Je soupire en apportant le verre de liquide ambré au bord de mes lèvres. Je bois d'une traite l'alcool qui me fait serrer des dents, puis je claque mon verre sur le comptoir de bois brun sur lequel je suis accoudée.

-Tu as une mine horrible aujourd'hui beauté. Me dit le Dave.

Sacré Dave, toujours les bons mots pour réconforter lui... Mais il peut se permettre, c'est le barman de ce vieux pub sur l'avenue principale, on est devenue proche depuis les années. On peut dire que c'est un peu une figure paternelle, un vieux confident. Et vieux c'est le cas de le dire... Notre très cher Dave à nul autre de 56 ans ! Un vieux de la vieille. Enfin bref... Je viens religieuse dans ce bar, Dave est toujours là pour m'accueillir, pour m'écouter grommeler des mots incompréhensibles et même me raccompagner quelques fois.

Le pub n'est pas très grand, juste d'assez pour avoir pu installer trois tables de billard, un grand bar, une scène et plusieurs petites tables en face de celle-ci. Il est juste assez grand pour que je me sens chez moi à chaque fois que je viens ici. C'est peut-être Dave ou encore ce vieux style des années de mes grands-parents qui me font me sentir comme à la maison.

-Ferme là et sers-moi un autre verre.

Je soupire légèrement sous le rire de mon confident.

Le verre glisse de nouveau sous les yeux, je l'attrape et le bois cul sec encore une fois. Dave me fait les gros yeux, puis s'appuie sur le comptoir.

-T'es sûre que ça va ? Parce que la dernière fois que je t'ai vue boire comme ça c'est à la mort de ton frère. Me dit-il.

Je serre les dents et hoche la tête de haut en bas. Cela m'étourdit légèrement... Je glisse de nouveau mon verre vers Dave, façon qu'il comprenne que j'en veux un autre.

-Non beauté, c'était le dernier. T'as déjà une sacrée mine !

Je marmonne dans ma barbe des jurons envers mon ami. Je me lève du vieux tabouret en essayant de tenir sur mes jambes plutôt molles. Je tends ma main pour attraper mes clés sur le comptoir, mais juste avant de les avoir prises, quelqu'un les prend à ma place.

Je relève la tête bien remontée afin de savoir qui veut encore jouer avec mes nerfs aujourd'hui. Un torse musclé, caché derrière un t-shirt noir plutôt moulant, me fait face. Une odeur bien familière parvient dans mes narines. Kabbé... Fais chier !

Je tourne la tête vers Dave qui lui est déjà bien long de nous, essuyant avec acharnement un verre, les sourcils froncés et la mâchoire contractée.

-Quoi ? Lançais-je, sur un ton éphémère. Tu veux bien me les donner que je puisse rentrer à la maison !

-Non.

-Te fous pas de ma gueule Kabbé, donne-moi mes clés et fou moi la paix !

Il n'écoute rien de ce que je lui dis, il tourne les talons et quitte ce pub avec mes clés de moto. Il se prend pour qui ? J'ai beau comprendre le pourquoi du comment, mais quand même !

Je marche ou du moins je trottine derrière lui afin de la rattraper. J'ai peut-être un peu abusé sur la boisson finalement... Une fois dehors, je vois Kabbé lance MES clés à Rocco tout en continuant sa route vers sa voiture noire toujours aussi éclatante.

C'était sûre ! Tic et tac ne se séparent jamais ! Je soupire bruyamment, histoire de leur faire comprendre mon mécontentement.

Au loin, je vois Rocco enfourcher MA moto, démarrer, puis partir au loin. Je reste sur place la bouche, probablement, grande ouverte. Je rêve c'est impossible... Personne ne roule sur MA moto à part moi. Personne ne ME surveille comme si j'étais une enfant. Et personne ne vient ME chercher dans un bar tout pourri pour me dire que ma consommation d'alcool était suffisante ! Personne j'ai bien dit...

Mes poings se serrent et ma mâchoire aussi. Je souffle tranquillement afin de me canaliser.

Inspire, expire... Inspire, ex-

De grandes mains viennent encercler ma taille, une haleine d'alcool et de vomir vient chatouiller mes narines.

-Vient poupée, on va passer la meilleure des nuits ensemble ça te dit ? Dit l'homme qui se trouve coller contre mon dos et mes fesses.

Je fais volte-face, le bousculant afin qu'il me redonne mon espace vital. Gros dégueulasse.

-Tu te prends pour qui ? Lui criais-je par la tête.

Il réessaie une approche, mais je crois qu'il n'a pas très bien compris, alors, sans attendre, mon poing part en direction de son nez. Un craquement, des goulettes de sang, puis son cri se fait entendre. L'homme qui tenait à peine debout quelques secondes plus tôt gît maintenant au sol, sa main tenant son nez cassé. Je lâche un rire soufflé suivi d'un sourire en coin à l'intention de cet homme, puis je me dirige vers la voiture de Kabbé.