9 : Renégociations avec les Estaffes
Louis savait, à l'instant où il avait compris que l'enfant était un demi-Helios, que les Estaffes ne reculeraient devant rien pour tenter de l'assassiner. Il avait émis l'hypothèse, quelques années plus tôt, que l'Élite avait un rapport bien plus important avec les Helios que la venue de fées pour enchanter ou maudire la création de l'école et le mariage du Premier Élitien. Hélas, dans sa quête du maléfice de Circé, il n'avait que des éléments bien maigres, qui ne lui avaient jamais paru très pertinents.
Néanmoins, il savait que les Estaffes étaient des Helios, et même si le sujet n'avait pas été très abordé avec le reste des Trente, c'était une théorie de plus en plus évidente pour chacun.
Mais tout de même, en quoi un enfant élevé en dehors du royaume et sans lien avec l'Élite, même demi-Helios, pourrait représenter une menace auprès des Estaffes, au point de le pourchasser dans le but de l'évincer ?
— Un demi-Helios ? intervint Julius. Cela serait hautement improbable.
— Pour quelle autre raison serions-nous ici, à le traquer dans un lieu aussi glacial ? répliqua William Estaffes.
— Parce que c'est l'arrière-petit-fils de Stadir Origan, et que vous en avez peur, défia presque Robin en s'avançant devant Ariane, et que vous craignez qu'il grandisse pour devenir aussi puissant que son arrière-grand-père et ne vous combatte le jour où vous oseriez attaquer l'Élite.
— Une hypothèse recevable, mais nous ne nous serions pas déplacés pour si peu. D'autant que si vous interrogiez Stadir Origan sur la raison de la disparition de sa petite-fille il y a cinq ans, il finirait par vous avouer que cela fait suite à la venue d'un Helios, qui souhaitait nous combattre. Si notre parole ne fait pas loi, la sienne saurait vous convaincre. Et je suis certain que Ariane Origan aime encore assez son défunt époux pour ne pas essayer de renier sa mémoire.
La jeune femme ne répondit pas, tenant l'enfant blond contre elle plus fermement encore, les larmes aux yeux. Elle paraissait encore essoufflée, et Louis avait remarqué qu'elle avait perdu une chaussure, et que son pied nu était rouge de froid. L'enfant ne devait pas être beaucoup plus au chaud, mais il ne disait pas un mot.
Son silence n'évoquait pas celui de Pierre, qui devait avoir pourtant le même âge et qui était souvent silencieux. Le petit protégé de Julius gardait le silence par curiosité d'entendre tout ce que son interlocuteur avait à dire. Ici, le rejeton d'Ariane semblait vouloir être oublié.
— Ariane Origan est citoyenne du royaume astrien, et cela vaut également pour son fils, rétorqua Robin. Et même si nous sommes en dehors du royaume, cela signifie que vous n'êtes pas censé les attaquer, en raison du Serment Rouge.
— Ce n'est pas ce que stipule le serment...
— Alors changeons-en les termes.
Louis avait parlé sans réfléchir, et il se dit aussitôt que les Estaffes ne voudraient même pas envisager cette idée, et qu'il serait bientôt passé sur le fil de leur épée. Il songeait à la tristesse qu'il allait infliger à Marie-Marie, à Pierre, et même à Armance, de mourir de manière aussi idiote pour avoir agi de manière aussi impulsive.
— Je vois mal ce que vous auriez à nous offrir de si précieux qui justifie que nous laissions un demi-Helios en vie... D'autant qu'en raison des récentes adoptions qui ont eu lieu dans l'Élite, vous aurez certainement l'audace de vouloir également que cet enfant face parti de l'école.
La réflexion de l'Estaffes était pertinente, et Louis se mit à réfléchir à ce qui pourrait intéresser les Helios pour obtenir un tel compromis.
— Nous pourrions... Vous octroyer un droit de passage sur l'entièreté du royaume, en dehors de l'Élite et du château, suggéra-t-il en grimaçant.
Les Estaffes restèrent silencieux un moment, avant de rengainer leur épée sans se concerter, sous la surprise de plusieurs Élitiens.
— Ce ne sera pas suffisant, mais le chemin jusqu'au château pour signer un nouveau parchemin rouge devrait être long, et vous aurez certainement d'autres offres à nous soumettre.
Louis hocha vaguement la tête, se tournant vers Julius qui haussa les yeux un instant avant de s'approcher et de lui dire qu'ils feraient mieux de trouver des idées brillantes pour que les Estaffes ne changent pas d'avis et n'essayent pas de les tuer par surprise pendant le trajet. Les deux hommes se tournèrent vers Robin, s'attendant à le voir les rejoindre, et écarquillèrent les yeux en le voyant proposer à Ariane Origan de la porter dans ses bras, pour ne pas avoir davantage froid avec son pied nu.
— Comment tu t'appelles, petit bonhomme ? questionna le colosse à l'enfant toujours réfugié dans les bras de sa mère.
L'enfant ne répondit pas, et Ariane lui chuchota quelques mots à l'oreille, qui incitèrent finalement l'enfant à répondre.
— Octave, monsieur.
— Il ne manquait plus que lui qui ait un enfant à sa charge, murmura malicieusement Julius à Louis.
— C'est un peu tôt pour l'affirmer, ils viennent de se rencontrer il y a cinq minutes...
— Ce qui ne vous a pas empêché de vous moquer copieusement de la première fois où Pierre m'a appelé Papa, alors même qu'il m'avait vu depuis dix minutes, et tu n'étais pas mieux avec Marie-Marie que je sache.
— Certes, mais c'est autre chose, répliqua le capitaine de l'Élite avec les joues rouges d'embarras. Ici, cela concerne un demi-Helios, c'est... c'est dangereux pour l'école. On ne peut pas autoriser à ce qu'il en fasse partie, et les Estaffes ne le permettraient jamais de toute façon ! Le laisser vivre, c'est une chose, mais l'accueillir dans l'école...
— Si vous me laissez négocier, intervint John Mid, je pourrai certainement arriver à un compromis, qui conviendrait à tous. Et qui n'empêcherait pas votre camarade de jouer les figures parentales, comme vous-mêmes savez si bien le faire après tout.
Le Cœur Noir alla plutôt à la rencontre des Estaffes, alors que Robin venait avec eux, Ariane Origan dans les bras qui elle-même tenait Octave.
— Armance va être ahurie quand elle va nous voir rentrer, plaisanta le colosse.
— Elle qui avait interdit les femmes dans l'Élite...soupira Julius. Heureusement que tu es Élitien, sinon elle ne te laisserais pas la moindre chance de passer par la Grille épineuse !
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