(Martin)

La semaine est passée à une vitesse incroyable. Après la journée entourés de ces cinq jeunes, nous avons vu arriver François qui a désiré  nous parler en privé. Cet homme est particulier, très difficile à cerner, aussi ai-je plutôt tendance à rester sur mes gardes. Nous nous sommes isolés du côté du local, les jeunes faisant un tournoi de Wii relativement bruyant dans la salle.

— Voilà, commence-t-il. Je voulais déjà m’excuser de mon départ un peu précipité de ce matin. J’avais un rendez vous avec un nouveau professeur. Laurent doit s’absenter un mois ou deux. Arthur a besoin de ce soutien scolaire, et la présence de Violette lui fait un bien fou.

— Je suis d’accord, Violette ne retournera pas au lycée. Simon va aussi assister aux cours ? demandé-je, curieux.

— Nous n’en avons pas encore vraiment discuté. Il a eu des soucis et je n’ai aucune idée de son niveau scolaire.

— Ils ont l’air de bien s’entendre, c’est la première fois que ma soeur invite quelqu'un ici.

— Mon fils m’a reproché ma posture de distance et mon manque de communication, je lui ai promis de faire des efforts à ce sujet. Arthur n’a jamais rien réclamé…

— Chaque enfant est différent avec sa propre sensibilité... Combien demande ce professeur ?

— Je n’ai pas encore cette information, il souhaite tout d’abord les rencontrer.

Suite à cette conversation, je ne sais pas ce que lui a fait, mais nous concernant, nous en avons discuté avec Violette. Comme je l'avais compris, elle souhaitait continuer même si le changement de professeur la mettait un peu mal à l’aise. Fabien était là, bien entendu, mais n’intervenait pas. Nous en avions parlé avec Ludo, ses résultats scolaires étaient à la baisse, il était plus que temps d’aborder le sujet avec lui.

— Et toi, Fabien, qu’en penses-tu ? l’interpelle Ludo.

— Le principal c’est que Violette s'y plaise, répliqua-t-il, peu impliqué.

— Et à toi, cela ne te dirait pas ?

— Ah, non! Carrément pas. Je n’ai jamais trop aimé les études. Seuls mes parents y tenaient. Je pense sérieusement continuer vers une voie professionnelle. Le patron de Malo cherche à prendre un apprenti pour le seconder à la boutique.

— Rouen est loin, mais si cela te plait, je crois qu’avec l’argent que  tes parents ont donné, tu pourrais louer un studio. Il faut y réfléchir assez vite pour faire les dossiers d’inscriptions.

Ludo s'est refusé de toucher à l’argent de Fabien. Ce n’était pas utile, son affaire fonctionne bien et la mienne aussi. Pourtant, je trouve que ce départ est un peu précipité. Aymeric semble l’aimer, aucun doute n’est permis, il ne le lâche pas du regard très souvent, mais vivre ensemble en cumulant tous les deux études et travail demande une organisation qui ne se concilient pas toujours  avec une jeune histoire d’amour. Égoïstement, je pense aussi à ma soeur qui, du coup, se retrouverait seule. Enfin, presque seule, car j’ai découvert à quel point elle s’ ouvrait aux autres depuis qu’elle n’a plus à combattre le stress du lycée.

Violette, malgré l’absence du prof, est parti chez François. Elle comme Arthur sont capables de gérer des révisions sans surveillance. Celui qui pouvait éventuellement en pâtir était Simon, coincé entre ces deux bourreaux de travail.
Fabien a passé énormément de temps au téléphone avec Malo, puis avec le patron de celui-ci. Un rendez-vous avec Ludo est programmé pour la semaine prochaine.

En prévision de notre weekend, nous avons dû mettre les bouchées doubles afin de gêner le moins possible la clientèle. Nous avions prévu de fermer le local le samedi, nous privant ainsi d'une journée de vente conséquente. Fabien nous a gentiment proposé de s'en charger afin d'éviter la fermeture, ce que nous avons accepté. Il sera seul le matin mais Aymeric le secondera l’après-midi.

( Ludovic )

Martin, sur le siège passager, est très silencieux. Il a essayé toute la soirée d’obtenir des indices sur l’endroit où je l’emmène. J’espère ne pas le décevoir. Quitte à passer un week-end rien que tous les deux, j’ai opté pour quelque chose d’original.

— Plutôt que de te creuser la cervelle à tenter de deviner où nous allons, si nous parlions des enfants. Crois-tu que l’idée d'une prochaine installation de Fabien soit une folie ?

— Fabien sait se débrouiller, il est de loin plus indépendant que Violette. Ce qui me tracasse un peu, c’est le cumul. Aymeric, parce que je pense qu'ils seront très vite installés ensemble…

— Je pense comme toi, ils semblent presque fusionnels. Trop peut-être.

— Je sais pas si on peut être trop, mais être quasi sur que c’est celui que l’on cherche, oui. Moi, je n’ai pas mis longtemps à le comprendre. Notre installation aurait été plus rapide sans la présence de Violette et ma peur irraisonnée de la perdre…

— Elle n’était pas si irraisonnée que cela, mon coeur. Elle va mieux, elle semble avoir trouvé ses marques avec Arthur. Curieux gamin, si adulte. Et Simon ? Tu en penses quoi ?

— Tu me connais, avec Violette, il me faut souvent résister à ne pas la surprotéger. Vous m’y aidez bien toi et Fabien, et je crois que se retrouver à gérer ses émotions seule lui permet d’avancer plus vite. Tu sais à quel point je la poussais vers des séances de groupes, je crois qu’être avec nous et chez François l’aide tout autant et à son propre rythme.

—Ce n’est sûrement pas François qui l’aide ! Cet homme, malgré son sourire, est en incapacité de communiquer. Ce pauvre Arthur a dû souvent se sentir bien isolé .

— L’arrivée de Simon va faire évoluer les choses. Ce gamin n’a pas l’air de vouloir accepter le comportement de son père. On arrive bientôt ? s'impatiente-t-il soudainement.

— Un petit quart d’heure, je dirai. C’est un peu loin, mais franchement je crois que tu vas aimer.