Chapitre 9.

Matt se réveilla un peu engourdi. Près de lui, Alex dormait toujours. Il n'était même pas saoul hier... Il le réalisa avec un peu d'amertume. Il se souvenait avec précision de chaque caresse. Il avait été pleinement consentant. Alors, pourquoi se sentait-il coupable de ne pas avoir détesté ça ? Parce qu'Alex était transgenre ? Le brun se sentit vraiment macho et égoïste d'un seul coup. Il se dégoûtait lui-même. Était-il en train de penser exactement comme les garçons qu'il avait vu maltraiter le jeune homme il y a quelques jours ?

Il soupira en se renfonçant dans l'oreiller. Il ne savait plus ce qu'il voulait faire... ou ce qu'il devait faire. Quelle était la bonne chose à faire ? Il ne parvenait pas à voir la nuit d'hier comme une erreur. Il n'avait aucun remord. Il était jeune, il voulait expérimenter et Alex lui avait fait vivre des sensations nouvelles, alors il en avait profité. Et oui, ça avait été plus qu'agréable.

Coucher avec Alex, être le passif de la relation – ce qu'il n'avait jamais expérimenté auparavant –, l'avait quelque part aidé et amené plus facilement à accepter l'identité du brun. Maintenant, il n'avait plus aucun doute sur le fait qu'il était bel et bien un homme.

— Bon matin, le surpris soudainement la voix groggy d'Alex qui venait d'ouvrir les yeux.

Sortant de ses pensées, Matt se força à sourire.

— Bon matin, répondit-il.

Alex le contempla un instant jusqu'à le faire rougir.

— Tu vas bien ? Tu as mal quelque part ?

C'est alors que Matt se rendit compte qu'il avait un petit élancement au niveau des hanches.

— Ça va.

Il n'allait tout de même pas confier au futur docteur qu'il avait un peu mal ! Il avait plus de fierté que ça ! Il supposait que ça venait avec l'habitude... Il fronça les sourcils en réalisant qu'il venait de penser à une « habitude », pourquoi y avait-il pensé comme s'il y aurait une prochaine fois ?

— Je suis content de l'apprendre. Tu restes pour déjeuner ?

— Tu sais cuisinier ?

— Je me débrouille. Tu ne te souviens pas ?

Maintenant qu'il y pensait... Alicia... enfin, Alex faisait la meilleure omelette en ville du temps où ils sortaient encore ensembles.

— Alors, je reste, mais seulement si tu fais une omelette.

— Par contre, tu te souviens de ça, hein ? Ta mémoire est vraiment très sélective, Matt.

— Ne te moque pas !

— Je ne me moque pas.

En riant, Alex enfila un jean, puis se leva pour aller préparer le petit-déjeuner.

— Je crois que même si tu es un peu plus petit que moi, on fait environ la même corpulence, alors tu peux m'emprunter des vêtements pour aujourd'hui, si tu veux, rajouta-t-il en allumant le fourneau.

Matt eut une hésitation. Est-ce que les gens allaient reconnaître les vêtements d'Alex s'il les portait ? C'était sans doute paranoïaque de sa part, mais il avait peur de ce qu'on pourrait penser de lui si cela se produisait... même si les chances, parmi les milliers d'étudiants qui fréquentaient le cégep, étaient plutôt minces.

Ah, puis merde ! Il s'en faisait pour rien ! Personne ne pouvait reconnaître un simple T-shirt noir ou blanc ! Tout le monde en avait des identiques ! Même lui en possédait. Personne ne devinerait jamais que ces vêtements n'étaient pas les siens ! Il fallait vraiment qu'il se calme !

— Ok, merci, répondit-il du bout des lèvres.

— Regarde dans le tiroir, juste là, lui indiqua son hôte en lui pointant un meuble au fond de la chambre, et prend ce qui te plaît le plus.

Matt fouilla un peu, puis il prit un jean et un chandail noir simple. En passant le haut au-dessus de sa tête, il réalisa à quel point les vêtements étaient imprégnés de l'odeur d'Alex. Pourvu que, ça non plus, personne ne le remarque !

***

— Génial ! Ta cuisine est toujours aussi fabuleuse ! s'exclama-t-il, les yeux grands ouverts, en fourrant une autre bouchée de l'omelette dans sa bouche.

Il avait sûrement une mémoire gustative parce qu'il se souvenait maintenant de tous les bons petits plats que lui préparait Alex avant.

— Heureux de te l'entendre dire, rétorqua le futur médecin en rigolant doucement.

— Tu as un cours ce matin ? demanda-t-il.

— Moi ? Non, seulement cet après-midi.

Matt se mordit la lèvre.

— Ah, moi, j'ai un cours à 9h, alors je vais devoir partir bientôt.

C'était un mensonge... Il ne voulait juste pas arriver au cégep en même temps qu'Alex de peur de ce qu'on allait dire. Il se sentait idiot, il agissait comme un gamin.

***

Au final, il était parti aux alentours de 8h30 et il était retourné chez-lui pour étudier un peu et faire le point. Il n'avait même pas appelé Jamie parce qu'il était trop embarrassé par ce qui c'était passé la veille. Il n'avait pas envie de raconter à son meilleur ami de quelle façon Alex lui avait fait l'amour ! Il avait peur que son ami se moque de lui.

Tout cela n'avait pas de sens. C'était Alex qui était transgenre, mais c'était lui qui semblait avoir le plus de difficultés à s'accepter ! Comment le jeune homme faisait-il pour marcher fièrement et se foutre du regard des autres ? Matt voulait bien son truc, il était jaloux.

Plus tard dans l'après-midi, juste avant son cours, au détour d'un couloir, il entendit des voix qui lui semblaient familières, puis en s'approchant, il remarqua que la scène d'intimidation qu'il avait surpris quelques jours auparavant était en train de se rejouer.

— Alors, c'est combien pour que tu me lèches les couilles, sale pute ? Oh non, j'oubliais, avec toi, c'est gratuit !

Alex se contenta de détourner le regard, réagissant à peine aux menaces du salaud qui le tenait par le col. Matt sentit une colère sourde gronder au fond de son ventre. La dernière fois, il avait été un témoin silencieux, mais il ne ferait pas la même erreur cette fois. Il sortit de sa cachette et approcha la scène.

— Hey ! Qu'est-ce que vous faîtes ?! lança-t-il en se donnant une allure sévère.

Tous les regards se rivèrent d'un seul coup sur lui.

— T'es qui, toi ? Tu prends sa défense ?

Matt s'efforça de ne pas paraître décontenancé.

— Oui et si vous ne le lâchez pas immédiatement, j'appelle la police ! affirma-t-il en brandissant son téléphone cellulaire.

Parce qu'il avait l'air sérieux, les trois agresseurs se jetèrent quelques regards, puis partirent à la course comme un seul homme en relâchant Alex. Matt les suivit du regard jusqu'à ce qu'ils disparaissent de son champ de vision, puis soupira de soulagement.

— C'était moins une !

Il se pencha pour ramasser les choses d'Alex qui étaient tombées, puis se redressa pour le lui les tendre. C'est alors que son regard croisa le sien et qu'il se figea. Le jeune homme paraissait alors fois surpris et... énervé.