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Chapitre XV

Léoric se sentait ridicule. Il n'avait jamais mis de parfum, ni tant brossé ses cheveux. Ses vêtements, un gilet de brocart noir à boutons d'argent et une simple chemise de lin, étaient ce qu'il avait pu trouver de mieux dans ses affaires, et encore le gilet était-il un peu serré. Il avait grandi depuis la dernière fois qu'il l'avait porté. Je ne me souviens même plus en quelle occasion. Mais voilà, ses fourrures et velours convenaient peu à la chaleur qui régnait aujourd'hui. Toutes les fenêtres du château étaient ouvertes et l'on souffrait néanmoins.

Il soupira en jetant un coup d'œil à son reflet. En Lyval, je passerais pour un paysan ou peu s'en faut.

Daena s'était invitée pour l'occasion. Assise dans un fauteuil bourré de coussins, elle l'observait depuis le coin de sa chambre. Un sourire tendre plissait son visage ridé d'une oreille à l'autre. « Tu es magnifique jeune prince. Tu as l'allure de ton père et la fraîcheur de la jeunesse. La petite demoiselle ne pourra pas te résister. »

Léoric rougit imperceptiblement. « Elle a grandi au palais de Haute-Couronne. On dit que là-bas, tous les seigneurs sont parés d'or et de diamants. Elle possède des robes qui doivent valoir cinquante fois le prix de ma plus belle tenue, confectionnées par les mains les plus habiles de Havre-Noble, avec les étoffes les plus fines de Candelia et les incomparables dentelles des cités marchandes... Je ferai pâle figure à côté d'elle. On me prendra pour son valet.

-Les tenues des dames sont toujours les plus onéreuses, dit-elle d'une voix amusée. Et si tu aimes vraiment cette jeune femme, une belle chemise et des bijoux n'y changeront rien. Être amoureux suffira, tu verras. » Elle émit un petit rire grinçant. « Lorsque ton grand-père vint me chercher, dans mon village kelde, il avait beau être roi, ça ne comptait pas. S'il ne m'avait plu, s'il n'avait été si enthousiaste à me faire la cour, il serait rentré bredouille, tu peux me croire. »

Daena, la reine blanche, était la dernière épouse du grand-père de Léoric, la mère d'Elenore. Elle leur était toutefois une grand-mère, de cœur sinon de sang. D'un âge vénérable, elle ne quittait plus que rarement ses appartements. Mais le prince s'était ouvert à elle, à elle seule, concernant son attachement grandissant pour lady Amelyn Loredall. Aussi avait-elle décidé de le prendre sous son aile.

En effet, à qui d'autre aurait-il pu se confier ? Père ? Trop occupé et déjà en train d'évaluer cette possibilité de mariage lyvalien. Et puis il me parlerait sans doute davantage de sens du devoir que de passion. Léoric doutait sincèrement qu'il se fût jamais épris de sa reine, qu'il eût simplement expérimenté le frisson de l'amour. Il a un cœur, ça oui, mais il bat pour le royaume et la justice. Mère ? Elle l'avait suffisamment mis en garde contre les « manigances » des Loredall, qui tentaient avant tout de faire oublier leur disgrâce et de recouvrer un statut avantageux. Et force lui était de reconnaître que lord Malvin n'omettait pas une occasion de lui vanter, au moyen d'une éloquence fleurie, les mérites de sa délicieuse sœur. Au souper par-dessus son tranchoir, au détour d'un couloir, au travers des brumes des étuves, il n'avait de mots que pour complimenter lady Amelyn. Il aurait fait un excellent négociant s'il était moins bien né. Cependant il semblait que cette dernière ne goûtait que modérément un tel débit d'éloges. Elenore ou Eyled ? Ils se moqueraient probablement de lui. Ils avaient le contact facile, ils ne comprendraient pas qu'il puisse se poser tant de questions au lieu d'agir. Et puis, leur excès de réserves à l'endroit des « rejetons de traîtres » n'incitait pas à la confidence.

En dépit de leurs frileuses appréhensions à tous, Léoric appréciait sincèrement la jeune femme. Pour autant qu'il pût en juger, elle n'avait rien d'une conspiratrice et sa vision des choses, subtil mariage de deux cultures, apportait un peu de fraîcheur dans ces vieux murs. Il considérait le fait qu'elle eût grandi à la cour lyvalienne comme une qualité qui lui conférait une grâce et des connaissances que chacun aurait dû lui envier. Et, en fin de compte, Daena s'était révélée être le bon choix. Elle-même avait été déracinée autrefois, en quittant son clan pour venir s'installer en un royaume étranger. Elle ne concevait aucun préjugé et, au contraire, l'avait rassuré, lui avait donné de bons conseils et cette idée de promenade venait d'elle.

« Approche, dit-elle, je vais te tresser les cheveux. Tu as beau être prince, tu es Helmïn. Et puis, j'ai été jeune moi aussi, et j'ai toujours trouvé que les tresses des guerriers avaient un côté sensuel. » Ses mains parcheminées n'avaient rien perdu de leur vivacité. Elle s'appliqua à lui nouer deux tresses, depuis les tempes jusqu'à l'arrière du crâne, où elle les joignit l'une à l'autre. « Tu as pensé à un cadeau ?

-J'ai trouvé cette pierre chez un artisan en ville. Je l'ai faite monter en sautoir. »

Le prince ouvrit son escarcelle et en sortit un pendentif. Au bout d'une chaîne d'or blanc, une fine résille de métal capturait une pierre bleutée taillée en forme de larme. La vieille reine l'observa d'un œil appréciateur. « Il est très joli, c'est un fait. Mais n'est-ce pas un peu triste, cette larme ?

-On peut pleurer de joie, se défendit-il. Et puis je me suis fié à tes conseils, j'ai choisi un cadeau qui me plaisait. »

Elle sourit et fit jouer le bijou dans la lumière. « Tu as raison. La jeune demoiselle a bien de la chance. Le premier cadeau que je reçus de ton grand-père avait un peu moins de charme. Il s'agissait d'un bouclier. » Elle rit à l'évocation de ce souvenir. « Il était peint d'un beau bleu et orné d'une patte griffue en bronze, l'emblème du clan Alycante. En fait il me plaisait, il l'avait choisi pour moi, et même si l'occasion ne s'est pas présentée souvent j'en ai fait bon usage. »

Léoric se souvint de ce que l'on disait de Daena. Lors de la guerre du Roi-Loup, aux portes de l'hiver et tandis que son père guerroyait au loin, elle avait pris la tête de la garnison de la capitale pour effectuer une sortie inattendue contre les razzieurs ennemis et récupérer de quoi tenir en cas de siège. Le roi Harulf, son grand-père, avait toujours aimé les femmes de caractère. Il tenta de s'imaginer cette vieille femme chenue, harnachée dans un haubert de mailles, son fameux bouclier à la main, fondant sur des adversaires incrédules. L'image le fit sourire.

Soudain, la porte de la chambre s'ouvrit pour livrer passage à deux furies velues. Bise et Hardi fondirent sur le prince, qui tenta de repousser leurs joyeux assauts d'affection tout en préservant au mieux le résultat de ses efforts pour se donner belle apparence.

« Tout doux les chiens ! s'écria Eyled en entrant à son tour, suivi de Soren, de Lyra et d'Ulwän et Benjohr Grimsïn. Laissez votre maître respirer, vous allez tout gâcher. Ce n'est pas tous les jours qu'il se donne les allures d'un prince. »

Voyant sa chambre tout à coup envahie, Léoric, animé d'un réflexe, récupéra précipitamment le pendentif et le fourra dans son escarcelle. Il se tourna ensuite vers ses visiteurs, le teint légèrement rosé. « Que venez-vous faire dans ma chambre ? »

Son frère prit un air faussement chagrin « Ne me dit pas que nous te dérangeons ? » Puis il sourit à pleines dents. « Nous nous demandions où tu te cachais, et puis, en cherchant un peu, nous avons découvert ce que tu mijotais. J'en étais sûr. Pas vrai, Ulwän, que je le répète depuis des jours ? La fille Loredall te plaît, n'est-ce pas ? Allez, avoue.

-Amelyn, elle s'appelle Amelyn. »

Mais Eyled sembla simplement noter qu'il ne niait pas et lui adressa un clin d'œil. Soren s'approcha pour caresser les chiens. « Moi et Lyra, on jouait avec les chiens quand Eyled nous a dit que tu te déguisais sûrement et qu'il fallait voir ça et qu'on pouvait venir voir aussi. Il avait raison ? Pourquoi tu te déguises ? »

Léoric rougit de plus belle et foudroya son frère du regard. Ce dernier eut néanmoins la bonne grâce de détourner les yeux, un peu mal à l'aise. Ce fut la voix grinçante de Daena qui répondit : « C'est ce que font les hommes et les dames pour se plaire l'un à l'autre. Tu verras, ton tour viendra, et plus tôt que tu ne le penses. »

Soren la regarda avec des yeux ronds.

« Il s'agit juste d'une promenade, déclara Léo.

-Mais tu nous raconteras comment c'était ? demanda Eyled, à nouveau goguenard. Je veux tout savoir. Si vous vous embrassez, si elle sent bon, si elle te montre son...

-Assez ! » s'emporta Léoric.

Il avait parlé plus fort qu'il n'aurait voulu. La nervosité lui faisait perdre son sens de l'humour.

« Laissez-le donc tranquille, intervint Ulwän avec le calme qui le caractérisait. Vous ne croyez pas que Léo est assez tracassé comme ça ? »

Eyled vint lui faire une bourrade amicale du coude. « Et toi, t'étais aussi tracassé, en Terre Sainte ?

-Ce n'était pas pareil, répondit Ulwän avec prudence, mais un soupçon d'orgueil dans la voix. Les filles que j'ai connues là-bas prenaient l'argent des croisés comme elles prenaient l'argent des païens avant ça. Et la seule que j'ai vraiment aimée, celle-là, son père et ses frères nourrissaient une telle haine à notre égard que je savais que nous n'avions pas d'avenir ensemble. » Il s'interrompit, les yeux perdus dans le vague, comme revivant un vieux souvenir, avant de reprendre, à nouveau souriant. « Mais je sais que lorsque ton cœur bat pour quelqu'un, ça peut devenir si fort que tu finis par perdre tes moyens. »

Parmi eux, il était l'aîné. Il avait été l'ami du défunt prince Deren, il avait voyagé avec lui, traversé la mer, le désert, il avait versé le sang d'adversaires, il avait partagé le lit de jeunes femmes exotiques. Lorsqu'il s'exprimait, il était écouté. Le regard d'Eyled brillait. « Que n'étais-je un peu plus âgé à l'époque, je serais bien venu avec vous en Terre Sainte.

-Tu ne sais pas ce que tu racontes, Eyled, lui dit son frère. Elmyr, ce n'est pas que la mer, les fruits sucrés, les épices et les femmes dorées par le soleil. Tu n'en serais peut-être pas revenu. Et Père et Mère auraient eu à enterrer deux fils au lieu d'un.

-Ou alors j'aurais été là pour sauver Deren et le ramener, bien vivant, à la maison. Et aujourd'hui, ce serait peut-être lui que l'on projetterait de marier à une princesse étrangère, et tu serais libre de courtiser qui tu veux. »

Un silence suivit ses paroles. Ulwän lui lança un regard sceptique et Eyled se mordit la lèvre. Il avait parlé sans réfléchir. Léoric ne lui en voulait pas, son frère était ainsi, emporté comme un torrent fougueux. « Tristifer n'a pas pu sauver Deren, tante Elenore non plus, pas plus qu'Ulwän.

-Je sais bien Léo, excuse-moi. La croisade n'a rien eu d'une fête, il y a eu le Gué, tout ça... mais bon, j'ai envie de voyager, de voir du monde, voilà tout. Ulwän a tant de choses à raconter. Moi aussi je veux découvrir des contrées lointaines. » Puis, l'œil brillant, il se mit à chatouiller Lyra. « Mais si notre sœurette se marie avec un prince lyvalien, nous aurons une bonne raison de voyager, n'est-ce pas ? Il paraît que c'est un si beau pays. Tu nous inviteras, hein, dis ? »

Au son de leurs rires, Léoric sourit à son tour. Cependant, Eyled avait avivé en lui une autre appréhension. Le roi Tybelt approchait, Père allait envoyer ser Tristifer à sa rencontre, avec une délégation pour l'escorter jusqu'à la capitale. Et avec lui arriverait sans doute une promesse de mariage. Le prince craignait de devoir briser ce lien tout récent qui s'était créé avec lady Amelyn, s'il devait ensuite se fiancer à une étrangère.

Il jeta à nouveau un regard à son reflet dans le miroir, rajusta le col de sa chemise, revérifia discrètement le contenu de son escarcelle. « Je vais devoir prendre congé. Vous aiderez bien Daena à regagner sa tour, n'est-ce pas ? »

Et il quitta sa chambre.

Le prince alla chercher lady Amelyn dans ses appartements, dans l'aile Nord. D'une certaine manière, il fut soulagé de voir qu'elle avait choisi une robe de monte rouge unie, de coupe plus simple qu'à l'accoutumée et plus pratique pour la promenade. Puis ils quittèrent le château et descendirent les venelles en lacets vers le cœur de la ville, suivis de Sturr et Reynar, leur escorte. Léoric n'avait pas voulu d'une voiture, ni d'un héraut ou d'un porte-bannière, il aspirait à quelque intimité. La présence des deux seuls gardes le mettait déjà mal à l'aise et, tandis qu'ils marchaient, c'est à peine s'ils échangèrent quelques mots.

Malgré tout, il prenait plaisir à cheminer en compagnie de la jeune femme. Il s'expliquait difficilement ce soudain attrait pour elle, il la connaissait si peu finalement. Mais, en plus d'une beauté indéniable, elle était dotée d'un esprit vif et charmant, leurs conversations éveillaient en lui un intérêt insatiable et son apparence calme cachait en vérité une ardeur enfouie. Elle nourrissait notamment une passion pour la nouveauté et trouvait de l'intérêt à tout ce qui l'entourait. Elle s'intéressait même à lui, en tant que personne, et pas parce qu'il était prince. Lui qui éprouvait tant de difficultés à parler de lui-même, il se surprenait parfois à lui confier des pensées toutes personnelles. C'était grisant. Il n'avait jamais rien connu de tel jusqu'alors.

Comme ils suivaient une rue si abrupte qu'elle se muait en escalier, la jeune femme détourna les yeux du semis de toitures étalées à leurs pieds et rompit le silence. « J'ai pensé à vous hier. » Elle s'amusa de sa surprise et s'expliqua : « Tandis que j'admirais la vue que l'on a depuis nos appartements, j'ai pu voir un corbeau. »

Quelques jours plus tôt, alors qu'ils bavardaient dans le jardin du château, Léoric lui avait confié que le corbeau était son animal lié. Elle lui avait aussitôt posé maintes questions à ce sujet, sur ce qui liait un homme à son animal, sur la symbolique du corbeau, de Gremor, le dieu des dieux, auquel il était associé, et s'était empressée d'admettre que la sagesse et le mystère, c'était lui tout craché. Elle s'en était amusée, lui en avait été flatté.

« Et vous a-t-il paru sage et mystérieux ? demanda le prince.

-Eh bien, ma foi oui, d'une certaine manière. Après quelques cercles élégants, il est venu se poser dans l'embrasure de ma fenêtre et m'a observée à travers la croisée d'un œil que je qualifierais d'évaluateur. C'est idiot sans doute mais... j'ai même pensé un instant que ça pouvait être vous. » Elle sourit. « Vous est-il arrivé de voler à nouveau ? Vous savez, comme lors de votre rite, ainsi que vous me l'avez expliqué ?

-Non... Enfin, je ne crois pas. En tout cas, je ne suis jamais venu vous épier à votre fenêtre, rassurez-vous. Mais j'ai parfois l'impression, en m'éveillant, d'avoir volé dans mon sommeil. Je serais cependant bien incapable de dire s'il s'agit de souvenirs de mon Daeraborn ou d'expériences similaires vécues durant la nuit. »

Le regard d'Amelyn s'alluma. « Quelle chance vous avez ! J'aimerais tellement savoir ce que l'on ressent là-haut, voler et voir le monde tel que vous me l'avez décrit, s'étalant d'un horizon à l'autre et se déplacer à son gré, sans obstacle ni contrainte. 

-Si je pouvais vous y emmener je le ferais volontiers. Peut-être Wilforc Kendal, notre dwynath, pourrait-il vous aider. Après tout, c'est lui qui m'a guidé lors du rite.

-Je ne manquerai pas de lui en parler. »

Ils atteignirent le bas de la crête et Léoric leur fit prendre la direction du marché. C'était toujours un endroit animé et chaleureux, les négociants venaient y faire des affaires, les citadins venaient y faire leurs achats et, par beau temps, les étals étaient deux fois plus nombreux de même que la foule. Aujourd'hui, elle était particulièrement nombreuse. Le brouhaha grandissant qui leur parvint, avant même de voir la vaste esplanade, ne leur permit pas d'en douter.

Les gens se pressaient aux étals et les marchands clamaient leurs prix et leurs bonnes affaires. Le soleil tapait dur et colorait les éventaires alignés de tons vifs. Le prince, décidément, se serait bien passé de son beau gilet noir. Il tirailla en vain sur son col et s'épongea le front avec un mouchoir.

Les gardes annoncèrent l'arrivée du prince Léoric, héritier de Helmdal, et aussitôt, la presse se fendit devant eux. « Y a beaucoup de monde, fit remarquer Reynar avec une moue contrariée. N'aurait peut-être dû venir plus nombreux.

-T'inquiètes donc pas, répondit son grand rouquin de collègue en tapotant le manche de sa claymore, nul n'ose défier Brünheld.

-Parce que tu lui as donné un nom en plus? »

L'autre partit d'un rire sonore. « Heh ! Je l'ai même fait graver dans la gouttière. C'est comme ça que s'appelait la première fille avec qui j'ai été. Un sacré tempérament ! M'suis dit que ça ferait un bon nom pour une arme. »

Le prince constata que les deux gardes aussi souffraient de la chaleur. Leurs visages avaient pris un ton écrevisse et leurs cheveux étaient plaqués de sueur. Au moins pour sa part ne devait-il porter ni maille ni gambison.

Il les emmena vers les étals d'où provenaient les meilleures odeurs. Ici l'on vendait des petits gâteaux fourrés de fruits ou de miel, là des brochettes de viande tout juste grillées. Amelyn s'arrêta pour humer à tous les pots d'un épicier. Voyant le prince à son côté, le marchand voulut lui offrir un bâton de cannelle ou quelques branches de romarin roux, des raretés, mais elle refusa poliment le présent.

Léoric acheta une miche de pain encore toute chaude et dorée, un saucisson, quelques fruits, et puisque lady Amelyn semblait si bien se plaire, ils flânèrent à travers le marché. Le prince prenait rarement de tels bains de foule, mais l'enthousiasme de la jeune femme faisait plaisir à voir et lui faisait oublier tous ces regards posés sur eux. Car les petites gens n'avaient pas davantage l'habitude de voir leur prince se promener parmi eux.

La jeune femme s'intéressa également aux laines et aux soies d'un marchand d'étoffe. Elle en admira les coloris, en éprouva la douceur, et s'épanouit tout particulièrement devant ses tissages à motifs figurant des animaux, des fleurs ou des paysages sauvages. Avec un soin que le prince ne connaissait à nulle autre, elle observa les plus beaux tons à la lumière crue du soleil et examina les mailles serrées d'un œil critique.

« Choisissez-en un, dit-il.

-Pardon ?

-J'ai apporté un peu d'argent, et malheureusement je n'ai rien prévu pour nous installer là où je voudrais vous emmener. Choisissez l'une de ces étoffes et j'en prendrai un grand carré. »

Elle prit un air attristé. « Ce serait pitié d'utiliser ces beautés pour nous asseoir par terre.

-Je ne sais pas où j'ai la tête, je n'ai pas même pensé à prendre une couverture. Mais ne vous inquiétez pas, nous ne l'abîmerons pas. Et vous pourrez ensuite en faire ce qui vous plaît, un châle, la doublure d'un manteau, que sais-je... » 

Elle lâcha un petit soupir, lâché avec une extrême courtoisie. « On ne discute pas les décisions d'un prince, dit-elle d'une voix où pointait la malice.

-Eh bien, je suppose qu'en Lyval, la noblesse ne pique-nique pas simplement sur l'herbe des champs.

-En Lyval, la noblesse ne pique-nique pas, elle banquète en plein air. » Elle rit de bon cœur. « Non, en toute honnêteté, un tel repas prendrait là-bas des allures de carnaval, avec la ribambelle de serviteurs, de voitures, le tout chargé de pavillons, de malles, de tréteaux, de lampions... Ils ne savent rien faire simplement. Pourtant il est parfois bon de s'en tenir à l'essence des choses, je pense. »

Décidément, sa lucidité plaisait au prince. L'essence des choses... Lui non plus n'avait jamais beaucoup goûté les chichis du protocole ni les codes de l'étiquette. Mais aurait-il jamais pensé à l'exprimer si simplement ? Il continua de l'observer tandis qu'elle choisissait son carré d'étoffe et que le marchand le lui découpait. Le soleil rehaussait l'auburn de ses cheveux et donnait une clarté magique à son teint pâle. Il était comme hypnotisé et éprouvait toutes les peines du monde à ne pas béer comme un simple d'esprit.

Leurs achats terminés, ils quittèrent le marché, l'animation, la touffeur, les odeurs de grillades et s'éloignèrent vers la porte du port. Pour ce faire, ils contournèrent l'éperon rocheux sur lequel était juché le temple. L'édifice aurait presque pu passer inaperçu, avec son toit herbeux, mais l'escalier raide, taillé à même la roche, et la haute statue de Phaëra défiant les vents et les âges attirèrent l'attention de lady Amelyn.

« Une statue de l'une de vos ancêtres ? » demanda-t-elle.

Léoric se rappela qu'elle n'avait pas été élevée selon leurs coutumes. « Le temple a été bâti là-haut. Et l'on ne représente pas un mortel sur un sol sacré. Il est vrai que l'érosion l'a quelque peu lissée, qu'il manque un morceau à ses pieds où, dit-on, était lovée une chatte, mais elle porte toujours un pendentif en forme de lune.

-Phaëra, déesse de l'amour ? Elle a plutôt des allures de guerrière et un couteau à la ceinture.

-Elle n'est pas vraiment la déesse de l'amour, en tout cas pas plus que Leyna, déesse de la fertilité et protectrice de la famille. Phaëra incarne le charme, la beauté, la jeunesse et la passion amoureuse, c'est vrai, mais elle est à la fois la douceur et l'ardeur. Elle gouverne les marées aux humeurs changeantes, insaisissables. En vérité, elle est redoutable. »

Amelyn prit une expression amusée. « Comme ça, avec son regard farouche et cette petite moue fâchée, elle ressemble un peu à votre tante Elenore. »

Léoric ne put s'empêcher de rire et fut forcé d'admettre qu'elle n'avait pas tout à fait tort. Ils passèrent dessous, près de l'escalier d'où Léoric était descendu en homme véritable après son Daeraborn. Ils poussèrent jusqu'au port et prirent à gauche, vers l'extrémité sud du quai. Là, au pied de la falaise naissante qui longeait la berge de la Melendr, à proximité de son confluent avec la Rhaenyr, un sentier longeait la berge vers l'amont.

« Vous pouvez rester ici, dit le prince en s'adressant aux gardes. Là où nous allons, nous ne risquons pas grand-chose. » Il leur envoya deux écus. « Faites-vous plaisir, allez manger quelques écrevisses ou siroter une ou deux chopes, mais restez dans les parages. »

Sturr lui fit un clin d'œil plein de sous-entendus et Léoric espéra de tout cœur que lady Amelyn n'avait rien remarqué. Il lui prit hardiment la main et l'emmena vers le sentier. La jeune femme ne résista pas, au contraire, elle parut goûter cet élan d'audace. « Puis-je savoir où vous m'emmenez ? Je crois déjà savoir qu'il n'y a pas de sièges puisque nous emportons un beau carré d'étoffe pour nous protéger de l'herbe.

-C'est exact. C'est un bel endroit, un peu sauvage, et sacré. Vous m'avez dit apprécier l'espace qui est laissé à l'expression de la nature dans nos jardins et j'ai pensé que vous aimeriez découvrir ce lieu-ci. Il est difficile d'accès et par conséquent nous y serons tranquilles.

-Vous m'intriguez, ça ressemble un peu à une aventure. »

Ils pressèrent le pas et atteignirent bientôt un escalier taillé à même la roche, raide et sinueux. Le prince aida sa lady à monter, heureusement que sa tenue était relativement adaptée à l'exercice. La voyant suffoquer sous la chaleur et l'effort, il lui proposa de s'en retourner vers le port, mais elle refusa. Il avait piqué sa curiosité.

C'est tout essoufflés qu'ils arrivèrent au sommet.

« Dire que ser Tristifer court jusqu'ici tous les matins pour faire ses exercices, » dit le prince.

Mais Amelyn s'était immobilisée, admirative devant le spectacle.

Une brise printanière faisait bruisser les frondaisons, danser les herbes sauvages et arrachait à la cascade, tout là-haut, des panaches d'argent. Sous leurs yeux, la chute d'eau cinglait joyeusement la pierre du bassin tout enluminée d'entrelacs et enveloppait l'air d'une rosée fraîche. Le soleil parait les lieux de brillances, avivait les couleurs et, à cette vue, on ne pouvait douter que la volonté des dieux avait été de créer le monde harmonieux.

Lady Amelyn retrouva l'usage de sa voix et sa joie transparaissait dans le moindre de ses mots. « C'est absolument magnifique. Merci, vraiment.

-Je suis ravi que ça vous plaise. Et ce n'est pas tout, la beauté des lieux change à chaque saison. La chaleur des ors et des miels du soleil d'été, les fauves, roux et rubis dont se parent les arbres en automne et, à mon sens le plus beau moment, c'est lorsque la falaise revêt un manteau figé de glace rutilante où tinte encore le crépitement cristallin de la cascade.

-Vos mots sont ceux d'un poète, mon prince. Et j'imagine fort bien ce que mes yeux ne peuvent encore voir.

-Ce sont simplement les mots appropriés. Je n'ai guère de talent pour la poésie, mais j'ai déjà pu constater que ce lieu est inspirant. C'est la raison pour laquelle ser Tristifer l'aime tant, je pense. »

Elle suivit le lit du ruisseau qui débordait du bassin vers le bord de la falaise et les eaux tourbillonnantes de la Melendr.

« Faites attention, prévint Léoric, nous nous trouvons tout de même à quelque cinquante pieds du niveau de la berge, et le fleuve est capricieux. »

Si la jeune femme l'entendit, elle n'en laissa rien paraître et se pencha pour admirer les flots verts en-dessous. Puis elle contempla le paysage de collines ondulantes face à eux, sur l'autre rive. Il en profita pour choisir un endroit ombragé, éclaboussé de taches de soleil, à proximité du bassin. Il installa le carré d'étoffe, coupa la charcuterie et le pain, et attendit que lady Amelyn soit rassasiée du spectacle.

Elle arriva en cueillant un bouquet de fleurs sauvages dont elle glissa quelques tiges dans sa chevelure. Ils s'assirent et mangèrent là, dans les ombres dansantes des feuillages. Il dévorait des yeux chacun de ses gestes.

« Nous avions un lieu comme celui-ci à Silvarsïn, dit-elle avec amertume. Moins beau certes, moins impressionnant, mais une clairière sacrée où l'on aurait dit que la nature avait décidé de peindre un joli tableau. Mon frère à fait bâtir une église dessus et il n'en reste qu'un petit morceau de jardin...

-Il semble que lord Malvin fait tout ce qu'il peut pour se détacher des anciennes traditions, n'est-ce pas ? »

Elle baissa les yeux. « Mon frère ne se rend pas compte que ses agissements sont des affronts aux autres seigneurs helmïns. Et non content de s'exclure de ses pairs, il s'est aliéné la moitié de ses sujets, l'autre moitié étant pour la plupart des convertis ou des lignées croisées avec nos voisins lyvaliens. Je suis persuadée qu'il ne conserve son titre que parce qu'il a de riches et puissants alliés de l'autre côté de la frontière. Il inspire la crainte, mais pas le respect.

-Et pourquoi agit-il de la sorte ? N'a-t-il aucune considération pour ses racines ?

-Eh bien, il n'a que peu connu ses origines véritables. Ayant passé l'essentiel de sa jeunesse à la cour du roi Tybelt, il s'est efforcé de lutter contre l'image du pauvre miséreux étranger en exil. Il désirait plus que tout faire partie de l'élite, gagner l'amitié des puissants. Aussi les a-t-il toujours singés. Il ne le reconnaîtra toutefois pas, pour sa part il évoquera plutôt la grandeur, le raffinement, le progrès. Oui, le progrès, il voit les anciennes traditions comme des chaînes poussiéreuses qui nous entravent et nous retiennent dans le passé.

-Eh bien, le progrès n'est pas une chose néfaste en soi, mais on ne doit tout de même pas tout lui sacrifier non plus. Et, je pense, la tradition est là pour y veiller. Ser Wilforc dit que c'est elle qui nous garantit de respecter la voie des dieux et l'harmonie essentielle qui nous lie à toute chose. »

Lady Amelyn rit sans joie. « Oui, vous pouvez dire cela à mon frère, mais je doute qu'il vous écoute. Il ne prête attention qu'à ceux qui prennent davantage soin de leur coiffure, de leur maquillage et de leur vêture que lui-même, ou à ceux qui portent plus d'or et de pierreries aux doigts, c'est-à-dire pas grand-monde. » Elle se tourna vers la chute d'eau. « Mais pour moi, la beauté de cette clairière vaut bien tous les palais de Havre-Noble.

-Je ne les ai jamais vus, j'ai seulement entendu vanter leur splendeur. Ceci dit, je veux bien vous croire sur parole. »

Elle le regarda à nouveau, intensément, comme cherchant à distinguer quelque chose, et lui sourit. « Vous n'êtes pas un prince comme les autres. Non que j'aie connu beaucoup de princes. Mais même les fils de petits seigneurs sont arrogants en Lyval. Ils sont pour la plupart hautains, cupides et stupides. On s'emploie tellement à leur enseigner le paraître... »

Léoric rougit sous l'effet du compliment. « Je... je ne sais pas comment un prince est censé être, bredouilla-t-il. Je n'en connais guère moi-même. » Il haussa les épaules. « Il y a trois ans de cela, j'étais encore bien loin de ces préoccupations. Ma vie était plus simple, car la couronne était pour mon frère Deren. Mais maintenant... Vous savez, quand j'y pense, parfois, j'ai le tournis. Un jour, je poserai une couronne sur ma tête et gouvernerai des milliers, des millions de sujets, je déciderai seul de leur destin. Je voudrais être à la hauteur, mais sincèrement, quiconque peut-il prétendre à cela ?

-Votre père semble être un bon roi, rétorqua-t-elle.

-Oui, mon père est sage et lucide, il est respecté et aimé tout à la fois. Mais succéder à un mauvais roi est peut-être plus facile, vous ne croyez pas ? Les attentes seront élevées le jour où j'accéderai au trône. Cependant, au fond, je n'ai rien d'exceptionnel. » Il leva le regard vers l'azur au-delà des frondaisons. « Je suis comme tout le monde vous savez. Lorsque, la nuit, j'observe le ciel rempli d'étoiles, je me sens insignifiant. »

Elle posa une main sur son bras, mais le prince ne lut pas de la pitié dans son regard, simplement... de la joie ? « Vous voyez, c'est cela dont je parle, dit-elle d'une voix où pointait une sorte de ferveur. Cette humilité dont vous faites preuve et que bien peu de gens partagent, surtout lorsqu'ils ont du pouvoir. »

Ces simples mots le galvanisèrent. Il lui semblait qu'il était heureux pour la première fois de sa vie. Cette jeune femme était capable de mettre en évidence ses qualités et de les exacerber. Elle ferait, il en avait la conviction, une excellente reine, si l'occasion lui en était donnée. Et il n'avait nul besoin de quelque riche et élégante princesse lyvalienne, d'une épouse qui considérerait son peuple, jusqu'à son propre mari, comme rustre et barbare.

Léoric et Amelyn bavardèrent ainsi de longues heures durant. Parfois, un silence s'installait, et ils profitaient simplement du calme de la clairière, du déferlement de la cascade et du bruissement des arbres. Souvent ils rirent, de la mécompréhension de leurs deux cultures, des humeurs de tante Elenore ou de celles de lord Malvin. Et bientôt les ombres s'étirèrent.

Le prince se leva, s'étira et s'approcha de l'étang pour se rafraîchir. La journée avait beau toucher à sa fin, la chaleur ne déclinait que lentement. Il s'essuya les mains sur son haut de chausses et s'en revint vers le carré d'étoffe. « Nous devrions rentrer, dit-il. J'ai passé un très agréable moment en votre compagnie, mais si nous traînons davantage, Sturr et Reynar vont finir par s'inquiéter.

-Et les ragots vont aller bon train, s'esclaffa la jeune femme.

-Oh, pour ce qui est des ragots, je gage que les cuisines et les écuries du château en résonnent déjà. C'est la première fois que je... que j'invite ainsi une demoiselle. 

-Eh bien ce fut pour moi un honneur et un plaisir. »

Il l'aida à se relever, replia le carré de tissu et ils reprirent le chemin du port, le long de la Melendhr. Le cours d'eau grondait à côté d'eux, agité, puissant. Au confluent avec la Rhaenyr il se calmait et joignait ses eaux au long cours plus calme et plus large de son affluent. Là, croisaient de petits navires noyés dans les éclats du soleil déclinant.

Dès qu'ils arrivèrent sur le quai, les gardes vinrent à leur rencontre. « Voilà les tourtereaux ! s'exclama Sturr, un grand sourire plaqué sur le visage, mais il n'osa pas en dire davantage.

-Nous sommes prêts à retourner au château. Nous nous sommes attardés et j'espère arriver avant le coucher du soleil. »

Tandis qu'ils remontaient le quai vers la porte, Léoric entendit le roulis métallique des herses du pont. La porte de la cité livra passage à un détachement de cavaliers qui entama la traversée avec à sa tête la bannière à la lune d'argent des Thorn.

« Voilà ser Tristifer qui s'en va à la rencontre du roi Tybelt, déclara Reynar. Le château risque d'être fort animé dans les jours à venir.

-Ces pète-culs n'ont pas intérêt à créer de problème, lâcha Sturr.

-S'ils viennent pour négocier un mariage, ils se tiendront à carreau. Il y aura même peut-être une fête, va savoir. »

Les gardes discutaient et spéculaient sur l'opulence des étrangers qui arrivaient, sur leurs manières précieuses et guindées aussi. Le prince, lui, observait les scintillements des heaumes et des mailles qui répondaient aux diaprures des flots le long du pont, et il eut un pincement au cœur qu'il ne s'expliquait pas vraiment. Il aurait voulu être là pour dire au revoir à Tristifer, mais il avait oublié. Lady Amelyn avait occupé la moindre de ses pensées aujourd'hui. Ce n'est pas grave, il sera bientôt de retour. Et pourtant il s'en voulait. Un peu comme s'il avait manqué une occasion de faire des adieux à un ami qu'il ne reverrait jamais plus. Ou était-ce l'appréhension de l'arrivée prochaine du roi Tybelt et d'une possible promesse de mariage, alors qu'il apprenait seulement à connaître sa délicieuse amie ?

Ils tournèrent le dos aux silhouettes qui s'éloignaient peu à peu vers l'Ouest lumineux, franchirent les portes et entamèrent le chemin du retour. Le jour déclina peu à peu et la chaleur décrut tandis qu'ils gravissaient la crête, néanmoins, l'ascension laissa Léoric trempé de sueur. Lorsqu'ils franchirent le portail du château, l'azur sans tache virait au jaune pâle. La brise qui soufflait là-haut était appréciable.

Il donna congé aux gardes et raccompagna la demoiselle à ses appartements afin qu'elle puisse se préparer pour le souper. Lui-même aurait bien besoin d'un bain. Sur le pas de la porte, Amelyn fit halte et se tourna vers lui. « Merci pour cette promenade.

-Je vous en prie. Je suis heureux qu'elle vous ait plu.

-C'était un très beau cadeau, vraiment. »

Elle se pencha et posa un baiser sur sa joue, puis elle se détourna et entra. Le prince demeura quelques instants là, devant la porte, l'esprit enfiévré. Il posa sa main à l'endroit où les lèvres de la jeune femme avaient effleuré sa peau, comme pour capturer ce moment de grâce. Un très beau cadeau... Le prince se frappa le front. Imbécile ! Le cadeau, tu as oublié de le lui offrir. Pris du soudain besoin d'être rassuré, il glissa la main dans son escarcelle. Le présent s'y trouvait toujours, bien sûr.

Il quitta cette aile du château pour rejoindre le donjon. En chemin il ôta son gilet et délaça sa chemise. Décidément, il n'avait plus toute sa tête ces derniers temps.



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