Chapitre 5 : « Rencontres et rituel » (2/2)
Je finis par sortir de mes pensés lorsque je vis Sam arriver. En le regardant bien, je crut voir une tout autre personne. En effet, il portait un jean foncé et incroyablement propre, une ceinture de cuir marron, une chemise blanche bien repassée, un veston noir et un nœud papillon de la même couleur. Cependant, lorsque j'aperçus qu'il portait encore et toujours sa casquette, j'eut la confirmation que s'était bien mon ami. J'avais cru comprendre qu'il ne se séparait de ce couvre-chef que pour dormir, puisque c'était un cadeau de son défunt grand-père. C'était compréhensible, mais en même temps, un peu étrange.
— Désolé du retard, dit-il. Je me suis arrêté chez moi pour me changer.
— Ce n'est pas grave, dis-je en essayant de ne pas rire.
En effet, je ne voulais pas lui dire, mais selon moi, c'était un peu bizarre qu'il se soit endimanché pour encore et toujours porter sa casquette.
« Terry, je te présente Helena. » déclara Sam en portant son regard sur la jeune fille qu'il y avait derrière lui. Cette dernière avait les cheveux plutôt courts et d'un noir d'encre. Elle avait les yeux d'un bleu sombre, couleur ciel nocturne. Elle portait une petite robe élégante de couleur turquoise. Elle était assez charmante, je devais l'avouer, malgré le fait que je n'appréciais pas tant que ça les cheveux courts chez les membres de la gente féminine.
Voyant ces deux-là être sous leur plus beau jour, je me sentis un peu gêné d'être venu avec mon uniforme scolaire, dont la chemise méritait un bon coup de fer à repasser. Mais bon. J'appris de la bouche de Sam que Helena était la fille du maire de la ville. J'étais quelque peu perplexe. Cet homme si froid avait un enfant ? Et mon ami avait réussi à s'en approcher ainsi ? Décidant de remettre mon questionnement pour plus tard, après une brève introduction, nous nous dirigeâmes vers la salle où allait tourner notre film.
Je ne savais pourquoi, mais j'avais l'impression que Helena n'appréciait pas trop Sam. En effet, elle semblait être assez distante envers lui, alors que lui la prenait comme sa petite amie. Et puis, c'était un peu étrange, puisque je compris que c'était la toute première fois qu'ils sortaient ensemble. Je crut comprendre aussi que Sam m'avait invité car il était un peu gêné d'y aller seul avec Helena. Je dois avouer que j'étais quelque peu mécontent. À mon avis, inviter quelqu'un d'autre à ton rencard ne se faisait pas vraiment.
Au moins, le visionnement du film me fit oublier un peu le pourquoi j'étais présent. Je dois d'ailleurs avouer que cette nouvelle adaptation était très bien réalisée. L'intrigue était haletante, les personnages étaient intéressants, et les acteurs jouaient remarquablement bien. Or, quelque chose, ou plutôt quelqu'un, attira mon attention dans la salle. C'était Mavis ! Voyant que j'avais les yeux sur elle, elle me fit signe de la suivre, sûrement hors du lieu de visionnement. Bredouillant donc une excuse, je me faufilai le plus silencieusement possible et franchi la porte. La jeune fille m'avait précédée et se tenait là, dans les couloirs déserts du cinéma.
— Tu... tu étais où exactement depuis tout ce temps ? lui demandais-je.
Lorsqu'elle leva le regard, je vis qu'elle avait l'air très préoccupée.
— Ça, ça n'a pas d'importance en ce moment.
— Ah ?
M'ignorant, Mavis continua.
— Une nouvelle personne est disparue.
— Que... quoi ?
— Ça ne tardera pas à faire les grands titres, mais oui, la « malédiction des miroirs » comme vous l'appelez a revendiqué une nouvelle victime.
Perplexe, je ne savais pas trop quoi faire ou que dire.
— Peut-on... peut-on faire quelque chose pour l'aider ? bredouillais-je
La jeune fille secoua tristement la tête.
— Malheureusement non. Il est trop tard. C'est pour cela qu'il faut que nous nous tenions à l'affut. S'il y a une prochaine cible, ce qui est sûrement le cas, il faut que nous essayions de la sauver dès qu'elle disparaisse.
Me laissant en plan, Mavis jeta un sac de pop-corn vide à la poubelle, puis disparut de ma vue dans les couloirs du cinéma. Réfléchissant à ce qu'elle venait de me dire, je décidai de retourner dans la salle afin de profiter de la fin du film.
Or, tout ne se passa pas comme je l'avais escompté. Une fois installé à mon siège, je réalisai qu'il n'y avait plus personne dans la salle. J'étais seul. Nerveux, ne comprenait rien à ce qui se passait, je vis, effrayé, que les images sur l'écran se déformaient peu à peu, donnant lieu à des scènes atroces. Je ne les décrirais pas, car j'essaye de les effacer de ma tête, mais je peux dire qu'elles avaient l'air de scènes de crime, plus inhumaines les unes que les autres, et que je croyais sincèrement avoir un film d'horreur devant moi. Mais je n'étais pas du tout au bout de mes surprises. À l'écran apparu ensuite une photo d'un jeune couple qui semblait heureux. Je crois que c'était le jour de leur mariage, car l'homme portait fièrement un complet très chic, et la femme brillait dans sa robe de mariée immaculée. Cependant, leur têtes me disaient quelque chose. Il me semblait que je les connaissait. Qui étaient-ils déjà ?
À ces pensées, j'eut un pincement au coeur. Oui, ce couple représentait quelque chose pour moi. Mais quoi ? Pourquoi avais-je oublié ? Or, ce qui se passait à l'écran n'était pas terminé. D'un coup, la photo disparue, pour laisser place à une autre, morbide, où l'on voyait la robe de mariée sur le sol dans une ruelle sombre. Et puis, le vêtement, pourtant d'habitude si blanc, était maintenant... couvert de sang...
Alors que je me plaquai la main sur la bouche, j'entendis un étrange bruit de surchauffe, et l'écran revint au noir. Des larmes coulèrent de mes yeux. Que venais-je de voir ? Que m'arrivait-il ? Allais-je avoir la réponse un jour ? Me levant de mon siège, je me dirigeai vers la porte et essayai de l'ouvrir. Elle était verrouillée ! Pourquoi ? Pourquoi quelqu'un prenait-il la peine de me tenir enfermé dans une salle de cinéma ? Oh, et où étaient passés tous les spectateurs ?
C'est alors que j'entendis un son. Ou plutôt de la musique. Oui, c'était de la musique étrangement distordue. À force d'écouter, je reconnut l'air, qui était une berceuse que me chantait ma mère, l'une des seules choses que je me souvenais d'elle. Mais cette réalisation me fit quelque peu paniquer. Qui faisait jouer une version distordue, et assez flippante, de la mélodie de la femme qui m'avait donné la vie ? Étant forcé de l'écouter ainsi, dans le noir presque complet, j'étais effrayé. C'était encore pire que mes cauchemars avec le dragon. Surtout que j'étais sûr et certain que ce n'était pas un rêve... D'ailleurs, sur le mur de gauche, un message était écrit avec une matière inconnue. Il observe tous tes mouvements...
Un bruit me fit tourner la tête. Entre les sièges, un jeune homme qui semblait avoir mon âge marchait d'un côté puis de l'autre, comme s'il tournait en rond. Décidant de m'approcher, je me rendis compte que cet individu n'était autre que mon fameux sosie que je voyais de temps à autre. En plus, il portait un uniforme scolaire pareil que celui que j'avais sur moi en ce moment. Me voyant approcher, le jeune homme sourit malicieusement. Il m'adressa un clin d'oeil avant de disparaître derrière l'écran. Il me fallait à tout prit des réponses à mes questions, donc n'écoutant que mon courage, je me lançai à sa poursuite. Je réalisai que l'autre c'était enfui par la sortie de secours. Mon coeur battant la chamade, j'essayais la porte. Celle-ci s'ouvrit, et lorsque je la franchis, je vis que tout était mystérieusement revenu à la normale. Sam et Helena m'attendaient, et le premier semblait quelque peu mécontent.
— Où étais-tu ? Le film est fini depuis vingt minutes !
Cette déclaration me laissa bouche bée.
— Euh... j'ai... j'ai dû m'endormir.
Mon ami soupira.
— Ouais, c'est sûrement ce qui s'est passé. Mais c'est bizarre, car je croyais que tu étais excité pour le film.
Je ne voulais pas raconter ce qui m'était arrivé devant Helena, que je n'appréciais pas plus que ça, donc je décidai d'inventer quelque chose.
— Oui, et le début du film était très bien, mais la qualité a commencé à faire défaut à mon avis à partir de la moitié, et mon ennui, qui s'est s'en doute mélangé à mon manque de sommeil, a finalement eut le meilleur de moi, faut croire.
Sam allait dire quelque chose, mais sa compagne le devança.
— On rentre ? Il se fait tard.
Soupirant, mon ami partit à la suite de la jeune fille, qui se dirigeait déjà vers la sortie du cinéma. Pour ma part, je demeurais là, sans bouger, ayant tout le mal du monde pour digérer ce qui m'était arrivé. C'est alors que je vis Mavis s'approcher. Cette dernière me mit sa main sur l'épaule.
— Que tu le veilles ou non, Terry, tu es lié au monde des miroirs, et d'une manière beaucoup plus intense que ce qu'on croit.
— Que... que veux-tu dire ? lui demandais-je, même si je craignais la réponse.
Mon amie secoua la tête avant de s'éloigner.
— Ça, il va falloir qu'on le découvre, et le plus vite serait le mieux...
Plus tard, errant sans trop quoi faire sur les trottoirs de la ville, je me pris à réfléchir à ce qui s'était passé au cinéma. Qui étaient l'homme et la femme mystérieux ? Qui... qui était Il, qui observait tous mes mouvements, tous mes faits et gestes ? Donnant un coup de pied exaspéré dans une flaque d'eau, je poussai un énorme soupir. Ce qui touchait la ville semblait étrangement aussi me toucher, et le mystère ne faisait que devenir de plus en plus profond. La découverte du monde miroir n'avait rien apporté. En fait si, tout n'était que plus confus encore. Il ne manquerait plus que quelqu'un d'insensé tente le rituel dont la rumeur à son sujet circulait en ville. Ce serait selon moi le « clou dans le cercueil », comme on le dit si bien...
Fatigué de ma soirée, je décidais de rentrer. Me préparant pour aller dormir, je pris une douche comme à mon habitude, et enfila mon pyjama, qui était constituée d'un pantalon noir très confortable et d'un t-shirt blanc. Je me glissai dans mes couvertures, mais une pensée survint dans mon esprit. Qui allait me hanter cette nuit ? Ce que je venais d'être témoins, où allais-je avoir droit au retour du dragon monstrueux ? Tourmenté, je n'arrivai donc pas à trouver le sommeil. Regardant l'heure, je vis qu'il était exactement trois heures du matin. Je déglutit : dans la culture populaire, l'on nommait cette heure l'heure des sorcières... Cela ne me disait rien qui vaille. En plus, un bruit provenant de la salle de séjour me fit sursauter. Que se passait-il encore ?
Quelque peu effrayé, je décidai d'aller investiguer. Me dirigeant silencieusement vers l'endroit d'où venait l'étrange son, je réalisai d'un coup qu'il s'agissait de Sam. Ce qu'il faisait par contre me donna des sueurs froides. Mon ami venait de s'entailler le doigt, et des gouttes d'écarlate encore chaudes s'écoulaient ainsi à la surface de verre d'un petit miroir de poche.
— S... Sam ? Mais.. mais qu'est-ce que tu fabriques ? murmurais-je mais assez fort pour qu'il puisse m'entendre.
Il ne se détourna pas le moins du monde de sa besogne.
— Je suis en train de prouver que cette malédiction de pacotille n'est qu'un canular, lança-t-il d'un ton glacial.
Un sentiment de terreur me plaqua de plein fouet. Pourquoi faisait-il tout ça ? Avec ce qui était arrivé à son oncle, il devait pourtant savoir, du moins, se douter que quelque chose n'allait pas. Oui, Sam ne croyait pas au surnaturel, mais qu'il ne le voulait ou non, le monde miroir existait réellement, avec lui, la malédiction. J'étais sûr que ce qu'il était en train de faire n'allait qu'exciter encore plus les sortes de démons prisonniers de l'autre réalité.
Mais c'est alors que mon regard s'emplit d'horreur lorsque j'aperçut une paire d'yeux qui se trouvait dans l'ombre, derrière mon ami. Ceux-ci n'avaient rien d'humain, et ils semblaient l'observer. Cette vision terrifiante ne fit que s'empirer lorsqu'un sourire déformer se détacha à son tour de l'ombre. Sam ne le savait peut-être pas encore, mais il venait de commettre la pire erreur de toute sa vie...
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