6.
(Martin)
Tout est en place. Fabien m'a montré quelques unes de ses vidéos, il est plutôt doué.
Je l'ai chargé d'accueillir les invités, son sourire est, quand il le désire, extrêmement… flamboyant.
Quelques minutes plus tard, des voix dans l’entrée m'informent de leur arrivée.
La porte s'ouvre sur Lucas, rigolant avec Fabien.
Derrière eux, plus discret, le deuxième invité.
De lui, je n’ai qu'une fiche brièvement remplie. Un prénom : Aymeric. Un âge : 21 ans. Les autres informations concernent son envie d’apprendre à cuisiner. J’aurais préféré le recevoir seul, pour une première fois mais c’était impossible. Les quelques échanges par mail me laissent deviner une personnalité timide.
Sa posture actuelle, un peu en retrait avec les deux qui rient, en est une autre image.
Je me dirige vers eux, et lui tends, en premier, ma main.
— Bonjour. Entrez. Vous pouvez poser votre veste sur le canapé, pour être plus à votre aise. Lucas est déjà venu plusieurs fois, il connaît les lieux, lui dis-je en espérant le détendre un peu.
— Merci, répond-il avec un sourire discret, tout en ôtant sa veste.
Lucas est déjà en pull, positionné près de l’îlot central. Je viens le saluer et discuter un peu avec lui, le temps qu’Aymeric nous rejoigne. Fabien leur distribue les tabliers et se met à l’écart.
— Vous aviez tous les deux la même demande : apprendre à gérer la préparation d’un repas dans son intégralité. J’ai choisi des recettes dans l’ensemble relativement faciles. Ne soupire pas, Lucas, blagué-je. La préparation est une question de logique, pas de précipitation.
— J’ai retenu la leçon, ronchonne-t-il en réponse. Tu as déjà fait cela toi ?
Aymeric, interpellé par Lucas, sourit.
— Non. Mais j’ai souvent vu ma mère le faire. Il faut lire les recettes pour gérer les temps de cuisson et de repos éventuel, explique-t-il d'une voix douce.
Je ne commente pas, les grommellements de Lucas sont assez significatifs. Il a été vexé la dernière fois, son dessert était magnifique mais le temps que son gigot finisse de cuire, sa verrine à base de glace ne ressemblait plus à grand chose. Il a besoin d'en prendre conscience.
—Lucas, tu es là pour apprendre. Chaque erreur sert à cela, précisé-je. Bon. Prêts à découvrir le menu ? En entrée, je vous propose une rémoulade de radis noir et crabe. En plat chaud des Lasagnes au Potiron et poulet grillé et pour le dessert une mousse de châtaignes aux spéculoos. Je précise, surtout pour vous, Aymeric que les légumes viennent d'une exploitation voisine et que je ne prends les viandes et poissons que chez des commerçants en lesquels j'ai toute confiance.
Tous les ustensiles nécessaires sont disposés là. En double, bien entendu. Sauf pour le four, que vous devrez vous partager. Pour les ingrédients, même chose. A part la viande qui est au frais.
Vous avez opté pour l’option dégustation chez vous. Je vous fournis des sacs de transports et vous pourrez prendre les syphons à condition de me les rendre au plus tard mercredi. Nous nous mettons au travail ?
(Fabien)
Je passe une très bonne soirée. Martin maîtrise tout avec brio, je suis admiratif. Le matériel est disposé sur une table en inox, les ingrédients posés sur une grande table en bois clair juste à côté. Les deux “ apprentis" d'un soir semblent impressionnés par le professionnalisme du jeune homme. Lucas, qui m’a dit tout à l’heure qu'il était à son troisième “ repas”, est complètement détendu. La petite remarque de Martin ne l’a pas longtemps déstabilisé. Il sifflote sans s’occuper de déranger Aymeric beaucoup plus discret. Le frère de Violette passe de l’un à l’autre rectifiant un geste technique, expliquant ou montrant un savoir- faire sans se départir un instant de son sourire. Je comprends pourquoi mon oncle est raide dingue de cet homme. De corpulence plutôt fine, son agilité et son amabilité naturelle alliées à sa voix calme font des miracles. Je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer des regards intéressés de Lucas sur son fessier, j’aime beaucoup moins même si Martin de son côté n’a pas une seule fois l’oeil baladeur.
Personnellement, Aymeric est autrement plus...troublant.
( Violette)
Ludovic baillait depuis déjà un moment, et j’étais fatiguée moi aussi. Pourtant, il est presque vingt-trois heures et le sommeil ne veut pas venir. C'est que sans le ronflement de Fabien, notre aile est très silencieuse. Lorsque nous vivions tous les deux, Martin et moi, ce genre d’angoisse se résolvait par une intrusion dans la chambre de mon frère. Les premières fois, dormir en boule au pied de son lit suffisait à m’apaiser. Lorsque j’ai été un peu plus en confiance, me glisser dans ses bras cessait le bruit des hurlements de mon père dans ma tête. Et là, je sens la crise monter. Je tente les exercices de respiration, me concentrant au maximum, mais cela ne fonctionne pas. Je dois aller boire une boisson chaude en espérant un apaisement.
Dans la cuisine, éclairée par la lumière de mon portable, je tente de ne pas faire de bruit : pas question de réveiller Ludovic. Une fois l’eau frémissante, je m’installe sur le canapé avec mon mug, un gros pull de Martin entouré autour de moi. Je tremble toujours, et je sens mes larmes monter inexorablement. J’entends un bruit de pas, et des bras m’entourent délicatement. Ce n’est pas Martin, mais je suis bien.
— Il vient de m’appeler, ils partent d’ici une demi-heure, on va les attendre ensemble.
La chaleur de Ludovic et l’odeur de mon frère sur son pull m’apaisent. Puis deux bras me soulèvent et après deux bises sur le crâne, je m’endors.
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