Chapitre 1 : Phénomènes étranges
𝕮e matin, quand son réveil se mit à sonner, Lynn aurait voulu qu'il n'y ait jamais eu l'invention de cet engin. Elle aurait volontiers étranglé son créateur. Le seul problème était que c'était la seule chose capable de la réveiller les matins d'école. Lynn se redressa dans son lit et éteignit sa climatisation, seul moyen qui lui permettait de dormir à cause de la constante chaleur ambiante. Sa famille et elle avaient emménagé dans cette maison en Guadeloupe, dans les Caraïbes, il y a presque quatre ans, juste avant sa rentrée en 6ème. Au début, quand ses parents lui avaient annoncé qu'ils allaient déménager, elle l'avait très mal pris. Pourquoi quitter la France pour partir dans les Antilles françaises, quand on avait déjà tout à proximité ? Certes les paysages de cartes postales lui tendaient les bras mais elle ne comprenait pas le choix de ses parents de changer de vie du jour au lendemain. Malgré ses plaintes sur la chaleur étouffante elle s'était finalement vite habituée à sa nouvelle vie et s'était rapidement fait de nouveaux amis ; même si ceux qu'elle avait quittés lui manquaient beaucoup.
Quand elle descendit pour manger, la jeune fille s'attendait à voir le spectacle habituel : sa tasse de lait et ses tartines préparées, ainsi que deux tasses déjà vides sur la table de la terrasse. Le pot de confiture était encore ouvert, le couteau à beurre était en train de faire une tâche de gras sur la nappe et du chocolat en poudre avait été renversé dans une petite flaque de jeu de goyave.
Génial..., pensa-t-elle, c'est encore à moi de débarrasser la table... Super coordination p'tites sœurs !
Ses petites sœurs, Chloé et Jenna, faisaient exprès de manger rapidement pour laisser leur grande sœur débarrasser entièrement la table, et ce chaque matin.
Après avoir fini de manger, Lynn rangea ce qui trainait sur la table pour la nettoyer et filer à la salle de bain. Les cheveux blonds bouclés de Chloé s'agitaient pendant qu'elle se brossait les dents, tandis que la petite Jenna la fusillait de ses yeux bleus ciel en lui reprochant de prendre toute la place devant le miroir. Les deux fillettes durent se serrer encore plus quand leur ainée arriva dans la salle de bain au détriment de la plus petite des sœurs qui tentait tant bien que mal de coiffer ses cheveux aussi raides que des spaghettis. Chloé ouvrit de grands yeux quand elle vit Lynn prendre son dentifrice pour en mettre sur sa brosse à dents.
- Eh ! protesta la blondinette en dévisageant sa sœur, incrédule.
- Quoi ? lui répondit cette dernière la bouche pleine de mousse.
- C'est MON dentifrice !
- Vraiment ? Ché le tien ? crachouilla sa sœur en haussant les sourcils.
- Bah oui !
- Et bien pourquoi tu as ffffris le mien hier?
- Parce que... Parce que... Parce que j'avais envie !
Lynn haussa les épaules.
- Et bien voilà ! Moi auchi j'ai envie de prendre le tien.
Elle se pencha sur le lavabo, cracha la mousse et reprit :
- Alors maintenant si tu ne prends plus le mien, moi je ne prendrais plus le tien, d'accord?
- Ouais bon d'accord.., finit par marmonner la cadette en levant les yeux au ciel.
Après dix minutes de voiture Lynn arriva enfin au collège. Dès qu'elle mit les pieds hors du véhicule, la jeune fille sut qu'elle allait encore devoir supporter Kencia Ayassanie. Cette fille lui cherchait des poux depuis sa rentrée au collège. Ses parents avaient beau lui dire de l'ignorer, Lynn ne voulait pas rester de marbre, car pour cette peste cela signifiait qu'elle avait peur d'elle; et il était hors de question de lui faire ce plaisir.
Lynn avança en essayant quand même de l'éviter mais Kencia s'approcha d'elle et lui donna un coup d'épaule si violent qu'elle tomba à terre sur le choc.
- Aïe ! gémit Lynn.
Elle se releva en essuyant ses mains égratignées sur son jean, l'uniforme du collège, assorti d'un tee-shirt blanc avec le logo de l'établissement.
-T'en a pas marre de m'embêter ? lança-t-elle à Kencia avec le regard le plus mauvais qu'elle pouvait lui lancer.
La jeune fille se contenta de ricaner en tripotant ses longs cheveux d'indienne.
- Un conseil : ne me cherche pas ou bien tu risques de me trouver !
- Oh maman j'ai peur ! se moquèrent Kencia et le groupe de fille aussi méchante qu'elle qui la suivaient partout.
Bande de pouffiase ! pensa Lynn en passant le portail de l'établissement scolaire.
Elle se dirigea jusqu'à la cours pour y rejoindre ses amies, Jeanne et Lou. En les voyants en oublia rapidement sa mésaventure avec Kencia et s'empressa d'aller les saluer.
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La sonnerie de neuf heures trente retentit, signalant la récréation pour les jeunes collégiens. Lynn, Jeanne et Lou rangèrent leurs affaires de physique chimie et allèrent dans leur coin d'ombre habituel, le plus isolé de la cacophonie des élèves. Lynn se frotta machinalement l'épaule au souvenir de sa rencontre de ce matin en écoutant distraitement la discutions de ses deux amies. Lou se plaignait de ses cheveux noirs bouclés et disait rêver d'avoir la même chevelure dorée et lisse que Jeanne. Ce à quoi la blonde répliquait qu'elle aurait préféré avoir des yeux noirs que des yeux bleu clair car elle en avait marre qu'on lui demande tous les jours si elle portait des lentilles de couleur. Suivant toujours le débat d'une oreille, l'adolescente remarqua que Maé, un garçon de la classe des trois filles, ne lâchait pas Jeanne des yeux une seconde ! Quoi de plus normal ? Les deux sortaient ensemble depuis quelques semaines seulement et le jeune garçon n'arrivait pas encore à se faire à l'idée que la jolie jeune fille avait accepté sa demande. Mais devant les yeux noisette de Maé et ses belles bouclettes qui la faisaient craquer depuis des mois, Jeanne n'avait pu que répondre oui sur le papier qu'il lui avait envoyé en cours de SVT. Et malgré leur trois petits rendez-vous, le teint miel de Maé se colorait encore de rouge dès qu'il regardait la jeune fille, ce qui la faisait rosir à son tour.
-En tchou ay ! pesta Lou qui s'était adossée au mur en feuilletant son cahier d'histoire avec rage. J'en étais sûre que je m'étais plantée ! C'était 1515 la date de François 1er et pas 1151 !
Elle continua de juré en créole tandis que Lynn haussait les épaules, elle-même habituée à ses mauvaises notes dans cette matière.
- Lou calme toi, tenta Jeanne en ramassant les feuilles volantes qui tombait du cahier de son amie.
- Bien le bonjour ! De quoi parlez-vous gentes damoiselles ?
Charli venait d'arriver dans le petit trio que formaient les jeunes filles. C'était le genre de garçon qui s'entendait aussi bien avec les gars et qu'avec les filles, et qui connaissait presque la moitié des élèves du collège en vue de son don pour être sociable et facilement accessible. D'ailleurs Lynn était étonnée que son meilleur ami n'ait pas encore eu de petite amie cette année; sachant qu'elle savait que beaucoup aimaient ses courts cheveux de jais coiffés en épis, et son joli teint méditerranéen dû à ses cours de planche à voile.
- Oh de rien d'intéressant, lui répondit-elle en cherchant sa prochaine salle de cours sur son emploi du temps, juste une éval d'histoire que Lou a loupé.
- Juste une éval ? Je vais me taper un zéro c'est sûr, gémit la concernée en se laissant glisser contre le mur.
- Dis-moi Lou, demanda Charli avec sérieux, combien de fois as-tu déjà eu un zéro ?
La jeune fille leva le regard vers les yeux bruns son interlocuteur et répondit :
- Zéro. Enfin, jamais. Je n'ai jamais eu de zéro.
- Ben voilà t'en as encore jamais eu alors pourquoi ce serait maintenant que tu en aurais un ? Si tu as bien répondu au reste des questions tu seras loin d'avoir un zéro, c'est logique.
-An las...soupira Lou en créole. Avec toi on ne peut même plus se plaindre tranquillement.
- Des fois la logique a du bon ! rigola Charli. Même si tout ce qui reste illogique est aussi intéressant, n'est-ce pas Lynn ?
Les joues sombres de Lou virent se teintée de rouge et elle replongea son nez dans son cahier en comprenant que l'attention du jeune homme n'était plus centrée sur elle.
- Tu parles de la vidéo que tu m'as montrée la dernière fois ? demanda Lynn en croisant les bras. Ce qui se qui se passait dedans était plus qu'illogique, ça m'a complètement retourné le cerveau !
****
Elle est tellement belle ! pensa Maé en regardant Jeanne du coin de l'œil. Le garçon hésitait toujours à lui donner le bracelet qu'il avait tressé lui-même. Ils étaient ensembles depuis deux semaines et cinq jours et il ne lui avant encore jamais offert de cadeau. Il espérait vraiment ça lui plairait, si toutefois il avait un jour le courage de s'avancer vers elle et de lui tendre sa confection. Une tempête de sentiments s'agitait dans tête du jeune garçon mais Andréas le tira de ses pensées :
- Tu hésites toujours hein ? se moqua-t-il en le fixant de ses yeux verts malicieux.
Cela faisait quatre ans que Maé et Andréas se connaissaient. Es deux garçons s'étaient rencontrés le jour de leur rentrée en 6ème et le métis se souvenait de ce jour comme si c'était hier.
« Maé était trop impressionné par la taille du bahut pour prêter attention à autre chose. Un coup de coude de Théa le ramena à la réalité. La sœur de Maé, plus vieille que lui de deux ans, venait de remarquer que son frère n'écoutait pas alors que c'était l'appel des 6ème et elle n'avait aucune envie qu'il lui mette la honte en loupant son appel. Une grande femme fine faisait l'appel de la 6ème cerisier, car oui ce collège sortait des habituelles classes aux chiffres et aux lettres pour les remplacer par des noms de fruits, fleurs ou arbres selon les niveaux. Le métis eut le souffle coupé quand il entendit la femme l'appeler :
- Verlim Maé !
Maé cria présent et alla s'aligner avec les autres "cerisiers" dans le forum au sol blanc et noir, similaire à un damier géant. Le jeune garçon ne reconnut personne de son ancienne classe de CM2 et pria pour qu'il ne passe pas son année toujours tout seul. Subitement les élèves de devant se mirent à avancer, guidés par une petite femme rondelette ; Maé suivit le mouvement en espérant toujours reconnaître un visage familier dans la masse d'élèves qui l'entourait. La femme les guida vers la salle 209 et les fit entrer en leur disant de s'asseoir où bon leur semblait. Il en fut ainsi et le garçon aux cheveux bouclés se retrouva tout seul à sa table, à son plus grand désespoir. La femme se présenta alors comme leur professeur principal et entama un discours assommant sur les règles intérieures du collège et sur les attentes des élèves de 6ème lors de leur première année. Maé était tellement absorbé par le discours de leur P.P. qu'il sursauta quand une main se posa sur son épaule. Un garçon aux cheveux blond clair lui demanda s'il pouvait s'asseoir à côté de lui car toutes les autres places étaient prises. Le métis accepta, car avoir de la compagnie ne le dérangeait pour le moins du monde.
- Elle commence bien la rentrée, chuchota le blondinet à l'adresse de Maé, à peine arrivés ils nous font déjà un discours barbant !
- C'est clair ! renchérit le métis.
- Au fait, continua son voisin de table, je m'appelle Andréas, Andréas White.
- Enchanté ! Moi c'est Maé Verlim.
Et après nombre d'aventures et d'heures de colle, ils devinrent meilleurs amis, à l'encontre de la grande sœur de Maé qui voyait le blond comme une mauvaise fréquentation pour son petit frère. »
- Allez viens ! On va le lui donner son bracelet, à ta copine, continua Andréas avec un demi-sourire, en arrangeant une mèche de cheveux clairs de devant ses yeux.
-At-attends ! protesta Maé qui commençait déjà à rougir comme une tomate.
Mais son ami blond l'entraînait vers Jeanne sans l'écouter.
****
- Jeanne ! chuchota Lynn à son amie en se penchant avec une discrétion non dissimulée. J'ai l'impression que Maé à quelque chose à te dire.
La blonde tourna la tête dans la direction que pointait le doigt de Lynn et en effet, Andréas traînait son petit copain, presque de force, vers leur groupe un sourire éclairant son visage.
- Gadé misyé-là, sé boug-an-Jeanne, gloussa Lou.
- Salut tout le monde ! s'exclama le blond aux yeux verts en arrivant près du petit groupe. Jeanne, y'a Maé qui veut te don... Te dire quelque chose ! Pas vrai Maé ? continua ce dernier avec un grand sourire.
- Hum... Hum... euh... oui bien sûr.., balbutia Maé en tremblotant légèrement, le rouge teintant ses joues.
Le brun allait tendre le petit paquet contenant le bracelet à la jolie blondinette quand une brise déstabilisa Lynn, Maé, Charli, Jeanne et Andréas en leur faisant perdre légèrement l'équilibre.
- J'ai mal à la tête tout à coup.., articula Jeanne en se massant les tempes.
-... moi aussi.., fit Charli qui se massait le front.
Maé ne dit rien mais plissa les sourcils en battant les paupières comme s'il voyait flou.
- Je crois que vous m'avez contaminé avec votre migraine ! se plaignit Andréas en secouant la tête.
Lynn fut prise d'un violent vertige et trébucha sur Lou qui regardait ses camarades avec incompréhension.
- C'est bizarre, j'ai rien moi, dit la brune en aidant Lynn à se redresser.
- On s'en fiche de toi, lui dit Andréas en se frottant la tête.
- Eh déjà tu vas me parler mieux que ça ti mal sinon c'est mon poing que tu vas recevoir dans ta tête !
L'animosité entre Lou et Andréas n'était un secret pour personne et d'habitude leurs chamailleries n'étaient pas très méchantes mais cette fois le ton était monté beaucoup trop rapidement.
- Arrêtez, s'exclama Lynn en se mettant entre eux, Vous avez vraiment tous eu une espèce de vertiges à l'instant ?
-Non, cingla la guadeloupéenne toujours remontée tandis que les autres hochaient positivement la tête.
-C'est bizarre mais c'est peut-être à cause de la brume des sables qui circulent en ce moment...
- Mouais, admettons mais alors pourquoi j'ai pas été touchée ? Vous êtes même pas asthmatique.
La jeune fille à la peau sombre croisa les bras en levant un sourcil.
- Je ne sais pas...commença Lynn, peut-être que...
Mais la sonnerie lui coupa la parole. Tous sauf Charli se dirigèrent vers le rang de la classe des 3èmes Ixora, tandis que le brun se dirigeait vers le rang nommer "3ème Frangipanier".
****
Lynn avait peut-être raison mais ce subit vertige collectif intriguait Charli. Le jeune garçon était toujours en soif de connaissance, quel que soit le thème. Mais ce qu'il préférait c'était les phénomènes paranormaux comme les fantômes, les extraterrestres, les tours de magie... bref on pouvait le qualifier de geek. Et ce fait mystérieux qu'était le malaise collectif l'intéressait énormément. Quand Lou avait répliqué à sa meilleure que son idée ne tenait pas debout, il l'avait vu serrer les dents, et il n'aimait jamais la voir vexée comme ça. Il avait d'ailleurs été déçu de devoir la quitter sans pouvoir en discuter avec elle, mais lorsqu'ils se reverraient à la pause méridienne ils auraient largement le temps d'en parler.
Jusqu'à l'année dernière Lynn et Charli avaient tous les deux toujours été dans la même classe, c'était même lors de leur première année dans la 6e Abricotier qu'ils s'étaient rencontrés. Ce ne fut que lors sa mini propagande d'élection de déléguée de classe, pendant la deuxième semaine de cours que Charli la remarqua. Dès le premier jour en classe de 6e la pauvre Lynn avait eu à faire à la peste Kencia et avait essuyée plusieurs bousculades et moqueries ; ce qui l'avait rendue méfiante à l'égard des autres élèves. De ce fait elle restait souvent en retrait mais avec son discours accompagné de grand geste elle s'était tout de même fait élire déléguée. Par la suite Charli avait réussi à la mettre en confiance et lui avait expliqué que tout le monde au collège n'était pas comme Kencia et sa bande. Au fur et à mesure Lynn s'était adaptée à l'établissement scolaire, et grâce à Charli qui connaissait déjà beaucoup de monde, s'était faite de nouveaux amis notamment Jeanne et Lou. C'était comme ça qu'elle et Charli étaient rapidement devenu proches et maintenant meilleur ami. Même si beaucoup ne voyait pas cette relation fille-garçon comme quelque chose de possiblement durable.
Maintenant qu'il pensait à elle, Charli avait oublié de faire remarquer à la jeune fille que son nouveau dégradé de cheveux lui seyait à merveille. Et que ses cheveux bruns foncés qui encadraient son visage faisaient bien ressortir la couleur bleu océan de ses yeux. Une couleur qui variait...
Comme l'océan justement, songea Charli.
- Et donc pour ces exercices de trigonométrie on... Mr Périant pouvez-vous répéter ce que je viens de dire s'il vous plaît ?
La voix de Séguliez, le professeur de Mathématiques, tira Charli de ses rêveries.
- Euh... On utilise le théorème de Pythagore pour calculer les longueurs d'un triangle qui...
- Ce n'est pas ce que je vous ai demandé ! Donnez-moi votre cahier de correspondance pour y mettre un mot ! Et c'est à faire signer par les parents !
- Et mer... credi ! se rattrapa ce dernier de justesse en passant la main dans ses cheveux noirs de jais.
****
- C'est étrange quand même...
Jeanne s'arrêta subitement d'écrire.
- Qu'est-ce que qui est bizarre ? Le fait que la prof semble écrire avec ses pieds ou son système de notation bancale ? lui demanda Lynn énervée contre le 11,75 sur 20 de sa copie et les commentaires illisibles encadrés par la professeur d'anglais.
- Mais non. Je ne parlais pas de ça. C'est vraiment étrange le sorte de malaise collectif qu'on a eu tout à l'heure, songea la jeune fille en regardant Lou qui levait la main pour faire la correction du devoir.
- Oui. Maé, Charli, Andréas, toi et moi avons été touchés mais pas Lou. Elle était juste à côté de nous, pourtant. Si c'était vraiment un courant de sable ou de poussière elle aurait dû être touchée aussi non ?
La brune regarda leur intello d'amie se lever pour s'emparer de la craie de la prof et soupira.
- Sauf qu'à part ce subit vent chargé de micro-molécules de poussière je n'ai pas d'explication crédible.
- Moi non plus...
La correction du devoir terminée, la professeur d'anglais décida de leur lire un poème dans la langue enseignée pour ensuite demander à ses élèves d'en écrire un à leur tour. Mais Mme Napraitex parlait d'une façon tellement lente et inexpressive que la plupart des élèves dormaient derrière leur livre ou leur cahier.
Y'a pas plus barbant qu'un cours d'anglais... pensa Lynn.
Elle s'apprêtait à gribouiller une caricature de la prof sur sa feuille d'évaluation, quand soudain, tout devint flou sous ses yeux. La jeune fille regarda Jeanne, en guettant la moindre trace de perturbation ou de douleur sur son visage, mais non, cette fois on aurait dit qu'elle était la seule à avoir cette sorte de vertige.
- Lynn, tout va bien ? lui demanda Lou qui discutait avec une personne derrière elle, un bras sur le dossier de sa chaise. Tu trembles, remarqua-t-elle soucieuse.
- Non je... Les vertiges reviennent.
La jeune fille leva la main, et l'agita pour attirer l'attention de la professeur.
- Madame je peux aller à l'infirmerie s'il vous plaît, je ne me sens pas très bien.
- Oui bien sûr, Andréas accompagne-la s'il te plaît, marmonna Napraitex avant de reprendre son assommante lecture.
Lynn se leva et rejoignit le blond qui l'attendait près de la porte, il paraissait trop heureux de se voir éviter quelques longues minutes d'ennui. Les deux jeunes gens descendirent l'escalier en métal du bâtiment d'anglais côtes à côtes et l'adolescente remarqua que son compagnon de trajet était plus petit qu'elle de quelques centimètres, ce qui l'amusa puérilement.
- Ça te refait comme tout à l'heure ? Je veux dire t'as mal à la tête ? l'aborda Andréas en haussant les sourcils.
- Oui...J'ai comme un vertige.
- Moi je ne ressens rien. Tu sais, peut-être que tu es plus sensible que nous à... à ce truc qui circule dans l'air.
- Oui ça j'avais compris, mais à quoi suis-je si sensible?
- Je n'en ai pas la moindre idée... Peut-être que c'est le sable des brumes ou alors de la poussière ? Tu sais vu qu'ils font des travaux pas loin...
- Je ne suis pas asthmatique comme l'a fait remarquer Lou.
Lynn plongea dans ses pensées et ils continuèrent de marcher en silence.
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C'est louche tout ça, songea Andréas, de un ils avaient un malaise collectif, de deux Lou était la seule à ne pas le sentir, et de trois Lynn en paraissait la plus touchée de tous... C'est vraiment louche. Sûrement une allergie au pollen ou une réaction aux vents des tempêtes de sable qui dérive sur l'île.
****
- Bon je crois que je suis arrivée, dit Lynn en piétinant devant l'infirmerie. En tout cas, merci de m'avoir... hum... "escortée".
- Je préfère "accompagnée", répliqua Andréas avec un sourire crispé. Mais de toute façon, faut toujours quelqu'un pour accompagner le malade à l'infirmerie. Ça aurait très bien pu tomber sur Liam ou Devika.
- J'crois pas. En général les profs désignent les délégués et vu que cette année c'est toi...
- Ah oui, j'avais oublié, fit-il en haussant les épaules, complètement désintéressée de son supposé rôle important au sein de la classe.
Un silence gênant s'installât entre eux que le blond combla en tapotant du pied. Voyant que l'infirmière ne répondait pas aux coups tapés à sa porte le garçon commença :
- Bon bah j'imagine que je vais devoir attendre avant que...
Lynn plissa fort les paupières alors qu'une soudaine douleur lui vrillait les temps. Péniblement elle les entrouvrit pour percevoir Andréas l'observer l'air inquiet tandis que ses doigts semblaient s'ankylosés jusqu'à engourdir ses bras puis ses jambes. Des étoiles blanches se mirent à danser sous ses yeux, puis tout devint noir.
Elle entendait vaguement quelqu'un crier son nom mais elle ne se trouvait plus au collège. A présent elle était dans une sorte de temple, sculpté dans de roche noire aux veines rouges.
De la roche volcanique, songea-t-elle en effleurant la pierre du bout des doigts.
Le temple était d'une obscurité extrême et un courant d'air brûlant fit frissonner la jeune fille qui sentait déjà ses mains devenir moites. L'étrange construction tenait encore debout grâce aux rares colonnes de cristal noir qui soutenait encore le plafond. Après observation, Lynn eu l'impression que les autres colonnes avaient été détruites comme si l'endroit a été attaqué.
Les murs étaient couverts de fresques colorées que Lynn comprit ensuite comme décrivant une histoire. Il y avait gravé de symboles compliqués et malgré les efforts de Lynn pour y déchiffrer un alphabet connu, elle dû s'avouer ne pas connaître ces étranges arabesques alors elle se contenta de regarder les illustrations. Vers la gauche, elles représentaient sept personnes paraissant auréolées de lumières colorées, et ces sept personnages dont les visages n'étaient pas dessinés étaient une seconde fois représenter un peu plus loin, en mouvement. Un homme pourvu d'ailes chevauchant un félin doré, une femme à la peau sombre devant un volcan en éruption les bras en feu, un second homme la main sur le sol qui ne semblait vert qu'autour de lui...
Mais plus Lynn s'approchait de la fin des fresques plus les couleurs se ternissaient, bientôt les peintures n'était plus que blanche et noire. Les dessins semblaient représentés un combat entre deux des personnages et le mur fut alors entièrement recouverts de graphes obscurs. Lynn recula de quelques pas, abasourdie, et remarqua que la fin de la fresque avait été brisée. Le seul dessin encore visible ressemblait à une espèce de mandala de couleurs vives mais difficiles de savoir ce qui était réellement représenté.
Un bruit résonna derrière Lynn et elle se retourna en reculant jusqu'à ce que son dos touche le mur peint.
Au centre de la pièce se trouvait un autel qu'elle n'avait jusqu'à lors même pas remarquer. Agenouillée près du pavé en pierre noire et rouge, une silhouette floue encapuchonnée de noir. Lynn la voyait floue car elle semblait brillée et cela ne faisait que s'amplifier à mesure que la silhouette se redressait. L'inconnu en noir posa ses mains lumineuses sur l'autel. Apparemment il ne l'avait pas vu et Lynn, pétrifiée, se contenta d'observer ce qui se passait silencieusement tandis que l'inconnu illuminait toute la pièce par sa simple présence. Brusquement la silhouette scintillante arrêta de brillé et retira ses mains de la pierre. Le socle rouge et noir qui recouvrait ce qui était en réalité un tombeau, se brisa dans un sinistre craquement et libéra d'énormes nuages de poussières. Lynn toussa et s'éventa de sa main en essayant de voir quelque chose à travers la poussière mais ses yeux lui piquaient trop pour distinguer quelque chose autre que l'inconnu encapuchonné qui s'était reculer vers elle. Avec effort la jeune fille se força à regarder le tombeau de pierre, à la fois curieuse et effrayée, et sursauta quand une silhouette se redressa dans la tombe. Cette seconde silhouette tapie dans l'obscurité et la poussière du temple laissa échapper un rire. Un rire masculin rauque qui glaça le sang de la jeune fille toujours plaquée dos à la fresque.
- ...Je suis enfin éveillé, prononça l'homme en se levant de son tombeau, la voix éraillée, comme s'il n'avait pas parlé depuis longtemps.
L'inconnu qui brillait s'agenouilla alors que l'homme qui semblait littéralement se drapé de ténèbres. Mais ce ne fut pas sur lui que se posa son regard vif, mais sur Lynn qui s'osait pas bougée de peur de se faire repérer.
Manque de chance, l'homme entouré d'ombre l'avait déjà vu et la fixa de ses iris rouges sombres.
-Sois prête jeune Gardienne, je suis de retour, dit-il en levant une main obscure en sa direction.
Lynn s'apprêta à courir en voyant des ombres émanées de l'homme, prêtes à l'engloutir mais elle n'en eu pas le temps et tout se fit blanc sous ses yeux.
- Lynn ?
La jeune fille rouvrit les yeux brusquement.
- Lynn ça va ?
Elle voulut se redresser pour mieux voir son interlocuteur, mais deux mains la prirent par les épaules pour l'obliger à se rallonger sur le sol frais.
- Non ! Tu restes couchée le temps que l'infirmière arrive.
- Charli ?
La brune leva les yeux et aperçut son ami qui souriait jusqu'aux oreilles, bien qu'un air soucieux se lisait sur ses traits.
- Bien sûr que c'est moi ! Tu connais quelqu'un d'autre qui a autant la classe que moi dans cet uniforme pourri ?
Lynn sourit faiblement avant de poser sa tête sur le carrelage du collège. Charli avait beau faire de l'humour, il semblait s'inquiéter pour son amie, elle était si pâle...
– Où est Andréas ? questionna-t-elle d'une voix légère.
Charli fronça les sourcils.
- Pourquoi ? demanda-t-il perplexe.
- Ben parce que c'est lui qui m'accompagnait avant... avant...
- Avant que tu ne te tombe dans les pommes ?
-Ouais.
- Il est parti chercher l'infirmière. Après que tu sois tombée, Andréas a essayé de te réveiller en t'éventant. Bien sûr ça n'a pas marché. Il voulait aller chercher de l'aide vu que l'infirmière n'était pas dans son bureau, mais il ne pouvait pas te laisser ici toute seule. Par chance M. Bricous, mon prof de musique, m'avait demandé d'aller chercher des nouveaux feutres pour le tableau. Je suis donc passé devant l'infirmerie, et quand j'ai vu Andréas qui essayait de te réveiller je lui ai dit d'aller chercher les secours le temps que je te surveillerais.
Lynn ne comprit que la moitié de ce que disait Charli. Son esprit était encore hanté par le tombeau et les fresques sombres. Et surtout par ce ricanement qui lui glaçait encore les os.
Quelques minutes plus tard l'infirmière fini par arrivé et questionna Lynn qui fut incapable de lui dire quoique ce soit sur la raison de son évanouissement.
- C'est bon, soupira la jeune infirmière, puisque vous ne voulez pas répondre, on va appeler vos parents pour qu'ils viennent vous chercher.
Ce n'est pas que je ne veux pas parler, pensa Lynn. C'est juste que si je vous dis ce que j'ai vu, vous ne me croirez jamais.
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