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Chapitre XXVI

Enfin !

Alessandro avait fini par croire qu'il n'y arriverait jamais. Mais cette fois il y était parvenu, il l'avait blessé, ce surprenant adversaire. Une véritable anguille. Vif, souple, jamais là où on l'attend... Il ne s'était pas douté de la qualité de l'autre champion en le voyant, avec son acier nu, son bandeau sur l'œil, et puis il n'était pas bâti comme un aurochs, ce Bluteynir.

Le pire, c'était qu'Alessandro se savait supérieur, tant par la force que par la vitesse. Il était un nosferatu après tout. Nul mortel ne lui avait jamais donné tant de fil à retordre. Et cependant, la précision et l'adresse de ser Tristifer lui avaient déjà valu trois blessures. La première, une estafilade derrière le genou, ne le gênait guère. Elle brûlait, mais le vampire était capable de surmonter la douleur. La seconde, par contre, lui avait éclaté le nez. Du sang empoissait son visage, menaçait de lui couler dans un œil et les attaches serrées du masque comprimaient ses chairs boursouflées. Enfin, la troisième le laissait légèrement boiteux. Le fil de la lame avait ouvert une plaie profonde et, chaque fois qu'il prenait appui sur la jambe gauche, la douleur irradiait de la cheville à la hanche.

Mais maintenant, c'est terminé. Il est blessé. Le combat est gagné.

Le faux magister s'était accordé un répit, afin de mesurer l'étendue des dégâts, de percevoir à quel point cette nouvelle blessure pourrait le handicaper. Toutefois ses réflexions furent interrompues par un nouvel assaut du champion helmïn. Il paraissait essoufflé pourtant... Son adversaire jaillit dans sa direction, reluisant d'acier mais à présent tête nue. Alessandro para une fois, deux fois, trois fois, son écu gémit, puis il rompit le contact et s'éloigna. Impossible de ne pas admirer la combativité, l'opiniâtreté de ce guerrier.

Heureusement que j'ai pu choisir l'épée aux saphirs.

Il avait accordé le premier choix à l'autre champion, bien entendu. Au pire, si ce dernier avait choisi l'épée enduite de poison, lui-même y était insensible, et de plus il ne pensait pas en avoir besoin, certain qu'il était d'avoir un large ascendant sur le mortel. Il aurait feint un duel honorable et enfin, éventuellement, il aurait perdu, espérant pouvoir convaincre Aymerad de provoquer un conflit par la suite, juste pour les beaux yeux, ou les jolies fesses, de lady Loredall. Mais il fallait aussi écarter son père d'abord... ce plan-là était plus complexe, en outre il nécessitait sa défaite. Le poison, par contre, lui permettait d'éviter ce genre d'embarras.

Mais au départ il était destiné à un prince.

L'empoisonnement d'un héritier aurait eu tôt fait de déclencher une guerre. Alessandro n'avait eu aucune difficulté à manipuler le prince Aymerad pour en arriver à cet affrontement, ça avait presque été trop facile. Certain qu'Aymerad aurait choisi cette épée et que, par contre, Léoric aurait évité le bleu Melkarande, le prince aurait pu être suspecté d'avoir usé du venin pour s'assurer d'avoir sa belle. Les soupçons se seraient naturellement portés sur lui, ou sur l'un des nombreux opposants à l'union entre les deux royaumes. En revanche il n'avait pas prévu ce recours aux champions. Encore heureux qu'il faisait nuit à présent et qu'il pouvait lui-même prendre les choses en main.

Le Bluteynir lui tournait autour, tel un prédateur épiant sa proie. Le nosferatu ne le quittait pas des yeux. Il l'avait déjà payé cher, mais il avait appris la leçon. Je ne commettrai plus l'erreur de sous-estimer un mortel. L'épée ennemie fusa, d'abord d'estoc, ensuite de taille. À l'abri derrière son écu, Alessandro para les deux attaques avant de tenter lui-même une pointe vers la tête nue. Mal lui en prit. Tristifer enroba si bien sa lame qu'il faillit la lâcher. Suivit un coup au poignet qui, s'il ne trancha pas, lui infligea une douleur cuisante et manqua à nouveau de lui faire perdre son arme.

Son amour propre en prenait un coup, il était forcé de le reconnaître. Ne plus prendre de risque. Attendre que le poison agisse. En principe, il devrait bientôt être engourdi. La toxine était lente à tuer et, en fonction du dosage, n'était pas toujours mortelle. Mais peu à peu, elle s'emparerait des muscles du Bluteynir, les soustrairait à sa volonté. Son cœur bat si vite, ça ne devrait plus tarder.

Et cependant ser Tristifer chargea derechef. Les lueurs frénétiques des flammes lui conféraient l'aspect d'un démon fulminant. Le magister anticipa son mouvement, mais sa jambe gauche le trahit, la douleur fusa, il fut un brin trop lent. En désespoir de cause, sachant pertinemment ne pouvoir esquiver l'impact, il leva son écu en retard. Le coup dévia, grinça sur l'arête du bouclier et vint percuter le masque.

L'espace d'un instant, il détesta être doté d'un nez. Un éclat blanc l'aveugla et il ne put retenir un râle. Le sang se répandit sous son masque et déborda dans son œil. Il eut beau cligner et secouer la tête, il était partiellement aveugle. Nous voilà à égalité je suppose... Il recula de quelques pas tandis que les vivats célébraient son adversaire. À croire qu'ils désiraient tous une victoire helmïn. Le roi Tybelt n'attend que ça, lui. Ils risquaient néanmoins d'avoir une drôle de surprise.

Durant presque tout le duel, le nosferatu s'était efforcé de rester du côté de l'œil aveugle du Bluteynir, sans obtenir beaucoup de résultats. Le jeune homme devait compenser son handicap par une adaptation de ses comportements martiaux. Et il était loin d'être idiot, car à présent qu'il avait remarqué que le magister était lui-même privé de l'usage optimal d'un œil, c'était à son tour de profiter de cet angle mort. Exaspéré, Alessandro en était réduit à tourner la tête, à se tordre le cou de façon peu naturelle. Il aurait bien arraché son masque, mais il ne pouvait pas.

Il y eut une nouvelle ronde, vers la droite. Le vampire pesta intérieurement. Rien ne le tentait plus que de forcer le contact, de rompre cette boucle qui l'obligeait à conserver une position inadéquate. Il était un guerrier lui aussi bon sang ! Né fils de chevalier, formé aux armes, et ensuite déshérité, il s'était fait mercenaire. C'était une autre vie... Mais il avait tout de même combattu à Lossoth et au cours de la rébellion Tyreön. Je suis un combattant avant d'être une éminence grise ! Et pourtant, il hésitait à passer à l'offensive. Après tout, le temps jouait en sa faveur.

Tel un serpent qui mord, l'autre se détendit et lança une frappe fulgurante. Le vampire para juste à temps. Ensuite, sans relâche, Tristifer se mit à le harceler, fit pleuvoir les coups, de gauche, de droite et, de temps à autre, en direction de son masque empoissé ou de son genou blessé. Son écu criait, hurlait. Le Bluteynir martelait encore et encore, tailladait, le contraignait à reculer. Furibond, Alessandro eut son compte de ce rôle strictement défensif et balança avec force son bouclier en avant. Ses deux précédents assauts de ce genre avaient à chaque fois déstabilisé son adversaire. Et, derrière lui, il tenait son épée prête à darder. Or, le Bluteynir ne s'y laissa plus prendre. Parfaitement positionné pour éviter d'être projeté autant que pour esquiver l'attaque qui suivit, il abattit ensuite son épée sur le coude du magister et enchaîna en lui balançant son propre bouclier. La douleur dans le bras gauche d'Alessandro le foudroya et, l'ombon au creux des côtes, il tomba à la renverse.

Les torches tournoyèrent à travers les fentes de son masque et il heurta durement le sol herbeux. Sans savoir ce qu'il faisait, où il allait, il roula pour empêcher Tristifer d'achever la besogne. Il évita ainsi d'être empalé au son d'une clameur enthousiaste, mais la maille céda dans son dos sous l'impact du terrible assaut et livra sa chair à une nouvelle morsure de l'acier. D'un bond il fut à nouveau sur ses jambes, mais son bras l'élançait à tel point qu'il n'arrivait plus à redresser son écu. Il est temps que ce combat se termine, sinon je n'aurai bientôt plus une goutte de sang à perdre.

C'est alors qu'il perçut un changement et que son espoir se raviva. Tristifer ne chancela pas vraiment, mais son œil se voila, il secoua la tête comme pour retrouver une vision claire. Sans perdre de temps, le nosferatu détacha son écu, qui le gênait, et fondit sur lui, tant qu'il en était encore à se demander quel tour ses sens lui jouaient. Ce fut au magister de harceler le Bluteynir, qui para vaillamment, mais de moins en moins vite. Il sembla à Alessandro qu'il avait pâli. Il est surpris, son corps le trahit. Aussi ne le laissa-t-il pas en paix. Et il redoubla ses assauts. Le champion helmïn dévia, esquiva, mais finit par encaisser un dur coup de garde sur la pommette, qui explosa et saigna. Ça c'est pour mon nez !

En quelques pas chassés, Tristifer recula hors de portée. Le mortel perdait du terrain pour la première fois depuis qu'il était passé à l'attaque. Tu t'es battu comme un lion, je dois le reconnaître, mais ce duel touche à sa fin. Et Alessandro poussa son avantage. Enfin, il avait l'occasion de frapper en y mettant toute sa force. Le bouclier à ombon cracha des esquilles. Les os du Bluteynir, sous le bois, devaient souffrir eux aussi. Le mortel releva soudain sa garde et tailla par-dessous. Un réflexe du magister lui permit de bondir en arrière juste à temps. Mais où puise-t-il ses ressources ?

Sa fureur en décupla. Il revint à la charge, frappa sans discontinuer, enchaîna les coups de lame, d'épaule, de pied. Tristifer était acculé, à bout de souffle, de plus en plus lent et néanmoins toujours combatif et ardent. Pas assez. Un coup de botte dans le genou le fit ployer. L'épée du nosferatu s'abattit ensuite de toute sa puissance sur son adversaire déséquilibré et le fit tomber. Les cris de stupeur de la famille royale helmïn et du rempart accompagnèrent sa chute. Alessandro fut immédiatement sur lui, un pied campé sur son bouclier pour l'empêcher de se relever, la lame prête à tuer.

Un « Nooon ! » jaillit de la gorge du prince Léoric et fit hésiter le magister. Tristifer en profita pour sectionner la sangle de son bouclier d'un coup d'épée qui lui entama également l'avant-bras. Puis il s'esquiva d'une roulade. Même si le prince paraît vaincu, le champion n'a toujours pas abandonné. J'ai encore une chance d'achever mon affaire. Tandis que Tristifer se remettait sur ses pieds, peinant à retrouver son équilibre, Alessandro lui balança un nouveau coup de pied qui le renvoya au sol. Et, cette fois, sans hésitation, sans même prendre le temps de réfléchir, il se jeta sur lui, pointe en avant suivie de tout son poids et de toute sa rage.

Le Bluteynir n'était plus assez vif. L'épée incrustée de saphirs perfora les mailles d'acier, le gambison, les chairs sous la clavicule gauche. Son fil glissa entre deux côtes, fendit tout ce qui se mettait en travers de son passage, y compris une nouvelle épaisseur de gambison et de mailles. Ser Tristifer se retrouva cloué au sol. Un cri de douleur s'échappa d'entre ses dents.

« C'est terminé ! intervint le prince Léoric. Ce combat est fini ! »

Le magister se redressa. Mais le Bluteynir refusait. Il secouait la tête pour protester, il avait lâché sa propre lame et, la main droite agrippée à la garde étincelante sertie de joyaux, il tentait de la retirer. J'ai rarement été témoin d'une telle bravoure. Ce mortel agonisant lui rappelait Malifar, le premier infant d'Agovar, le véritable héros de la guerre du Fléau. Un guerrier parfait habité d'un courage inébranlable. Il aurait fait un nosferatu terrifiant...

Léoric s'agenouilla auprès de son champion et tira de toutes ses forces pour retirer l'épée de son épaule et du sol. La lame était profondément enfoncée, mais il finit par y arriver, par refaire glisser un pied et demi de métal à travers le corps de son ami. Puis il jeta l'arme de côté. Le prince pleurait en silence. Tristifer ne cessait de secouer la tête. « Non... Mon prince... Je n'ai pas abandonné... Je n'abandonnerai pas...

-Tris... Je t'avais pourtant imploré. Tu ne dois pas mourir pour ça. »

La princesse Elenore s'était laissé tomber à côté de son neveu, les yeux noyés de chagrin elle aussi. Elle serrait la main de son Bluteynir contre sa poitrine, secouée d'irrépressibles sanglots, la gorge nouée. Le magister ne put s'empêcher de remarquer le peu de manifestations de joies pour sa victoire. Le mal va prendre racine, reste à le laisser grandir un peu.

Dans ce silence mêlé de malaise et d'horreur, le roi Aldric approcha à son touret se baissa pour porter lui-même ser Tristifer dans ses bras. Dagan vint à son aide, car il flanchait sous le poids de l'homme en armes.

Ser Wilforc, visage fermé, brandit à nouveau les bras vers le ciel. « Les dieux ont décidé de la victoire d'Alester, le champion du prince Aymerad ! » Puis il se tourna vers le roi. « Emmenez Tristifer dans mes appartements. Qu'il prenne mon lit. Je vais m'occuper de lui, j'arrive. »

La plupart des gens de la famille Thorn s'éloignèrent dans le sillage de leur champion terrassé. Le prince Léoric et lady Amelyn échangèrent un regard plein de détresse. Le dwynath, quant à lui, s'approcha d'Alessandro, que personne ne venait congratuler. Sans doute ne veulent-ils pas contrarier Tybelt. En effet, le roi lyvalien n'avait jamais serré les dents si fort et ses yeux semblaient deux perles de braises. Seul Aymerad dissimulait mal sa joie.

« Nul ne paraît se préoccuper de vous, magister, dit ser Wilforc. Vous avez pourtant disputé un beau combat. Vous avez défait notre meilleure lame.

-Je ne suis guère aimé. Mais on ne me paie pas pour m'aimer.

-Quoi qu'il en soit je puis vous aider. J'ai concocté un baume pour vos stigmates, et il ne ferait pas de tort non plus à vos blessures.

-C'est aimable à vous, mais je sais m'occuper de moi-même. Je crois que vous avez pour l'heure une tâche plus urgente. »

Son ami était cruellement blessé, mais le dwynath trouva malgré tout en lui la compassion pour lui adresser un sourire. Puis il se détourna pour rejoindre les siens.

Le reste de l'assemblée était comme pétrifié. La plupart des nobles hésitaient quant à l'attitude à adopter. Le duc Godfroy se claqua la bedaine et lança un puissant : « Quelle triste ambiance ! Si on allait fêter cette victoire en se bourrant la panse et en buvant jusqu'à plus soif ? »

Aymerad s'approcha de sa promise, lui prit délicatement la main et y déposa un tendre baiser. « Vous serez bientôt reine du plus puissant royaume du monde ma chère, lui glissa-t-il. J'ai hâte de voir venir le jour de nos noces. »

La jeune femme écœurée, effondrée, répondit néanmoins par un sourire poli mais sans joie. Le plus triste sourire qui soit... cette jeune femme est forte.

Le prince et son oncle étaient seuls à manifester quelque enthousiasme. Mais ce n'était pas le gain d'un peu de gloire parmi des mortels qui avait motivé ses actes. Je pense qu'Amadeus devrait être satisfait de mon travail. Après ceci, ses « petits écarts de jeunesse » devraient être vite oubliés.

Les diverses blessures du magister se rappelèrent soudain à lui, à présent que l'excitation de l'affrontement se dissipait, que la tension de l'effort retombait. L'arrière de son genou droit, sa cuisse gauche, son dos lui cuisaient. Mais le pire c'était ce nez obstrué de sang qui par deux fois avait été écrasé et que le masque continuait de comprimer. Son visage entier lui donnait l'impression d'être parcouru de veines de feu aux lentes pulsations. Toutefois, il ne pouvait pas encore se défaire de de sa face d'acier.

Un murmure agité s'étendit bientôt parmi seigneurs et chevaliers, aussitôt brisé par l'éclat froid et tranchant de la voix du roi Tybelt : « Que chacun regagne ses appartements ! Pas de fête et personne dans la grande salle ce soir ! Nous compatirons tous à la douleur de nos hôtes... » Il prit trois grandes inspirations, le temps d'observer sa reine, son fils héritier et son beau-frère, le temps de trouver le courage de prendre une décision. « Et faites vos bagages et préparez vos gens ! Nous partirons demain dès l'aube. »

Intéressant...

La rumeur enfla de plus belle à la suite de cette annonce. Mais tout le monde s'exécuta et déserta les jardins. Alessandro remit son épée souillée au maître d'arme royal et emboîta le pas aux Melkarande. Ils s'engouffrèrent dans le donjon enténébré. Un lourd silence pesait à présent autour de la maison du roi et donnait aux crachotements des torches des accents de fracas tonitruants.

Aymerad vint le trouver tandis qu'ils gravissaient les sombres escaliers. « Je ne regrette pas mon choix, chuchota-t-il, tu t'es bien battu.

-Merci, mon prince.

-Eh bien ! Tu caches de nombreux talents insoupçonnés, minion. Mon père peut grogner, tu seras justement récompensé pour ce que tu as accompli ce soir.

-Vous êtes trop bon. Je n'ai fait que vous servir. »

Le prince lui glissa le bras autour du cou. « C'est toi qui es trop bon. Nous n'avons pas acheté ton épée, mais ta science. L'une comme l'autre méritent salaire. Et l'autre champion était un redoutable bretteur ! J'ai bien cru que tu finirais en morceaux... Ce ser Tristifer cachait lui aussi un bon Dieu de sacré talent. Ni mon oncle, ni ser Lucas n'auraient pu rivaliser. » Un large sourire satisfait apparut sur son visage. « Et lady Amelyn est à moi ! Je connais bien des seigneurs qui me l'envieront. »

Ils atteignirent les appartements royaux. Tybelt convia sieur Lucas et sieur Cassien, le capitaine de ses gardes, à les suivre. Puis il se planta debout au milieu du salon qui leur servait d'antichambre. Personne n'osa s'asseoir dans l'un des fauteuils couverts de fourrures.

« Sieur Lucas, vous organiserez les préparatifs pour le retour et coordonnerez l'ensemble des maisons, ordonna le roi. Assurez-vous d'être prêt au plus tôt, demain matin. Nous nous réapprovisionnerons en route. Je ne veux plus être la source du moindre désagrément pour le roi Aldric. Sieur Cassien, informez l'intendance et organisez la garde. Je veux tout le monde fin prêt et les chariots chargés dès l'aube dans la haute cour. »

Les deux chevaliers s'inclinèrent et se retirèrent aussitôt.

« Père, vous renoncez au mariage ? demanda Cristal sans parvenir à complètement dissimuler l'espoir dans sa voix.

-C'est évident, il me semble. Vous pensez vraiment que les négociations pourront se poursuivre sereinement après ce soir ? Je venais avec toutes les bonnes intentions du monde et tout le monde, y compris ma propre famille, a conspiré contre la réussite de ce projet de mariage. » Il les observa tous, le regard plus noir que la nuit dehors. « Toi, Cristal, tu arrivais à peine que tu pleurnichais déjà. Le prince Eyled était soi-disant sans grâce ni distinction. Et toi, ma reine, tu as insisté pour que j'accepte ton frère parmi nous. C'était une occasion de nous réconcilier, de faire un pas vers lui... S'il n'a pas mis la main au drame d'aujourd'hui, il n'a en aucun cas aidé au bon déroulement des événements. » Il se tourna ensuite vers son fils aîné. « Et puis toi Aymerad ! Est-ce que mon fils aurait pour vocation de me couvrir de honte, de ruiner la famille et de détruire tout ce que je m'obstine à bâtir ? Non seulement ton indomptable queue te guide tout droit sur la femme dont s'était épris le prince Léoric, mais en outre, loin de respecter cette relation naissante, tu provoques un duel ! Un combat ! Bon sang ! Quand nous venons entériner la paix !

-Je n'ai pas provoqué ce d...

-Silence ! Détrompe-toi, jeune sot ! Tout ceci est ton ouvrage et je ne suis pas près de l'oublier. Tu m'épargneras le désagrément de ta voix et de ta présence jusqu'à... jusqu'à nouvel ordre. »

Un nouveau silence s'appesantit. Aymerad vibrait de colère et d'humiliation. En dépit de quoi il s'inclina aussi respectueusement que possible et se retira. Je dois moi aussi me retirer... Le corps d'Alessandro le faisait souffrir, mais son visage le torturait. Il esquissa lui-même une révérence et, ce faisant, ne put réprimer un gémissement, lorsque son dos le tirailla. « Mes excuses, Votre Grâce, pour avoir participé à ce drame.

-Les seules excuses que j'attends sont celles de mon fils. Vous êtes sa créature et vous avez fait preuve de loyauté. À mon sens, c'est plutôt une vertu. » Le roi soupira. « Et, contre toute attente, vous vous êtes bien battu. Vous avez besoin de soins. Retirez donc ce masque, je vais faire appeler mon médecin.

-C'est aimable, je vous remercie, mais je ne fais confiance à personne d'autre que moi pour s'occuper de moi.

-Voyons, c'est encore cette pudeur. Votre apparence a-t-elle donc tant d'importance pour vous ? Vous valez davantage qu'un visage détruit. Si l'on pouvait encore en douter, vous l'avez prouvé ce soir.

-Je vous en conjure, ne me forcez pas. »

Le souverain lui adressa un regard plein de commisération. « Bien sûr que je ne vous forcerai pas. Si je trouve votre honte à la fois excessive et déplacée, magister, je respecte néanmoins votre choix. Mais dans ce cas retirez-vous et soignez-vous. Prenez autant de repos que possible également, car demain nous reprenons la route. »

Alessandro s'inclina douloureusement. Ensuite il se retira, tandis que le roi réclamait de son épouse qu'elle supervise la sélection de présents aussi somptueux que possible à offrir à leurs hôtes, afin d'adoucir leur peine.

Heureusement, il disposait d'une chambre à lui, distincte des appartements royaux. Il entra et referma aussitôt la porte derrière lui en prenant soin de glisser le verrou. Sa fenêtre n'était pas orientée de manière à recevoir la pleine clarté de la lune, dès lors, la pièce était noyée d'obscurité. Il alluma une chandelle qu'il posa sur une petite commode, à côté de son lit. Ensuite, à force de pénibles contorsions, il retira sa maille et les diverses parties d'armure. Et, à son grand soulagement, il put enfin détacher les sangles du masque d'acier. Le faire glisser de son visage lui arracha un râle, car la face de métal était partiellement incrustée dans les chairs et le sang coagulé.

Un long soupir s'échappa de ses lèvres tuméfiées. Il s'assit sur son lit, ouvrit un tiroir du petit meuble et attrapa un miroir. Heureusement que nous régénérons d'à peu près n'importe quoi. Son si beau visage, ses traits fins, son charme dévastateur... tout cela était ruiné dans le reflet que lui renvoyait la surface de métal poli. L'arête de son nez était brisée, ses narines gonflées, l'un de ses si jolis yeux marron était cerné de replis boursouflés et violacés. Le tout pâtissait d'une apparence rendue plus horrible encore par ce sang collant qui le couvrait jusqu'au menton. Mes douces femmes me reconnaîtront-elles, lorsque je les retrouverai ? En principe, son corps aurait le temps de se soigner d'ici-là. Il lui faudrait juste du sang.

Alessandro avait toujours été séduisant, même avant de devenir immortel. Il souffrait presque plus de voir ses traits abîmés que des blessures elles-mêmes. Mais ceci n'était rien en comparaison du martyr qu'il avait dû endurer pour satisfaire le prince Aymerad. En effet, il avait eu beau jouer la carte du monstre hideux et pudique, la curiosité du jeune héritier n'en avait été que plus titillée. Ce dernier avait réclamé de voir son visage avec tant d'insistance que le faux magister avait compris qu'il ne lâcherait pas l'affaire. De plus, il avait été son premier et, pendant un temps, son unique soutien à la cour. Et puis, son témoignage devait étancher la curiosité des autres...

Afin de combler les appétits macabres du prince, Alessandro avait façonné ses soi-disant stigmates de fièvre grise à l'acide. Il s'était consciemment défiguré, s'était infligé une souffrance qui le faisait encore frémir aujourd'hui, rien que d'y repenser. Tristan a-t-il seulement souffert davantage, brûlé sur sa croix ? Aymerad avait été plus horrifié que ravi, mais du moins son caprice avait-il été satisfait. En principe, seuls le feu et l'argent provoquaient des blessures durables aux nosferatus. Mais Alessandro n'avait plus dormi paisiblement qu'il ne pût observer des signes évidents de guérison, terrifié à l'idée d'avoir ruiné sa propre beauté.

Plus jamais ça...

Ignorant le frisson qui lui remontait l'échine, il lança un regard contrefait à son reflet et sourit. Cette blessure, ça n'était rien après tout. Il eut même une pensée pour le courageux Bluteynir, qui était sans nul doute plus à plaindre que lui. Dans le tiroir, il récupéra des bandages et, à côté, une bassine d'eau ainsi qu'une serviette pour se nettoyer.

Il tamponnait doucement les contours de son nez à l'aide du linge humide lorsqu'un croassement le fit sursauter. Un corbeau venait de passer devant sa fenêtre. Cela lui rappela qu'il devrait peut-être envoyer un oiseau à Amadeus pour l'informer de la nouvelle situation. Ou alors j'attends de pouvoir mieux en observer les conséquences. Il ne disposait plus que d'un messager ailé à renvoyer vers son maître, avant de devoir recourir aux services d'un coursier.

Le nosferatu se leva et s'approcha de la croisée. De sa chambre, il pouvait voir une partie des jardins, que l'on avait débarrassés des torches, des remparts, des tours trapues, quelques dépendances, mais surtout, un océan de frondaisons plus noires que la nuit. Le message peut attendre, décida-t-il. Cependant, en son for intérieur, il avait l'inexplicable certitude que sa mission était accomplie.



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