de la Balafre. Il voulait dire non, il crevait d'envie de dire non... mais il garda le silence.
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