Chapitre 2 : Le Temple
𝕾ans qu'elle ne le réalise vraiment, le crayon de Jeanne parcourait la feuille à carreaux de son cahier d'anglais. Le résultat de ce phénomène était une sorte de temple à colonnes. Il était sombre avec des fresques décolorées sur les murs. Au centre de la pièce se tenait une tombe. Le crayon fit une pause, puis reprit sa course en dessinant deux yeux au regard cruel. Le regard malveillant fut alors recouvert d'un grand symbole ressemblant à un mandala associé à plusieurs esquisses s'apparentant à des lettres d'un alphabet inconnu. Soudain, Jeanne lâcha son crayon et, comme sortie de transe, bâtît des paupières. Après avoir reprit ses esprits, elle regarda son cahier qui était couvert de dessins. Sans crier garde, les croquis s'effacèrent pour laisser place à de simple gribouillis. Stupéfaite, elle chercha un coupable des yeux et croisa le regard de Maé qui la regardait avec attention. La professeur était parti faire des photocopies, ce qui est égal à une classe de 3e en bordel. Heureusement pour Jeanne car elle se voyait mal expliquer à Mme Napraitex pourquoi ses dessins disparaissaient comme par magie.
La sonnerie de midi retentit. Tous les demi-pensionnaires se dirigèrent vers le self-service. En montant les escaliers, Jeanne et Maé et Lou aperçurent Charli et Andréas qui leur faisaient signe de la main. Les trois jeunes gens se rapprochèrent, et virent Charli assit en tailleur, tandis que Andréas était debout, appuyé contre le mur d'un air nonchalant.
- Salut, fit simplement Andréas.
- Lynn va mieux ? demanda Lou.
- Non. Elle s'est évanouie devant l'infirmerie.
- Mais elle s'est réveillée ! s'empressa de rajouter Charli devant le regard effaré de Jeanne. T'es toujours obligé de dramatiser les choses, fit-il en fusillant Andréas du regard.
- Non. Je m'arrête juste pour faire du suspense, dit Andréas vexé par la remarque du brun.
- Bah là, ton suspense on n'en a rien à faire. Je te rappelle qu'on parle de l'état de santé de Lynn ! répliqua Charli en haussant le ton.
-Toujours à faire du théâtre cet enfant, soupira Lou en fixant blond aux yeux verts.
- La 3e Frangipanier venez manger ! appela une surveillante, une liste de prénoms en main.
- Venez les gars c'est notre classe, fit Maé avec un sourire gêné.
- Ouais bon, je vous rejoins tout à l'heure, le temps qu'ils appellent la 3e Ixora, fit Charli en haussant les sourcils en direction de sa classe. D'ailleurs c'est stupide leur truc d'appeler classe par classe.
- Entièrement d'accord, dit Jeanne. A toute suite.
- A toute.
****
- Beurk ! fit Maé dégoutté, C'est quoi ce truc ? continua-t-il en louchant sur son plateau.
- Ça, ça s'appelle "purée de pois cassés", répondit Andréas.
- Et oui ! Cette semaine c'est spécialités créoles ! se réjouit Jeanne.
- Comment tu fais pour aimer... "ça" ?! lui demanda Maé en fronçant le nez.
- J'aime un point c'est tout. Et puis ça ne nous fera pas de mal des légumes...
-C'est vrai ça, commenta Lou en tête de file, Franchement Maé des fois je me demande si t'es un vrai chabin. J'aimerais bien voir ta tête quand tu vas manger chez tes grands parents et qu'ils font des dombrés.
- Moi je préfère des lasagnes, ronchonnait toujours le métisse aux yeux clairs.
Le petit groupe s'installât sur la table la plus isolée du réfectoire pour éviter le boucan des autres élèves. Dix minutes plus tard, Charli les rejoignit soulagé de pouvoir enfin sortir de la masse d'élèves bruyants. Lou qui avait déjà fini son assiette, se leva et alla vers les dames de cantines pour demander à avoir un second morceau de pain ou un autre dessert.
- Vous avez eu combien à l'éval d'EMC? demanda Jeanne après avoir discrètement envoyé un message à Lynn sur son portable caché dans son sac.
- 16, répondit immédiatement Andréas, avec une certaine fierté dans la voix.
- 18. Mais je crois que je suis le seul à avoir eu une bonne note, Mme Virain est plus sévère avec notre classe, expliqua tranquillement Charli en jouant avec son colombo de cabris jaune fluo qui ne noyait dans la purée de pois.
- Et toi t'as eu combien Maé ? questionna Andréas complètement désintéressé par les explications de Charli.
Mais Maé était trop occupé à regarder la construction en purée verte qui se formait dans son assiette. A la vue du temple en purée sculptée de Maé, Jeanne pâlie brusquement et un coup de vent plutôt fort fit claquer plusieurs clayettes en métal du bâtiment de restauration.
****
Allongée dans son lit, Lynn regardait les étoiles phosphorescentes qu'elle avait collées au plafond. Bien sûr elles ne brillaient à ce moment-ci car les fenêtres de sa chambre étaient ouvertes, mais la jeune fille gardait ses yeux rivés dessus quand même. Son téléphone posé à porter de main vibra et un message de la part de Jeanne s'afficha.
« Coucou Charli et Andréas nous ont raconté ce qui t'es arrivé, avec Lou on espère que ça va mieux et que tu reposes bien ! »
Le tout accompagné de plein d'émojies colorés. Lynn sourira mais finit par soupirer, ils ne savaient pas vraiment ce qu'il s'était passé.
La jeune fille était à présent toute seule dans la maison, excepté son chat, Samsung. Après que le collège ait appelé ses parents, son père était venu la chercher le plus vite possible; Il avait pu la déposer à la maison mais avait dû repartir car son travail avait besoin de lui de toute urgence. Le père de Lynn était médecin en chef d'une clinique de Basse-Terre, et lui avait dit de rester couchée. Mais cette dernière, qui ne supportait pas rester sans rien faire s'ennuyait trop et glissa de son lit pour descendre les escaliers qui séparait sa chambre du salon. Elle se balada dans la maison en quête d'une activité. Regarder la télé ? Non. Lire une BD ? Non. Et puis lire quand elle était malade lui donnait mal à la tête. Si toute fois elle était malade. Désespérée, elle allait retourner se coucher, quand ses yeux se posèrent sur la pile de vaisselle.
-C'est dingue ! Quand on me dit de faire la vaisselle je ne la fais pas, et quand on me dit de ne pas la faire, je la fais !
Elle commença alors par tourner le robinet vers le chaud, mais l'eau resta systématiquement froide.
- Bon ce n'est pas grave, on fera avec...
Elle mit du produit vaisselle sur l'éponge et commença à frotter la tasse de café de son père. Ses pensées commencèrent à divaguer. Elle repensa à tout ce qui s'était passé ce matin : la dispute avec Kencia, le petit malaise collectif qui avait exclu son amie Lou, sa vision avec le temple sombre et les yeux rouges...
Soudain elle fut tirée de ses rêverie par des bruits de vaisselles qui s'entre choquent et d'eau qui coule. Sauf que Lynn avait arrêté de frotter la tasse, et que le robinet était fermé.
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