05 décembre
Par une des membres de la CdL :
En cette veille de Noël, je scrute avec impatience la venue du facteur.
Depuis le premier décembre, je reçois chaque jour une enveloppe avec un morceau de puzzle. Au départ intriguée, mais craintive, je l'ai assemblé au fur et à mesure.
Le visuel à reconstituer représente un endroit bien précis du parc près de chez moi : un banc, non loin du kiosque à musique. Au dos de chaque pièce, une gentille citation, et sur l'ensemble, une note qui indique la date d'aujourd'hui. Sur le dernier fragment se trouvera l'heure du rendez-vous. Parce que, oui, j'ai, a priori, rendez-vous avec un inconnu.
Et si c'était encore pour se moquer de toi ?
Les élèves de mon nouveau collège ne sont pas tendres avec moi depuis mon arrivée. En même temps, je les comprends, je fais pitié à voir avec ma dégaine. En plus, ma timidité maladive m'empêche toujours de m'ouvrir aux autres, ils doivent le sentir et en profitent pour me ridiculiser. Je demeure la cible permanente de leurs moqueries, mais je n'arrive pas à leur dire.
Il y a deux ans, en décembre, j'apprenais que j'étais atteinte d'un cancer. J'ai perdu mes cheveux durant la chimio et j'ai commencé à détester mon corps. Je préférais le cacher sous des vêtements amples. Déscolarisée pendant un temps, mes parents ont décidé de déménager. Je pensais, à tort, que les enfants seraient plus sympas. Mais une fille qui ressemble à un garçon et qui ne se défend pas, c'est tellement tentant de la rabaisser.
J'espère que quelque chose de bien va m'arriver en cette période magique. Avec un peu d'espoir, mes prières ont été entendues.
Ma chambre est devenue un champ de mine, mes habits se battent en duel pour savoir lesquels trouveront grâce à mes yeux. En sous-vêtements, je me scrute devant le miroir. Je passe ma paume sur mon crâne rasé de près et j'observe ma poitrine, véritable planche à pain. Je ne ressemble pas à une fille, cependant, je ne me sens pas garçon pour autant. Je m'assois sur le bord de mon lit et pleure à chaudes larmes.
Pourquoi ne puis-je pas être comme toutes ces filles populaires, que tous admirent ?
J'enfile un jean, un haut quelconque et cache le tout sous un sweat à capuche.
« Ton admirateur secret t'a encore envoyé un courrier ! »
Je cours dans l'escalier pour attraper l'enveloppe que mon frère s'apprête à ouvrir. Je remonte dans ma chambre et la décachette, les mains tremblantes. Rien qu'une pièce, comme d'habitude. Au dos, l'heure se trouve bien là : 16 h. Je la place sur le puzzle, enfin complété, et un mince sourire s'étire sur mes lèvres. La magie de Noël va-t-elle opérer cette année ? Mais... qu'attends-je, en fait ? Mon souffle devient rare, je suffoque. Je reste assise par terre à fixer l'image. J'imagine mes bourreaux, dissimulés dans le bosquet, rigoler en me voyant patienter seule sur ce banc.
À l'approche de l'heure du rendez-vous mystère, j'attrape quand même mon bonnet et chausse mes baskets. Je veux en être sûre, je ne peux plus me cacher sans arrêt. Les mains dans les poches de ma doudoune, je marche dans la neige avec appréhension jusqu'au lieu de la photo. Le parc est animé, un groupe entonne des chants de Noël dans le kiosque, décoré de guirlandes, et un chalet propose du vin et du chocolat chaud. Des enfants créent des bonhommes de neige en riant et les adultes discutent près d'un traineau. Sur le banc, personne. Je m'approche et avise une enveloppe avec mon prénom inscrit.
Si tu souhaites me voir, retourne-toi. Si tu préfères t'en aller, pars tout droit. J'aurais pu t'aborder au collège, mais je n'ai pas osé. Alors, j'ai eu cette idée, car la période de Noël m'a toujours inspiré. J'ai envie d'apprendre à te connaître, tu me plais beaucoup, et je ne savais pas comment faire autrement sans te faire fuir.
J'hésite un bref instant, puis fais volte-face. Aucun membre de la bande qui me harcèle, cependant, je reconnais un de mes camarades, discret, qui me sourit à pleines dents, deux gobelets à la main.
Et si, finalement, Noël redevenait ma période préférée ?
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