6 : Parenté absente
Évidemment, Julius démentit être le père du garçon, et Mme Chapelier déclara qu'elle était certaine que l'Élitien aurait été un meilleur père pour son fils que le véritable géniteur de celui-ci. Elle reprit le gamin dans ses bras et lui fit remarquer que même si Julius pouvait ressembler à son père absent, ce n'était pas lui. Louis ne les écoutait que d'une oreille, occupé à bercer Marie-Marie qui pleurait tristement, sans doute à cause du froid glacial qui régnait dans le vestibule.
Ce fut Armance qui eut la présence d'esprit de les déplacer à son bureau à l'intérieur de l'école, près d'un bon feu de cheminé et loin du vent qui soufflait à l'extérieur. Louis laissa ses amis se charger de la situation, épiant tout de même Julius pour déterminer si celui-ci était embarrassé ou amusé d'avoir été confondu par le gamin blond comme étant son père. Mais son bras droit gardait un visage fermé, quoique vaguement soucieux, comme s'il avait eu affaire à une mission particulièrement délicate.
— N'aurait-il pas été plus avisé de venir ici demain, à une heure moins froide pour votre fils ? demanda Armance sans grand tact.
— Comme si cela pouvait patienter ! rétorqua la chapelière. Emma Hidalf m'avait dit que l'un de ses amis était Élitien, et j'ai estimé que venir vous voir pour essayer de chercher mon mari ne serait pas un souci, même à cette heure... les rumeurs disent que certains de vos hommes ne dorment jamais, dans cette école.
Louis releva le regard un instant en songeant que l'absence de la Faiseuse de lits à cette réunion improvisée n'était un souci. La vieille femme aurait été outrée d'entendre que certains membres de l'Élite ne profitaient pas du confort des lits qu'elle créait.
Lui-même n'y passait d'ailleurs pas assez de temps, mais il fallait bien s'occuper de Marie-Marie !
— Ces rumeurs sont évidemment fausses, mais effectivement, les Élitiens sont aptes à retrouver un disparu, souligna la comtesse Dacourt d'un ton posé. En revanche, nous n'avons aucune raison de nous lancer à la poursuite d'un individu quelconque au sein du royaume sans éléments plus... suspicieux, disons. Savez-vous si votre mari pratique ou pratiquait une activité illégale, Mme Chapelier ?
La jeune femme blonde s'indigna de nouveau, mais resta courtoise, tenant son petit garçon contre elle alors que celui-ci se mettait à bâiller, en mettant sa petite main devant sa bouge par politesse. Louis le trouva bien dégourdi au vu de sa taille, mais se dit que lui s'occuperait si bien de Marie-Marie qu'elle rivaliserait de courtoisie d'ici quelques années.
Il était quand même amusant de voir un autre enfant que Tristan, surtout quand celui-ci ne semblait pas se rendre compte de l'incroyable situation où il se trouvait. Tous les enfants du royaume rêvaient d'entrer un jour dans l'Élite, et lui s'y trouvait, avec pas moins de trois Élitiens autour de lui et de sa mère. Mais aucune lueur émerveillée ne brillait dans les pupilles noires, qui trahissaient seulement la fatigue que ressentait leur possesseur. Celui-ci dodelinait un peu en redressant sa tête un moment pour regarder non pas Louis, mais Marie-Marie, avec un air curieux, avant de tirer la manche de sa mère avec insistance.
— Pierre, ne t'en fais pas, les Élitiens vont vite retrouver ton papa et...
— C'est ma soeur ? coupa le gamin avec une petite voix en désignant le poupon dans les bras de Louis.
Le Capitaine de l'Élite songea que réussir à rendre brièvement muets Julius et Robin en seulement quelques mots était un exploit que lui-même ne réussissait que rarement. Et lorsqu'il y parvenait, c'était pour apprendre une mauvaise nouvelle à ses amis, et ainsi recevoir un lot de critiques ennuyées après coup. Voir un enfant y parvenir mieux que lui, avec la candeur des gamins qui font rire les adultes à n'importe quelle bêtise était aussi adorable que déconcertant.
Peut-être qu'il devrait lui apprendre à faire des négociations. Louis pourrait avoir besoin de son aide d'ici quelques années, s'il devait croiser de nouveau les Estaffes et modifier le Serment rouge.
Puis, le jeune homme se rappela avec orgueil qu'il n'avait besoin de personne pour réussir à faire face aux Estaffes. Surtout pas d'un gamin.
— Je suis désolée, mon fils espérait avoir une petite sœur, excusa la mère du garçon avec un sourire gêné. Votre fille a l'air tranquille en tout cas, et en bonne santé.
— Ce n'est pas... je veux dire... je suis juste son tuteur, bafouilla Louis en se sentant bizarrement pris de court.
— Peut-être qu'il serait préférable que vous restiez dormir dans l'Élite pour cette nuit, souligna Julius. Je pense qu'il y aura bien quelques Cœurs Noirs près à patrouiller dans votre ruelle et vérifier si votre époux revient, ou si quelque chose de suspect s'y déroule. Dans le cas où votre époux se soit peut-être enfui à cause d'un conflit avec d'autres personnes, vous seriez plus en sécurité, vous et votre fils, ici.
Il jeta un coup d'œil à Armance pour vérifier si elle était d'accord avec cette option, et la directrice de l'Élite lui répondit par un hochement de tète compréhensif.
— Je ne souhaite pas déranger, indiqua Mme Chapelier.
— Vous avez tout de même pris la peine de venir ici, à l'Élite, plutôt que d'aller voir la famille de votre époux, fit remarquer l'autre femme avec un soupçon de sarcasme. Maintenant que nous sommes un peu plus instruits sur la disparition de votre époux, il faut bien se déranger, au moins pour cette nuit.
Elle se leva et fit marcher Mme Chapelier jusqu'à la chambre d'invités la plus proche, certainement davantage par considération envers le petit garçon qu'envers la mère. Louis la laissa s'en charger, observant Julius et voyant que Robin se chargeait déjà de scruter leur ami.
— Louis, tu ne trouves pas que le garçon ressemble un peu à Julius ? démarra le colosse d'un ton faussement sérieux.
— Il faut admettre qu'ils ont les mêmes couleurs de cheveux et d'yeux, c'est suspect, admit le capitaine de l'Élite.
— Cessez vos imbécilités, je n'ai eu d'aventures avec aucune femme, coupa Julius. Et concernant la couleur des cheveux et des yeux, à ce compte-là, Marie-Marie est ma fille.
Louis cessa aussitôt de taquiner son ami.
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