Dimitri réitéra ses patrouilles le lendemain et le surlendemain. Le quatrième jour, il décida de changer d'activité et de faire un tour en forêt. Les yeux rivés sur le carnet d'Émeris, il était content de faire autre chose que de marcher à travers champs.

Son idée était bien précise mais la pratique plus difficile, il souhaitait ramasser autant de plantes que possible pour se faire de l'argent, les fermiers étaient bien gentils, ils l'avaient logés et nourris, mais les quelques peaux qu'il obtenait n'étaient pas suffisantes, il ne savait pas encore ce que valaient un repas et un lit en auberge mais sa bourse y passerait sûrement et il ne pouvait pas se le permettre.

Alors il parcourait la forêt à la recherche de quelque chose à ramasser. Et à part quelques champignons, il ne trouvait rien du tout. Après deux longues heures de recherche, Dimitri se sentit un peu nul.

‑ Quoi ? Comment ça ? Ne viens pas mettre de fausses idées dans la tête des gens ! D'ailleurs, c'est toi qui régis ce monde, alors fais en sorte que tout soit plus simple pour moi. Je suis quand même le personnage principal !

Le fameux personnage principal se prit le pied dans une racine et manqua de s'étaler dans des feuilles mortes en décomposition.

‑ Tu m'emmerdes, hein !

A l'heure du déjeuner, Dimitri s'installa sur une pierre et mangea ses quelques provisions sans grande envie. Il recommença son exploration dans l'après-midi. Quelques heures plus tard, le jeune homme commençait à désespérer, il se dit qu'il ne trouverait définitivement plus rien, il n'était même tombé sur aucun animal alors qu'Émeris lui avait dit que la forêt n'était pas sûre.

Dimitri passa devant une grotte et jeta un coup d'œil à l'intérieur. Au milieu de la mousse, des fleurs poussaient, malgré le soleil bas, le jeune homme crut en reconnaître les feuilles, il ouvrit le carnet pour vérifier.

‑ « Infusé, c'est pas fameux mais ça fait du bien. » Je crois que c'est ça. Bon, ben...

Dimitri s'engouffra dans la grotte et ramassa les plantes qu'il plaça dans sa bourse. Il en laissa une sur trois, histoire qu'elle puisse repousser l'année d'après. Il prit le chemin du retour. Quelques mètres plus loin, il entendit un grognement et une nuée d'oiseaux s'envola derrière lui. Dimitri accéléra le pas, dans les jeux vidéos et les livres, les monstres apparaissaient souvent la nuit, il n'avait pas envie de savoir tout de suite si cette règle s'appliquait également à ce monde.

Lorsqu'il sortit de la forêt, le soleil disparaissait à l'horizon et pourtant, il eut la surprise de voir Émeris qui attendait à l'entrée de la ville.

‑ Te voilà enfin ! Ça fait des jours que je t'attends.

‑ Mais je ne t'ai rien demandé.

La fille fit la moue et tourna les talons, vexée.

‑ Attends !

Dimitri la rattrapa par le poignet.

‑ Tu sais si les boutiques sont encore ouvertes ? J'ai des plantes et je n'aimerais pas attendre pour les vendre.

‑ Dès que tu as besoin de moi, tu es bien content de me trouver !

Émeris soupira, sa bonne humeur en partie retrouvée, et commença à marcher.

‑ On arrive sur l'hiver, les journées sont plus courtes mais il faut te dépêcher.

Ils traversèrent la ville et s'arrêtèrent devant une boutique un peu plus luxueuse que les autres, la fille ouvrit la porte. L'intérieur était sympathique, plusieurs bocaux et autres choses diverses, pour la plupart non identifiable, trônaient bien en vue sur des étagères en bois sombres. Alors qu'Émeris inspectait l'intérieur des bocaux, Dimitri s'approcha d'un homme muni d'un monocle et posa les plantes sur le comptoir devant lui.

‑ Vous pouvez m'acheter ça ?

L'homme se pencha, écarquilla les yeux et regarda Dimitri.

‑ Où avez-vous trouvé ces plantes ?

‑ Euh... dans une grotte.

‑ On ne vous a jamais dit que c'était dangereux ? Vous avez de la chance d'être encore en un seul morceau.

‑ Ce qui veut dire ?

‑ Les plantes que vous avez ramassées sont rares, elles sont en fleurs mais utilisables. Les médecins se les arracheront.

‑ Je vous en prie.

L'homme récupéra les plantes contre quelques pièces d'argent.

‑ Vous m'achetez les peaux, aussi ?

‑ Je peux bien faire ça.

‑ Tu vas pouvoir t'acheter une armure correcte avec ça, remarqua Émeris une fois qu'ils furent sortis de la boutique.

‑ Demain, j'ai besoin d'un repas et d'un lit.

‑ Va à l'auberge du lion au bout de la rue, il y a toujours du monde mais au moins tu y seras bien. Je viens te chercher demain, n'oublie pas !

La fille partit sur un salut de la main. Dimitri trouva l'auberge sans mal, comme c'était l'heure du repas, il y avait du monde aux tables, des rires fusaient ici et là et les serveuses faisaient de leur mieux pour amener les bières à bon port. Si le jeune homme n'était plus habitué à voir autant d'étrangers réunit au même endroit, il s'avança jusqu'à l'aubergiste d'un pas assuré.

‑ Un repas et une chambre pour la nuit, c'est possible ?

‑ Il m'en reste.

Dimitri prit la moins cher. Il dîna et monta dans sa chambre où il se mit à l'aise. Après s'être lavé, il s'écroula sur son lit, les mains derrière la tête.

‑ A quoi est-ce que ça rime ?

Hmm ? C'est toi qui voulais changer de vie.

‑ Je suis le personnage principal, c'est toi qui me fais parler, qui me fait penser et qui me fait agir. C'est comme si je me parlais tout seul, en fait.

C'est le cas mais il n'y a pas de place dans cette histoire pour que tu tombes en dépression. Alors ressaisis-toi, héros !

‑ Pas convaincue...

Dors.

Dimitri s'endormit.